Décembre 2005 Par M. PETTIAUX Initiatives

La deuxième conférence internationale francophone sur le contrôle du tabac (CIFCOT II) s’est tenue à Paris du 18 au 21 septembre, à la Maison de la Chimie.
Plus de 700 participants d’Europe, du Québec et d ‘Afrique se sont réunis pendant 3 jours pour partager les connaissances, les expériences et s’approprier encore et toujours plus de compétences pour lutter contre le tabagisme.
Cette conférence internationale était organisée par la Ligue nationale française contre le cancer et l’Alliance française contre le tabac.
En présence du Ministre français de la Santé et de la Solidarité, Xavier Bertrand , du Vice-président de l’Assemblée nationale et de nombreuses personnalités nationales et internationales de premier plan, et avec le soutien du Ministère de la Santé et de l’Institut national du cancer, les participants ont pu fédérer les énergies et mutualiser les connaissances dans tous les domaines (scientifiques, médicaux, sociaux, politiques, économiques et écologiques).
En améliorant ainsi l’information et en renforçant l’action à l’échelle mondiale francophone, CIFCOT II a permis à tous les organismes et personnes engagés dans la lutte contre le tabagisme d’opposer un front uni et déterminé à une industrie meurtrière et très organisée.
Le programme de la conférence, très ambitieux, a couvert la quasi-totalité des champs d’action: envahissement de l’Afrique par les cigarettiers, protection des salariés sur leur lieu de travail, médias, économie et aide à l’arrêt.
Pas moins de 180 ateliers et 6 sessions plénières ont animé ces 3 jours et devraient permettre d’envisager de remporter, sinon la guerre au tabac, du moins de grandes batailles.
Comme Fabrice del Dongo le héros de Stendhal du Rouge et le noir , qui a assisté à la bataille de Waterloo mais n’a vu que ‘passer les boulets de canon’, nous avons pointé quelques aspects seulement des débats, mais d’un grand intérêt.

Travail

En France, un quart des salariés – 4,6 millions de personnes – restent enfumés sur leur lieu de travail. Dans un sondage rendu public à la conférence, 21 % des salariés déclarent qu’il n’est pas interdit de fumer dans leur entreprise. Et seulement 23 % que la Loi Evin y est appliquée.
Certains sont mieux protégés que d’ autres puisque 31 % des ouvriers contre 11 % des cadres travaillent dans une entreprise hors la loi.
En revanche quasiment tous (93 %) sont désormais conscients du fait que l’exposition à la fumée des autres ne constitue pas seulement une gêne mais un risque important pour la santé des non-fumeurs. Et 78 % estiment que c’est à l’employeur de garantir un environnement de travail sans fumée, y compris dans les bars, cafés et restaurants.
Voilà de bonnes nouvelles pour notre Ministre de la santé publique Rudy Demotte

Consommation

Un aspect également mis en exergue a été l’importance du tabagisme en Afrique, étant donné le nombre de morts en plateau dans les pays industrialisés, mais en augmentation dans les pays pauvres, et aussi en Chine, énormes réserves de marché pour l’industrie du tabac. Les conséquences sanitaires et sociales, entrave au développement, altération de l’environnement (le séchage du tabac est une des premières causes de la déforestation), majoration de la pauvreté, menacent gravement les pays en développement et plus particulièrement l’Afrique.
Un aspect particulier de la lutte en France: le recul du tabagisme marque hélas le pas.
En effet, après la chute historique des ventes de cigarettes au cours de trois dernières années, due à des augmentations significatives du prix, les bureaux de tabac français pensent restaurer leur chiffre d’affaire. Au mois d’août la quantité de cigarettes vendue par Altadis a augmenté de 1,8 % par rapport au même mois de l’an passé. L ‘entreprise qui approvisionne la quasi-totalité des débitants de tabac avait déjà enregistré une hausse de vente de 2,1 % en janvier et 6,9 % en mai!
Autant de signes qui prouvent la fragilité des résultats de la lutte contre le tabagisme selon les associations antitabac.

Convention-cadre

Notons aussi l’approche globale de la lutte contre le tabac, et une mobilisation internationale importante envers le dispositif que la Convention-cadre de l’OMS apportera dans cette lutte.
Relevons à ce propos que pour la Belgique, toutes les entités fédérées ont signé et ratifié cette convention, sauf, à la date du 21 septembre dernier, le Gouvernement flamand.(Ndlr: le Gouvernement flamand a effectivement signé et ratifié en date du 14 octobre 2005).
Gageons qu’il ne s’agit que d’un retard administratif. Il serait dommage qu’une non-ratification d’une seule partie empêche la Belgique de participer à la première conférence de suivi de la Convention-cadre qui se tiendra au début 2006 à Genève.
Voilà encore du travail de lobbying à prévoir pour la Coalition nationale de lutte contre le tabagisme…
Michel Pettiaux , FARES asbl
Adresse de l’auteur: FARES, rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 512 29 36. Courriel: michel.pettiaux@fares.be

L’Appel de Paris contre le tabac

Face à une industrie dont la concentration des moyens financiers menace la santé publique et entrave, par la corruption, le développement des pays émergents, désireux de s’ouvrir à la dimension internationale, multiculturelle et plurilinguistique de la lutte contre le tabac, forts de la Déclaration de Montréal, adoptée en 2002 lors de CIFCOT I, les 700 délégués représentant 33 pays de la francophonie réunis à Paris à l’occasion de CIFCOT II adoptent à l’unanimité les deux résolutions suivantes:
La convention-cadre de lutte antitabac de l’OMS (CCLAT) doit être ratifiée, transposée et appliquée par les gouvernements des pays de la francophonie.
Les opinions de ces pays , en particulier celles des pays d’Afrique, d’Asie, de l’Océan indien… doivent être mobilisées afin de mettre en œuvre un plan d’action comprenant:
-l’interdiction de toute publicité et de toute promotion des produits du tabac sous quelque forme que ce soit;
-l’augmentation significative et répétée annuellement du prix de vente au détail des produits du tabac;
-la protection totale des non-fumeurs par l’interdiction générale de fumer dans les lieux publics et les lieux de travail;
-la mise à disposition auprès des fumeurs des méthodes d’arrêt du tabac scientifiquement validées;
-l’information efficace des publics, en particulier des plus démunis, sur les effets du tabagisme sur la santé.
La Conférence mandate les présidents de CIFCOT I, de CIFCOT II, le président et le secrétaire permanent de l’Observatoire du Tabac en Afrique francophone (OTAF) de constituer et de financer un Secrétariat permanent francophone de lutte contre le tabac.
Il est chargé d’élaborer une stratégie francophone et de renforcer la collaboration mondiale face aux agissements de l’industrie du tabac particulièrement dans les pays les plus vulnérables.
CIFCOT II, Paris, le 21 septembre 2005