Octobre 2007 Par L. PINEUX V. HUBENS Initiatives

Dans son précédent article (1) sur la promotion de la santé cardio-vasculaire, le Dr Jean Laperche rappelait le rôle central du médecin généraliste. Il est un «scientifique de proximité» qui peut conseiller son patient dans cette démarche de promotion d’une meilleure santé cardio-vasculaire. Mais comment aborder le patient dans ce côté préventif alors que le médecin généraliste est déjà débordé par les soins curatifs?
Au quotidien, le médecin généraliste a déjà une approche globale du patient, tant médicale que sociale. Il connaît le contexte de vie de celui-ci. C’est un premier point. Il peut aussi aborder les autres questions (tabac, alimentation, exercice physique…) qui lui permettront de mesurer avec le patient son risque cardio-vasculaire global.
Cela peut se faire en 3 étapes (2): dépistage, détermination du risque et prise en charge. Mais comment insérer cette démarche préventive dans un quotidien fait surtout de consultations à visée curative? Pour ce faire, nous vous proposons un petit mode d’emploi d’outils de communication faits par des généralistes pour des généralistes.

Proposer le dépistage!

«Je suis convaincu de l’utilité du dépistage cardio-vasculaire, mais est-ce que je ne risque pas de l’ennuyer, ce patient qui vient pour tout autre chose que sa santé cardio-vasculaire?» «Pas toujours le temps d’expliquer l’utilité du dépistage cardio-vasculaire alors que la salle d’attente est bondée!».
Ce sont donc toujours les mêmes raisons qui expliquent la difficulté de faire de la prévention en médecine générale. Et pourtant de nombreuses études nous apprennent que les patients apprécient que leur médecin se préoccupe de leur santé en abordant la prévention avec eux (3)! Dur dur d’appliquer ces principes!

Cette recherche-action est conçue et réalisée par et pour des généralistes rassemblés au sein de l’asbl Promotion Santé et Médecine générale, née d’un partenariat entre la SSMG et la Fédération des maisons médicales et créée à la suite du projet.
Elle continue toujours en 2007: affiche pour la salle d’attente, documents pour les patients, cadastre des ressources locales pour l’accompagnement des patients présentant un risque cardio-vasculaire, formation et discussion de cas de suivi de patients à risque cardio-vasculaire identifié.
Des intervisions et les prémisses d’un travail en partenariat avec des associations actives en promotion de la santé sont prévues aussi cette année.
Le présent article s’adresse aux médecins généralistes, mais toute personne appréciant l’effort de la première ligne pour changer de paradigme le lira aussi avec profit!

Qu’est-ce qui pourrait bien nous aider à proposer le dépistage du risque cardio-vasculaire global en l’absence de symptômes d’alerte? Et qu’est-ce qui pourrait pousser le patient à en parler à son médecin? Une première réponse pourrait être un outil pour la salle d’attente.
L’asbl Promotion santé et médecine générale a conçu «L’ABC du coeur» qui se décline sous deux formes: une affiche et un carnet à feuillets détachables destinés au patient. Testés auprès d’un groupe de patients, ces outils ont été bien accueillis.

L’ABC du cœur, quel message?

ABCDEFGH: les 8 facteurs de risque décrits dans l’article «L’ABC du risque cardio-vasculaire global» sont repris sous forme de phrase courte et à la première personne : «J’ai plus de 50 ans», «Je suis fumeur/fumeuse»…
Concerné par au moins une des 8 propositions, le patient apprend qu’il risque peut-être d’avoir une maladie du coeur ou des artères dans les 10 prochaines années; il est invité à en parler à son médecin pour envisager avec lui ce qu’il y a de mieux à faire dans son cas.

La détermination du risque

Comme décrit plus haut, le temps nous est souvent compté. Il fallait donc également un outil permettant de proposer aux patients qui le désirent une détermination de leur risque cardio-vasculaire. Pour cela, nous vous proposons la plaquette «Comment déterminer le risque cardio-vasculaire global?» inspirée d’une recherche menée par le Prof. Boland et collaborateurs (ESP-UCL) et ayant fait l’objet d’un consensus en 2003 entre le FAG, la FMM, la SSMG, le DMG de l’ULB, le DUMG de l’ULg, l’OSH, le CUMG de l’UCL et Question Santé.
En effet, 88% des généralistes volontaires ayant participé à la recherche-action en 2004 (4) et ayant utilisé cette plaquette ont estimé cette stratégie réaliste et faisable dans leur pratique quotidienne. Cela leur a pris en moyenne 5 minutes.
Dans cette plaquette, toutes les étapes de la détermination du risque se retrouvent:
• les 8 facteurs de risque à prendre en compte pour le dépistage du risque cardio-vasculaire global;
• l’ algorithme permettant de catégoriser d’emblée les patients dans l’un des 4 groupes suivants: patient à risque élevé, patient à risque bas, patient dont le seul facteur de risque est le tabagisme et patients dont le risque reste à préciser suite à une prise de sang (vous pouvez ainsi, très rapidement, classer 1 patient sur 2 parmi vos patients âgés de 30 à 75 ans);
• les tables Score Belgium qui vous permettent de classer les patients en différentes catégories de risque en fonction des résultats de leur prise de sang;
• une série de questions issues du guide d’entretien mentionné ci-dessous vous permettant d’entrer dans le monde du patient pour un accompagnement centré sur son contexte de vie, ses habitudes, ses projets…
• les cibles thérapeutiques prioritaires avec leur niveau EBM.

Pour terminer: la prise en charge des patients à risque

L’outil proposé aux médecins généralistes ayant participé à la phase pilote en 2004 pour l’accompagnement des patients à risque (5) (6) était un guide d’entretien (7).
La philosophie de ce guide est de se centrer sur le monde du patient. Ce guide d’entretien ne sert pas au dépistage mais plutôt à l’accompagnement. Le point de départ de la réflexion commune du patient et du médecin est donc la vie quotidienne et la santé du patient et, seulement ensuite, les maladies ou les risques de maladie encourus par le patient.
Ce guide d’entretien suggère au médecin qui revoit le patient à risque quelques questions lui permettant de rencontrer le monde du patient, de parler avec lui de ses projets de vie, ses envies et ses possibilités de changement. Il identifie les préférences du patient dans le choix des sujets à aborder (tabac, alimentation, activité physique, excès de poids…). L’objectif est bien entendu de trouver des pistes permettant de travailler avec le patient autour des facteurs de risque qui le concernent et sur lesquels il se sent capable d’agir, dans une négociation commune et une confiance réciproque.

Vous êtes preneurs?

Affiches et carnets ont été envoyés en septembre 2006 à 510 médecins généralistes francophones qui avaient été préalablement formés au dépistage du risque cardio-vasculaire global.
Une nouvelle version papier et informatique de la plaquette ‘Comment déterminer le risque cardio-vasculaire global ?’ est en cours d’élaboration.
La version 2005 est toujours disponible sur les sites Promosanté et SSMG et peut être envoyée sur demande.
Le guide d’entretien vous intéresse? Il est disponible sur le site www.promosante-mg.be dans la rubrique outils.

Conclusion

Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité en Belgique et le médecin généraliste a une place centrale dans le dépistage de celles-ci. Il dispose d’outils adaptés pour le seconder dans sa démarche, le dépistage des patients à risque peut ne prendre que quelques minutes lors d’une consultation, et nous savons que le patient est demandeur de ce type d’action préventive. Pourquoi hésiter?
Valérie Hubens , Chercheur en santé publique, asbl Promotion Santé et Médecine Générale, et Luc Pineux , médecin généraliste

(1) Laperche Jean. La «promotion» de la santé cardio-vasculaire, mais encore? RMG 2007; 242: 163-5 et Education Santé 225 , août 2007
(2) Laperche Jean. L’ABC du risque cardio-vasculaire global. RMG 2006; 236: 395-6 et Education Santé 218 , décembre 2006
(3) Gosselain Yves, Laperche Jean, Prévost Marianne. Les obstacles à la prévention en médecine générale. Santé Conjuguée 1999, 10: 42-45.
(4) Legat Pierre. Les nouvelles recommandations européennes en prévention cardio-vasculaire: qu’est-ce que cela change dans ma pratique? RMG 2004; 212: 164-9.
(5) Laperche Jean, Hubens Valérie. Dépistage du risque cardio-vasculaire global: un projet pilote en médecine générale. RMG 2006; 237: 451-2 et Education Santé n° 219 , janvier 2007
(6) Laperche Jean, Hubens Valérie. Dépistage du risque cardio-vasculaire global: que deviennent les patients dépistés à risque? RMG 2006; 238: 504-5 et Education Santé 220 , février 2007
(7) UCL-RESO (collectif). Guides d’entretien et de suivi pour maladies chroniques. UCL-RESO, Bruxelles, 2002, 2 pages.