Juin 2006 Par Christian DE BOCK Initiatives

Quelques années après la France, la Belgique vient de faire de l’alimentation saine et de l’activité physique des priorités de santé publique fortes pour les prochaines années.
Rien n’étant jamais simple dans notre petit pays, le ton est donné par le Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Rudy Demotte , alors que des leviers essentiels en la matière (tout ce qui tourne autour de l’école, par exemple) relèvent des compétences des Communautés. Cela n’est pas sans susciter des grincements de dents institutionnels, qui échappent largement au grand public.

Genèse du Plan

L’introduction du document fondateur du plan (1) rappelle que ‘l’espérance de vie belge croît grâce aux progrès des soins médicaux et à l’amélioration générale des conditions de vie. Certaines évolutions liées à notre mode de vie sont, néanmoins, propices à l’adoption d’habitudes alimentaires nuisibles et à la diminution de l’activité physique.
Ces facteurs de risque provoquent, à leur tour, une augmentation des cas de surcharge pondérale, d’obésité et d’un certain nombre d’affections chroniques liées (…).
Le PNNS-B entend s’attaquer à cette problématique et augmenter le niveau de santé de la population belge (…).
Le mode de travail adopté prône le consensus et la reconnaissance, par toutes les parties prenantes, de la responsabilité qu’elles doivent assumer dans une concertation constructive.
(…)
Le projet ne traite pas seulement de la problématique de la nutrition et de la surcharge pondérale mais également des problèmes de dénutrition, de carences alimentaires sélectives et des problèmes liés à la communication et la publicité.’

Objectifs nutritionnels

Les résultats de la première enquête nationale de consommation alimentaire (ECA, voir article dans ce même numéro) réalisée dans notre pays depuis une vingtaine d’années témoignent de l’ampleur de la tâche. Certains objectifs repris ci-dessous sont moins ambitieux que les idéaux vers lesquels il faut tendre d’après les recommandations internationales. Cette modestie toute relative est probablement très lucide…

Bilan énergétique

Favoriser l’adéquation entre apports et dépenses énergétiques.
Augmenter le niveau d’activité physique (minimum 30 minutes de marche rapide ou d’une activité équivalente par jour).

L’obtention d’une balance énergétique équilibrée doit reposer à la fois sur la quantité d’énergie ingérée (à réduire lorsqu’elle est excessive) et sur une augmentation de la dépense énergétique. L’augmentation de l’activité physique pour atteindre un niveau souhaitable fait donc partie intégrante du Plan.

Fruits et légumes

Augmenter la consommation de fruits et légumes pour atteindre 400 g par jour .
Diminuer le nombre des ‘petits mangeurs’ de fruits et légumes , surtout chez les écoliers et les adolescents .
La majoration de la consommation de fruits et légumes présente l’avantage d’être un message positif qui renforce l’objectif précédent, vu qu’il s’agit d’aliments de faible densité énergétique pour une densité nutritionnelle élevée.
L’écart entre la consommation réelle et la consommation recommandée est particulièrement significatif. Ce n’est pas par hasard que le spot télé de lancement du programme est centré sur une vision dynamique et positive des fruits et légumes.

Lipides

Limiter l’apport en matières grasses en tendant vers moins de 35% de l’apport énergétique total recommandé.
Améliorer la composition de l’apport lipidique.

Il importe de tenir compte dans l’expression des recommandations concernant les lipides, de l’apport énergétique total, et pas uniquement du pourcentage d’énergie correspondant aux lipides. On peut très bien atteindre un pourcentage d’énergie lipidique proche des objectifs; mais si l’apport énergétique total est excessif, on ingère alors beaucoup trop de lipides!

Glucides et fibres alimentaires

Promouvoir la consommation de glucides vers minimum 50% de l’apport énergétique total recommandé, en accordant la préférence aux sources de glucides complexes comme des aliments pas ou peu raffinés (céréales complètes, légumineuses…).
Diminuer la consommation de glucides simples ajoutés (sucres).
Augmenter la consommation de fibres alimentaires.

La qualité nutritionnelle des aliments riches en glucides complexes doit aussi être prise en compte. Le raffinage des céréales conduit à un appauvrissement en fibres mais aussi en d’autres éléments protecteurs (acides gras essentiels, vitamine E, magnésium…).

Sel

Limiter la consommation et passer partiellement au sel iodé.
Cet objectif peut être atteint par un usage modéré de la salière dans la préparation des denrées et en incitant les producteurs à réduire la quantité de sel utilisée dans leurs processus de fabrication.

Minéraux, oligo-éléments, vitamines, autres substances

Diminuer les carences d’apports spécifiques (fer, folates, vitamine D, calcium) dans certains groupes de population (jeunes, femmes enceintes et allaitantes, personnes âgées).
Corriger la déficience en iode.
Favoriser une alimentation optimale.

Les mesures du Plan destinées à s’attaquer aux carences en certains micronutriments passent avant tout par l’optimisation de l’alimentation et la promotion d’une alimentation saine et équilibrée. Il ne s’agit donc pas de faire de promotion massive de produits alimentaires enrichis.

Eau

Encourager la consommation d’eau comme boisson, au moins 1,5 litre par jour.
Il est important que ce ‘diluant calorique’ soit mis en avant comme le premier choix de boisson, et ce dès le plus jeune âge.

Axes stratégiques

La population doit pouvoir bénéficier d’actions concrètes, visibles et concertées au niveau national permettant, en améliorant l’état nutritionnel, de réduire le risque de maladies et d’optimiser l’état de santé et la qualité de vie, à tous les âges de l’existence. Cela se traduit par 7 axes stratégiques déclinés en une soixantaine d’actions concrètes en tout.

Axe 1 – Information et communication

Ce n’est sans doute pas par hasard que cet aspect du Plan est en tête de liste. En effet, sensibiliser la population à l’importance d’adopter un style de vie et une alimentation sains ‘afin d’entamer la lutte contre la surcharge pondérale, l’obésité et les facteurs de risque d’affections chroniques’ a l’avantage de mettre le PNNS lui-même sur le devant de la scène.
Cela se traduit concrètement par :
-la mise au point d’un logo de communication (reproduit dans ce numéro), qui sera attribué, sur base de critères à définir, aux actions et initiatives qui voudront s’inscrire dans les objectifs de santé du Plan;
-une campagne médiatique (elle a démarré début avril), qui veillera à ne pas oublier les milieux socio-économiquement défavorisés;
-la création d’un site internet et d’une lettre d’information électronique, qui viseront en particulier à diffuser le matériel pédagogique du Plan;
– la réalisation et diffusion d’un guide alimentaire général de 64 pages, Vivement recommandé pour jeunes et moins jeunes , et de quatre guides alimentaires spécifiques de 12 pages (futures mamans et parents avec enfants de 0 à 3 ans, enfants de 3 à 12 ans et leurs parents, garçons et filles entre 12 et 18 ans, et ‘seniors au cœur jeune’).

Axe 2 – Développement d’un cadre propice aux bonnes habitudes alimentaires et à l’activité physique au sein de la population et en particulier chez les jeunes

Cet axe mettra l’accent sur le milieu scolaire:
– intégration dans les programmes scolaires des dimensions alimentation et activité physique;
-directives sur les repas scolaires, dont la composition et la disponibilité devraient être améliorées;
-stimulation de la concertation dans le milieu scolaire.
En outre, le Plan cherchera à favoriser l’accès à la pratique régulière d’activités physiques et sportives par la réduction des problèmes liés aux facteurs environnementaux (trafic, insécurité, infrastructures, etc.) et sociaux (inégalité socio-économique) ainsi qu’aux facteurs liés à la sédentarité (ordinateurs, TV, consoles de jeu, etc.)
Les professionnels du secteur médico-social et d’autres milieux de vie ne seront pas oubliés.
La bonne collaboration avec les entités fédérées sera évidemment déterminante pour cet axe-ci. Il semble que c’est loin d’être gagné, et que la Communauté flamande a d’ores et déjà décidé de se dissocier du Plan national…

Axe 3 – Engagement des acteurs du secteur privé

Toutes les parties prenantes doivent se sentir concernées par le PNNS. Il n’est donc pas pensable pour le Ministre Demotte d’ignorer le secteur agro-alimentaire, celui de la distribution et celui de la restauration. Cela se décline comme suit:
-stimuler la formation des professionnels de l’alimentation et de l’HORECA;
-orienter l’offre et la composition des produits alimentaires et des repas;
-améliorer l’étiquetage et en particulier les informations nutritionnelles;
-fonder scientifiquement les allégations de santé;
-appeler à un comportement éthique de la part des opérateurs commerciaux et du secteur de la publicité, avec évaluation des mesures proposées;
-entamer un dialogue avec les médias, qui sont invités ‘à tenir compte le plus possible des principes du Plan dans l’élaboration de leurs programmes’.

Axe 4 – Mesures ciblant des situations spécifiques

Pour les nourrissons, la promotion de l’ allaitement maternel sera à l’ordre du jour (choix de ce mode d’allaitement par les mères, pendant une période suffisamment longue).
Remplacer le sel de cuisine et de table par du sel iodé .
Sensibiliser les femmes enceintes aux apports en fer et acide folique .
Sensibiliser aux apports en fer , calcium, vitamine D chez les nourrissons, jeunes enfants et adolescents.
Sensibiliser aux apports en calcium et vitamine D chez les personnes âgées.

Axe 5 – Prévention et prise en charge de la dénutrition (en hôpital, en maison de repos et au niveau des soins à domicile)

Quelques mesures concrètes sont proposées:
-nommer un responsable et un comité nutrition dans chaque hôpital;
-créer un Groupe national d’experts en dénutrition au niveau fédéral;
-élaborer une Charte alimentaire pour les maisons de repos et maisons de repos et de soins, à inclure dans les législations communautaires, régionales et fédérales;
-mettre au point une campagne de sensibilisation pour les prestataires de soins et les patients à domicile;
-favoriser l’accès notamment financier aux interventions diététiques;
-élaborer une formation de qualité en matière de nutrition pour les diverses professions de santé.

Axe 6 – Evaluation de la consommation alimentaire de la population

L’enquête nationale de consommation alimentaire (voir les résultats de la première édition dans ce numéro) sera reproduite sur une base périodique, avec adaptation, correction et extension de la méthodologie.
Le fonctionnement et les activités de l’asbl NUBEL seront soutenus. Pour rappel, cette asbl a pour objectifs d’assurer la composition, la gestion et la mise à jour d’une banque de données scientifiques concernant les nutriments présents dans les denrées alimentaires, et de mettre des éléments de cette base de données à la disposition de groupes-cibles spécifiques: personnel médical et paramédical, enseignement, secteur de la distribution, industrie alimentaire, établissements scientifiques, associations de patients et les consommateurs en général.

Axe 7 – Recherche scientifique

Cela concerne surtout l’enquête de consommation alimentaire, de façon à y intégrer des éléments d’évaluation des activités du PNNS.
Christian De Bock
(1) Le texte scientifique du Plan national nutrition et santé (130 pages) est téléchargeable sur le site http://www.monplannutrition.be , pages ‘infos pour professionnels’.