Un jeune sur cinq souffre d’une surcharge pondérale. Mais un garçon sur quatre seulement est préoccupé par son poids contre près d’une fille sur deux.
Le contexte
Le problème de surcharge pondérale chez l’enfant et chez l’adolescent croît de manière alarmante. Ces dernières années, tant les études épidémiologiques que cliniques ont montré que l’incidence de l’obésité a doublé, voire triplé pour rejoindre des taux similaires aux taux nord-américains avoisinant 10 à 15% des jeunes.
Ce phénomène inquiétant semble toucher maintenant toutes les catégories sociales sans distinction. Le tiers monde n’est pas épargné non plus. En Communauté française, les données produites par l’ULB-PROMES, l’Observatoire de la santé du Hainaut, l’Observatoire de la santé du Luxembourg et l’Enquête nationale de santé confirment les tendances internationales.
Ces études pointent entre autres les comportements et les modes de vie des jeunes en lien avec l’alimentation:
– 1 jeune sur 3 ne consomme pas de fruits chaque jour;
– 4 jeunes sur 10 ne consomment pas de légumes chaque jour;
– 1 jeune sur 10 consomme des frites tous les jours;
– 6 jeunes sur 10 consomment des chips, des sodas et des friandises tous les jours.
Ce n’est pas mieux au niveau des loisirs, avec près de 3 garçons (2 filles) sur 10 qui passent quotidiennement au moins 4 heures devant la télévision, une console de jeu ou des vidéos chaque jour.
Enfin, près de 2 jeunes sur 10 ne pratiquent aucune activité sportive en dehors de l’école.
Les facteurs de risque ont été bien établis: sédentarité, alimentation trop riche en graisses et en sucres, pauvre en fibres, modification des modes de vie (repas pris à l’extérieur, grignotage, etc.) et rythmes de vie peu en accord avec la promotion de la santé.
C’est l’ensemble de ces indicateurs qui a servi pour déterminer le contenu de la campagne. La nécessité de les rassembler dans un cadre commun est clairement apparue aux experts du comité d’accompagnement. Le concept de rythme de vie a dès lors été choisi comme le plus pertinent pour aborder cette problématique tout en évitant de stigmatiser les enfants obèses.
L’expérience clinique des membres du comité d’accompagnement (nutritionniste de l’enfance, pédopsychiatre responsable d’un internat diététique et pédiatre responsable d’une consultation excès de poids dans un hôpital académique) est venue ponctuer les contenus de communication en pointant d’autres facteurs de l’obésité et de la surcharge pondérale chez les jeunes comme les déterminants familiaux et psychosociaux. Ces éléments ont également servi de guide dans la sélection des messages, des supports et des publics-cibles visés.
Face à un phénomène d’une telle ampleur, il fallait s’atteler à définir les causes tout en se penchant sur les meilleures manières d’intervenir afin d’être le plus efficace possible.
Les recommandations
Issues d’analyses très larges (revue systématique et méta-analyse de programmes scientifiquement évalués) et basées sur l’évidence de la preuve de l’efficacité, les recommandations en matière d’interventions, insistent sur des approches préventives larges, généralistes et précoces visant aussi bien les enfants et les jeunes eux-mêmes que leurs parents et l’école.
Pour l’enfant obèse, par exemple, un des facteurs de réussite identifié indique que si un des parents poursuit un régime avec lui, il a plus de chance de perdre du poids Plus globalement et de manière plus préventive encore, les directives soulignent l’importance de sensibiliser les parents à leur rôle d’éducateurs en la matière. Les interventions et les programmes doivent conseiller les familles sur les modes de vie en faveur de la santé, les inciter à communiquer avec leurs enfants à ce sujet et les aider à installer ou à modifier les comportements de leurs enfants au niveau de l’alimentation et en matière d’activités physiques en préconisant des loisirs actifs.
A l’école , il ne faut pas se limiter aux actions pédagogiques mais aussi veiller à développer des environnements favorables à la santé. L’éducation nutritionnelle est en première ligne évidemment mais sans effet, voire contre-productive, si elle n’est pas accompagnée de mesures visant l’offre de repas, la vente de friandises, les distributeurs de boissons et les cantines scolaires. Cette cohérence est également à établir en matière d’activités physiques. On pense aux cours d’éducation physique bien sûr mais il faut offrir aux enfants la possibilité de bouger et de se détendre régulièrement à l’école.
Très clairement, il faut mettre en œuvre et/ou en cohérence une mosaïque d’actions dirigées tant vers les familles que vers les écoles. Il va de soi que la sensibilisation des parents et des enseignants est indispensable. Il s’agit donc de mettre en place un dispositif large combinant à la fois la sensibilisation des enfants, de leur famille et des enseignants. Les directives recommandent la formation des enseignants et le développement de supports pédagogiques pour les aider dans la mise en place de programmes préventifs à l’école.
La campagne des Motivés
Globalement, l’objectif de cette campagne vise à sensibiliser le public aux facteurs déterminants de l’obésité chez l’enfant. Plus spécifiquement, elle donne l’envie aux jeunes de 8 à 10 ans de s’identifier au clan des ‘motivés’ qui est un groupe de jeunes branchés qui ont adopté des rythmes de vie en faveur de leur santé. De façon complémentaire, la campagne invite les jeunes à surfer sur le site www.motives.be pour rejoindre le clan (et donc adopter aussi ces rythmes de vie pour en faire partie).
Le contenu
La campagne « Promouvoir les rythmes de vie chez les jeunes de 8 à 10 ans » repose sur trois axes:
– le rythme de l’alimentation: prendre 4 repas par jour (dont le goûter);
– le rythme du sommeil: dormir 10 heures par nuit ;
– le rythme du corps: se dérouiller les jambes toutes les 2 heures .
Le public–cible
La tranche d’âge 8 -10 ans n’a pas été sélectionnée au hasard. L’opération cible à la fois l’adhésion, l’engagement des enfants, la sensibilisation et le soutien des parents. Plus jeunes, les enfants ne sont pas encore sensibles à l’appartenance à un groupe, et, plus âgés, l’implication des parents est plus difficile.
Les caractéristiques propres des enfants de 8 à 10 ans en matière de développement psycho-affectif, cognitif, social et leur perception de santé à cet âge en font un public privilégié pour atteindre les objectifs fixés plus haut.
10 – 4 – 2
En 2003, que mettre en exergue pour que nos enfants se sentent bien dans leur peau?
Il nous paraît essentiel de revenir à un rythme d’habitudes de vie dans une société où tout va vite, où l’on déstructure les journées à cause des horaires professionnels des parents, des exigences des trajets, de l’impact de la TV…
Il est souhaitable de faire 4 repas par jour , de bouger tous les jours et toutes les 2 heures au cours de la journée scolaire, de bien dormir 10 heures par nuit mais surtout de créer un rythme régulier du sommeil.
La santé vient en mangeant
Dans un cadre convivial, proposons 4 repas consommés assis à table ceci dans le but de structurer la journée alimentaire.
Le petit-déjeuner, c’est bien connu, est essentiel à l’état d’éveil matinal. De plus, les scientifiques n’ignorent pas que la physiologie de l’enfant n’est pas bien adaptée au jeûne prolongé de la nuit s’il ne mange pas le matin. Autre avantage, le petit-déjeuner met sous contrôle les fringales de 10 heures ou de midi qui surviennent s’il est absent, et de ce fait aide à réguler les consommations et donc le poids.
Choisissons les aliments appréciés par les enfants en nous souvenant qu’il faut donner la préférence aux aliments de densité nutritionnelle élevée et de densité énergétique basse. Quid? Choisir des aliments plus riches en eau, en fibres, en micro-nutriments plutôt que des aliments très gras, très sucrés, pauvres en eau… (caractéristique de bien des aliments manufacturés). Apprendre à bien choisir tout en restant proche des désirs des enfants, c’est possible.
Restons également raisonnable quant aux rations consommées. Il faut acquérir une notion de satiété confortable et non de réplétion totale.
Traitons avec souplesse les goûts et les dégoûts des enfants, acceptons qu’un jour ils mangent moins, évitons les impératifs du genre: ‘tu gaspilles les aliments, finis ton assiette à tout prix’.
L’importance du 4e repas : un goûter complet, varié, consommé en une prise est favorable pour aider à restructurer la journée alimentaire, à assurer la bonne couverture des nutriments, à contrôler le grignotage. Ce dernier est souvent le résultat d’une consommation de ce qui tombe sous la main et n’est pas considéré (à tort) comme une ingestion alimentaire et contribue finalement au développement de la surcharge de poids. Le goûter aide aussi à améliorer l’attente du souper, à préparer au sport ou à un exercice physique.
Le repas principal est soit consommé le midi soit le soir. Nous faisons un plaidoyer pour un repas complet le midi mais il ne faut pas dénigrer le pique-nique à condition qu’il soit bien agencé.
Réservez au repas du soir un moment d’échanges, c’est tellement important pour toute la famille.
Buvons de l’eau, mangeons un féculent à chaque repas, 2 produits laitiers par jour, 5 rations de fruits et légumes par jour.
Bien reposés, avec un stress déchargé par l’exercice physique et un corps en forme, nos enfants seront mieux disposés à bien se nourrir!
Jacqueline Absolonne , diététicienne-nutritionniste
Les enfants de cette tranche d’âge sont sensibles aux arguments santé: d’une part ils ne se situent pas encore dans le déni et dans l’opposition caractéristique des pré-adolescents et d’autre part, ils peuvent s’enthousiasmer pour de grandes causes. Du point de vue de leur développement social, «l’importance du groupe prend le pas sur l’influence d’un seul ami (…) en ce qui concerne leur approche de la santé, l’enfant est capable de prendre certaines décisions raisonnées pour sa santé. Les définitions de la santé qu’il donne sont encore principalement axées sur l’aspect physique. Etre en bonne santé, c’est avoir la forme, c’est être bien dans sa peau. Les thèmes santé qui le préoccupent accordent une priorité à la diététique, la sécurité, la bonne forme physique, la préservation et la conservation de l’environnement ainsi qu’aux soins aux animaux».
(La santé de demain par les enfants d’aujourd’hui. Guide méthodologique pour les enseignants des écoles primaires. ULB/PROMES 1994)
Le principe: l’adhésion
La campagne repose sur l’envie de faire partie d’un clan ou d’une tribu composée de jeunes branchés et sympas qui ont comme signe de ralliement notamment le rap. La campagne va à contre-courant d’un mode de vie ne respectant plus aucun des rythmes de vie. Elle cible les jeunes de 8-10 ans qui ne mangent qu’un ou 2 repas par jour, qui grignotent, qui ne dorment pas suffisamment la nuit et qui privilégient les loisirs passifs (consoles de jeux. TV, vidéo…) plutôt que les loisirs actifs (vélo, planche à roulettes…).
L’objectif
Il est d’inciter à la mise en place de programmes «Rythmes de vie» en synergie avec les programmes existants en Communauté française comme par exemple les opérations «A table les cartables» en matière d’alimentation et «Clés pour la forme» en matière d’activités physiques. Les enseignants constituent un des leviers pour aboutir au développement de tels programmes dans les écoles. Le site (et ses liens vers des sites éducatifs spécifiques) et le dossier pédagogique, offrant des repères méthodologiques et un inventaire des ressources disponibles en Communauté française, devraient contribuer à la mise en place de projets dans les écoles.
La réforme de la médecine scolaire actuellement en cours et dans ce cadre l’organisation de la formation des agents des services de promotion de la santé à l’école et PMS de la Communauté française offre, elle aussi, une bonne opportunité de promotion de cette initiative.
La démarche
Un comité d’accompagnement qui rassemble des experts médicaux en nutrition et en pédopsychiatrie, des experts de la communication en promotion de la santé, des experts en diététique et en alimentation ainsi que des acteurs de terrain directement impliqués avec des jeunes, dans la prévention de l’obésité se réunit depuis le mois de janvier pour piloter la campagne. L’asbl Question Santé a géré, avec mon Cabinet, l’ensemble des opérations. J’ai fait appel à Clepsydre Communication pour son savoir-faire en communication et son expérience avec les enfants.
Les supports
Le dispositif de campagne repose sur la diffusion de spots publicitaires en TV et radio.
Composé d’activités ludiques, de jeux, de ressources…, un site internet http://www.motives.be est accessible aux enfants. Les parents et les enseignants y trouveront également des informations intéressantes.
Un numéro spécial du Journal de l’enfant a aussi été réalisé, avec un tirage de 23.000 exemplaires à destination des jeunes et des écoles.
Pour les enseignants désireux de prolonger la campagne dans leurs classes et dans leurs écoles, un dossier pédagogique sera disponible début janvier. Il est en cours de réalisation. Il sera constitué de fiches méthodologiques et d’un inventaire des ressources disponibles dans les trois domaines de la campagne. Il ne s’agit en aucun cas de réinventer un nouvel outil mais bien de mettre en connexion les nombreuses initiatives prises dans ces secteurs. La Communauté française en a soutenu plus d’une. Le dossier sera diffusé par l’intermédiaire des services de promotion de la santé à l’école. Une brochure, spécialement destinée aux parents, est également prévue.
Nicole Maréchal , Ministre de la Santé