Décembre 2002 Par N. MARECHAL Stratégies

Le contexte

Avec l’adoption de cet arrêté d’application du décret du 8 mars 2001 relatif à la promotion de la santé dans la pratique du sport, à l’interdiction du dopage et à sa prévention en Communauté française, cette possibilité de mettre en œuvre une politique de lutte contre le dopage en Communauté va pouvoir se concrétiser.
Rappelons que plusieurs tentatives ont été faites pour modifier la loi du 2 avril 1965 qui interdisait la pratique du doping à l’occasion des compétitions sportives. Aucune n’avait pu se réaliser.
J’avais pris l’engagement de mettre en œuvre de façon prioritaire les conditions d’une action efficace dans la lutte contre le dopage, cela figure dans la déclaration de politique communautaire. Nous sommes à mi-législature et les outils législatifs et réglementaires de cette action sont réalisés.
Comme vous aurez pu le vérifier dans le texte du décret, le contrôle antidopage s’inscrit dans un cadre plus large de promotion de la santé dans le sport.
Par rapport au décret de 1965 qui prévoyait des sanctions pénales pour le sportif, c’est une toute autre philosophie qui est déclinée:
– une préoccupation d’agir plus globalement en associant un travail de promotion de la santé, de prévention et de contrôle;
– une volonté d’intervenir non seulement sur la pratique du sport de haut niveau, mais aussi sur le sport de masse et plus généralement sur l’activité sportive, pour en favoriser une pratique saine;
– une responsabilisation des fédérations sportives dans leur rôle d’encadrement d’une pratique de sport en santé;
– une aide au sportif pour le responsabiliser dans sa pratique par une information plus efficace, par un suivi médical plus spécifique et par de réels contrôles;
– une attention particulière accordée aux plus jeunes.

Cohérence des politiques

Pour doter la Communauté d’une politique de promotion de la santé dans le sport efficace, il fallait que le décret s’inscrive dans un cadre plus large et en cohérence avec une série de dispositions sur les plans national et international. En effet, la lutte contre le dopage n’est pas seulement un problème belgo-belge, elle revêt une dimension internationale.
Un souci de cohérence m’a donc conduite à harmoniser cette nouvelle législation:
– d’abord au sein de la Communauté, avec les dispositions en matière de sport et le décret du Ministre Demotte concernant les missions des fédérations et les conditions de leur reconnaissance;
– au plan national. Sous la présidence de la Communauté française en 2000-2001, un Accord de coopération entre les Communautés a été signé le 19 juin 2001. Il s’élargit à la Commission communautaire commune (Région de Bruxelles-Capitale), ce qui permet d’harmoniser les dispositions de lutte et de contrôle antidopage sur l’ensemble du territoire national. Il est en cours d’assentiment par chacune des entités;
– au plan européen, la convention de Strasbourg contre le dopage, datant de 1989, a pu enfin être ratifiée par la Communauté française et par la Belgique.
Cet ensemble de dispositions cohérentes et mises en œuvre depuis le début de la législature permet de parler d’une réelle politique en matière de lutte contre le dopage, articulée avec les dispositions existantes en Communauté flamande, les réglementations européennes et bientôt mondiales.
Une large concertation avec les milieux du sport, les fédérations, les experts scientifiques, les représentants du mouvement olympique, et depuis janvier 2002 les travaux intenses et riches de compétence de la Commission francophone de promotion de la santé dans le sport ont permis de réaliser cette démarche avec un maximum d’efficacité.
La matière est sensible et mérite de prendre le temps de s’assurer de la pertinence et de la qualité des dispositions qui sont prises.

Le décret

Pour l’application de ce décret, on rappellera rapidement les trois axes:

La promotion de la santé

Le décret prévoit l’organisation de campagnes d’information. Le but est de sensibiliser la population, et principalement les sportifs et leur entourage, aux impératifs de santé dans la pratique du sport.
Il s’agira à la fois de campagnes «grand public» (radio, TV…), et aussi de campagnes plus ciblées, soit par l’intermédiaire des fédérations sportives, soit par l’intermédiaire des écoles (par exemple professeurs d’éducation physique).

La prévention

L’objectif est que tout un chacun pratique le sport et l’activité physique qui lui conviennent et ait une bonne connaissance des risques courus.
Outre une meilleure information, il a donc semblé indispensable de mettre sur pied un suivi médical qui soit à la fois une certification de l’aptitude physique à la pratique du sport, c’est-à-dire à une prévention des risques, mais aussi l’opportunité de recommandations adaptées au mode de vie.
Les médecins généralistes et les médecins du sport seront sollicités pour relayer cette démarche qui vise à protéger les sportifs des exigences parfois abusives de la performance, en les associant à la prise en compte de leur état de santé. Un carnet du sportif sera le support de cet objectif.
Pour mettre en place cette politique de prévention, il faut bien sûr travailler en collaboration avec les fédérations sportives. Celles-ci devront remettre un règlement médical, qui devra être approuvé par le Ministre, sur avis de la Commission.
Le règlement doit prévoir , au minimum :
les catégories d’âge et les conditions de pratique ;
l’information minimale à fournir aux sportifs en matière de respect des impératifs de santé spécifiques à leur discipline ;
les obligations imposées aux cercles sportifs en matière d’encadrement sanitaire des jeunes sportifs ;
les missions et responsabilités de la commission médicale de la fédération sportive; les impératifs de santé que doivent respecter les personnes qui encadrent les sportifs, et les sanctions administratives ou disciplinaires prises à l’égard de ces personnes en cas de non-respect de ces obligations .

Le contrôle antidopage

La définition du dopage retenue est volontairement large. Elle s’inspire de la déclaration de Lausanne de 1999 et de la loi française: « dopage: usage de substances ou application de méthodes susceptibles d’améliorer artificiellement les performances des sportifs, qu’elles soient ou non potentiellement dangereuses pour la santé, ou usage ou application de méthodes figurant sur la liste arrêtée par le Gouvernement en vertu de l’article 10» .
Le projet d’arrêté tient donc compte de l’avis des nombreux spécialistes qui composent la Commission francophone de promotion de la santé dans la pratique du sport, ainsi que de l’Accord de coopération belge et de la Convention de Strasbourg.

Les contrôles antidopage

Quand?

Ils pourront s’effectuer tant lors de manifestations sportives qu’à l’entraînement. Il faut souligner que la définition du sportif, de la manifestation sportive et de l’entraînement est volontairement large et permet aussi de contrôler les milieux où se pratique l’exercice physique de façon non encadrée comme par exemple les piscines, salles de fitness, le jogging…

Quoi?

Les contrôles pourront consister en prélèvements d’urines le plus souvent, mais aussi de sang, cheveux, salive ou de ravitaillement. Mais il pourra s’agir aussi de contrôler et fouiller des véhicules, vêtements, bagages, équipements des sportifs et des personnes qui les assistent.
La liste des produits et méthodes défendues est directement inspirée de celle du CIO, qui est actuellement la liste internationalement reconnue, notamment dans le cadre de la Convention de Strasbourg et bientôt dans le cadre de la WADA /AMA (Agence mondiale) à laquelle la Communauté participera financièrement.

Par qui?

Le principe retenu pour le contrôle est de donner qualité d’officier de police judiciaire à des membres du personnel de la Communauté française accompagnés, s’ils ne sont pas docteurs en médecine, de médecins agréés.

Comment?

En ce qui concerne les procédures de contrôle, le but est d’harmoniser le plus possible les dispositions prises aux niveaux fédéral, européen et international, et particulièrement dans le cadre de l’Accord de coopération inter-communautés et Région de Bruxelles-Capitale.
La procédure a été, dans la mesure du possible, calquée sur la procédure du CIO et sur celle de la Communauté flamande, afin d’harmoniser les contrôles et d’éviter que, selon l’autorité qui initie le contrôle, le sportif doive se soumettre à une procédure différente.
Les analyses seront effectuées dans des laboratoires agréés. Sauf exception, en cas de force majeure, seuls des laboratoires agréés CIO pourront être agréés.
L’arrêté décrit les procédures des contrôles organisés par l’administration (prélèvements d’urines, de sang, de salive et de cheveux, saisie des substances ou méthodes suspectes, procédure de recours et sanctions), ainsi que les modalités applicables pour les contrôles organisés par les fédérations.
Une cellule spécifique sera installée à la Direction générale de la santé qui sera en charge de l’organisation pratique des contrôles. Elle inscrira son programme en fonction des activités de contrôle des manifestations internationales et des contrôles exercés à l’initiative des fédérations sportives.
Les médecins agréés et/ou officiers de police judiciaire recevront un kit de prélèvement standardisé, qui sera aussi fourni par les services de la Communauté aux fédérations pour leurs contrôles.
Les prélèvements seront acheminés auprès d’un laboratoire agréé CIO. Les résultats seront transmis à l’administration qui les communiquera au sportif et à sa fédération.
Le sportif aura la possibilité de recourir à une contre-expertise auprès d’un laboratoire agréé CIO de son choix.

Quels produits?

La liste des produits et des méthodes interdites est directement inspirée de celle du CIO, qui est actuellement la liste internationalement reconnue, notamment dans le cadre de la Convention de Strasbourg. Cette liste sera régulièrement actualisée.

Et après?

Le décret, dans l’optique de la recommandation de Lausanne, a prévu des sanctions disciplinaires pour les sportifs convaincus de dopage, les sanctions pénales étant réservées à ceux qui favorisent, organisent ou facilitent la consommation de produits dopants.
Les fédérations sportives fixent les sanctions disciplinaires sur base d’un règlement, qui est une des conditions de leur reconnaissance et de leur subvention. Elles avertissent la Communauté des sanctions qui sont décidées et appliquées.
Les sanctions pénales concernent l’incitation à la consommation, la détention ou l’application de produits ou méthodes illicites. La poursuite de ces infractions pourra aussi être le fait du Parquet, soit d’initiative, soit sur base des résultats des contrôles effectués par le fonctionnaire et/ou le médecin ayant qualité d’officier de police judiciaire.

Le calendrier

Le calendrier doit tenir compte des impératifs administratifs nécessaires. L’arrêté a été envoyé au Moniteur pour publication. Restent la procédure d’agrément des médecins et la publication de ces agréments au Moniteur.
On ne vous préviendra pas des lieux et dates à l’avance, mais raisonnablement, les premiers contrôles devraient intervenir d’ici la fin de l’année.
La Communauté dispose dorénavant d’un outil et d’une politique qui intègrent la lutte contre le dopage dans les perspectives de la promotion de la santé dans le sport.
Nicole Maréchal , Ministre de la santé.