Le Conseil supérieur de promotion de la santé remet au Gouvernement de la Communauté française des avis destinés à l’assister dans sa politique de promotion de la santé et de médecine préventive. Il s’agit souvent de recommandations techniques, imposées par la législation, ou d’avis ponctuels sur des programmes d’action et de recherche, sur des campagnes médiatiques, des registres de pathologies, etc.
Le Conseil est aussi amené à répondre à des questions de portée plus générale, et peut aussi prendre l’initiative d’attirer l’attention de la ministre sur une question qu’il juge intéressante ou préoccupante.
L’avis reproduit ci-dessous a été donné le 19 mai 2006 en réponse à une interrogation de Madame Catherine Fonck, Ministre de l’Enfance, de l’Aide à la Jeunesse et de la Santé. Le Conseil a souhaité lui donner une certaine publicité.
A noter: le site http://www.sante.cfwb.be contient beaucoup d’informations utiles sur le Conseil, dont quelques-uns de ses avis.
Présentation générale de la problématique
L’impact du bruit sur la santé des personnes a été abondamment documenté; des normes de niveaux sonores existent pour différents types de bruit et milieux de vie.
Il est important de préciser d’emblée que les nuisances sonores sont devenues une question prioritaire dans notre société, tant au niveau des multiples sources de bruit que des effets sur la santé, dont la perte d’audition n’est qu’un des éléments à côté d’autres conséquences négatives. A ce propos, l’OMS identifie une série d’effets défavorables du bruit (en général):
-déficit auditif;
-interférence avec la compréhension de la parole;
-perturbation du sommeil;
-perturbations des fonctions physiologiques (hypertension, maladie cardiaque ischémique);
-santé mentale, stress;
-niveau de performances (travail, école);
-effets sociaux et comportementaux.
La problématique des nuisances sonores apparaît clairement comme une question d’ordre environnemental, domestique et professionnel.
Le plus fréquemment, le bruit atteint les personnes indépendamment de leur volonté et de leur possibilité de choix. Même en milieu festif et lors de l’utilisation de baladeur, le jeune est soumis à des bruits d’une intensité importante dont il ne soupçonne pas le danger. La gravité de ce danger est également accentuée par le fait que les lésions auditives engendrées par les traumatismes sonores sont définitives, la médecine étant actuellement impuissante à les réparer.
En ce qui concerne les risques encourus en milieux festifs, si la perte d’audition chez les jeunes semble un fait admis, il est cependant difficile, voire impossible, de préciser la part respective des différentes sources sonores dans les dégâts occasionnés au niveau de l’audition, les jeunes étant généralement soumis à des bruits d’intensité exagérée en fréquentant les milieux festifs (discothèques et concerts) mais aussi par l’usage du baladeur. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles il semble indiqué d’aborder conjointement ces deux aspects.
Bruit, situations à risque et promotion de la santé
De façon générale, le Conseil insiste pour que la question des nuisances sonores soit approchée de façon globale et ne soit pas abordée en se limitant à certains aspects ou certains lieux.
En effet, l’exposition volontaire au bruit peut dans certains cas être envisagée comme une conduite à risque (au même titre que les accidents de la route et du sport, les consommations abusives, les relations sexuelles non protégées) qui caractérisent la population jeune ( 15-30 ans).
L’approche de la problématique du bruit s’intègre dans une approche globale de la prévention des traumatismes et de la promotion de la sécurité et de la santé qui constitue un des axes prioritaires du plan communautaire opérationnel.
Cette approche consiste à envisager la problématique selon différents facteurs qui la caractérisent:
-ceux liés à la personne: vulnérabilité individuelle, antécédents ORL, manque d’information, recherche du plaisir, isolement dans un univers sonore…
-ceux liés à l’environnement matériel: baladeur, appareil surdimensionné en voiture, amplification extrême dans les salles de spectacle… Les progrès techniques récents ont permis de rendre abordables et par conséquent de généraliser des équipements très performants en terme de puissance;
-ceux liés à l’environnement sociopolitique, réglementaire et culturel (aspects culturels valorisant une musique bruyante en la liant à la culture jeune, absence de contrôle des niveaux sonores en milieu festif)…
Des interventions efficaces doivent nécessairement porter sur les 3 types de facteurs.
Perspectives d’action
En ce qui concerne plus spécifiquement les jeunes et la question du bruit en relation avec les loisirs (milieux festifs), le Conseil considérerait peu pertinent, en terme de propositions d’actions, de séparer les milieux festifs (discothèques, mégadancings, bals populaires, concerts…) des baladeurs et de l’écoute de musique amplifiée à titre individuel, le public étant assez homogène.
Préalablement à des actions auprès de certains publics spécifiques, ici les jeunes, le Conseil insiste pour qu’une concertation avec les ministres régionaux soit envisagée, tant sur l’importance de la problématique que sur les aspects normatifs et environnementaux en relation avec les compétences régionales et notamment:
-l’établissement de normes précises, et au besoin revues ou réactualisées, dans les lieux festifs et contrôle du respect de l’application de la réglementation en tenant compte des compétences et de la traduction en droit belge des normes européennes;
-le placement de sonomètres à titre indicatif pour les personnes présentes dans les lieux bruyants;
-la délimitation d’une zone inaccessible à proximité de la source sonore (discothèque, mégadancing), reconnue comme plus dangereuse;
-afin d’affiner la connaissance de la problématique, certains items pourraient être intégrés dans les études ou relevés existants notamment afin de disposer d’une meilleure connaissance des comportements en matière d’écoute de musique chez les jeunes et les adultes en Communauté française (par exemple dans l’enquête HBSC, dans l’Enquête de santé de l’ISP, dans les relevés PSE…).
En outre, le Conseil estime que certaines actions pourraient être envisagées par la Communauté:
-aborder le problème du bruit dans les mégadancings de façon globale en terme de réduction des risques en associant mesures prises dans le domaine de la réduction des risques liés aux consommations (salle de ‘refroidissement’, mise à disposition de fontaines d’eau) à des mesures de diminution de l’intensité du bruit. Cette question pourrait s’intégrer dans les missions des services travaillant déjà sur ce milieu de vie (service de réduction de risques en toxicomanies);
-avant d’entreprendre une action d’information et de sensibilisation des professionnels des milieux festifs qui sont bien souvent les premières victimes de ce type de nuisances (DJ, musiciens, ingénieurs du son, organisateurs de concerts, propriétaires de salles de concert ou de discothèques et leurs personnels), étudier la faisabilité de la capacité de ces professionnels à servir de modèle et relais vers les jeunes;
-entreprendre également une action d’information et de sensibilisation des milieux familiaux et des organismes en contact avec les jeunes (organisations de jeunesse, maisons de jeunes…);
-profiter du bilan audiométrique effectué par les centres de promotion de la santé à l’école pour informer les jeunes des risques liés à l’exposition au bruit.
Le Conseil estime que toute éventuelle action générale (campagne) devrait être envisagée dans le cadre global des nuisances sonores sans se limiter à un aspect et un public trop particuliers.
La Présidente du Conseil, Martine Bantuelle
Avis du Conseil supérieur de promotion santé du 19 mai 2006