En octobre 2018, à Astana, capitale du Kazakhstan, s’est tenue une conférence internationale sur les soins de santé primaires. Elle a lieu quarante ans après la Déclaration d’Alma Ata, de septembre 1978, qui clôturait une conférence tenue non loin de là, dans une ville dénommée aujourd’hui Almati. Lors d’une soirée débat en mars 2019, le Groupe Nord Sud de l’Intergroupe liégeois des maisons médicale a comparé les deux textes et nous livre les principales observations.
A l’époque, la Conférence d’Alma Ata était la première conférence internationale consacrée aux soins de santé organisée par des instances des Nations Unies. Elle réunit près de 140 pays, dont les Etats-Unis qui avaient perdu un peu de leur superbe après la défaite du Vietnam. La Chine, pourtant voisine, était absente suite à ses désaccords avec l’URSS, alors que ses médecins aux pieds nus inspiraient de nombreux participants. Elle eut lieu sous le leadership du charismatique Dr Halfdan Mahler, qui raconta plus tard les larmes des participants émus à la lecture de la déclaration finale. Si la Déclaration d’Alma-Ata a suscité un grand enthousiasme à travers le monde, celle d’Astana nous paraît avoir été beaucoup plus discrète.
Pourtant, même si la Déclaration d’Alma-Ata reste une référence incontournable pour les soins de santé primaires, et particulièrement pour les acteurs des soins de première ligne, cela paraissait une bonne idée de produire un texte plus actuel. Bien que n’étant pas neufs, certains enjeux sont plus saillants de nos jours : mondialisation de l’économie dominée par la finance, progression de l’urbanisation, croissance des inégalités, menaces pour la planète, pression de ceux qui veulent faire des soins de santé un bien de consommation soumis aux lois du marché face à ceux qui la considèrent comme un bien essentiel…
Le livret d’Astana, intitulé « Conférence internationale sur les soins de santé primaires, d’Alma Ata à la couverture sanitaire universelle et aux objectifs de développement durable », avec ses couleurs et ses photographies, est de présentation beaucoup plus luxueuse que l’austère déclaration d’Alma-Ata. Le texte est aussi plus long (2412 mots, contre 1355 pour sa grande sœur).
La déclaration d’Astana réaffirme d’emblée « les engagements pris dans la Déclaration ambitieuse et visionnaire d’Alma-Ata de 1978 et dans le Programme de Développement Durable à l’horizon 2030, pour parvenir à la santé pour tous… ». Les participants d’Alma-Ata avaient appelé à un renforcement des systèmes de santé, à une meilleure adéquation entre les besoins et l’offre de soins, à plus de justice sociale et d’équité, à plus de participation communautaire, et à une approche multisectorielle.
Un certain nombre de concepts et d’idées relevés dans la déclaration d’Alma Ata ne se sont pas retrouvés dans celle d’Astana. Il y était question de la nécessité d’une action urgente, d’inégalités flagrantes et inacceptables, et d’appel à un nouvel ordre économique international (à deux reprises). L’échéance : l’an 2000 (« L’humanité toute entière pourra accéder à un niveau acceptable de santé en l’an 2000 si l’on utilise de façon plus complète et plus efficace les ressources mondiales dont une part considérable est actuellement dépensée en armements et en conflits armés »). On insistait sur l’approche multisectorielle, « en particulier l’agriculture, l’élevage, la production alimentaire, l’industrie, l’éducation, le logement, les travaux publics et les communications ».
Dans la récente déclaration, par contre, on modère un peu l’objectif, et sans fixer d’échéance : « nous affirmons avec force notre engagement en faveur du droit fondamental de tout être humain d’accéder au meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre, sans distinction d’aucune sorte ». Mais le lien avec les Objectifs de Développement Durable de l’OMS liés à la santé s’y retrouve.
Une série de nouveaux concepts apparaissent dans le texte de 2018.
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On y parle de soins centrés sur la personne, de soins continus et durables (ce terme, non présent dans la première déclaration, apparaît cinq fois dans la deuxième).
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On évoque aussi la dignité, l’autonomie, la société civile, la protection des données personnelles, et les technologies numériques.
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Apparaissent aussi les idées d’éthique, de transparence, de santé mentale et sexuelle, et de soins palliatifs. Le concept de couverture santé universelle, un cheval de bataille du directeur actuel de l’OMS, l’éthiopien Thedros Adhanum Gebre Yesus, est mis en avant en faisant référence à la prochaine conférence : « nous nous félicitons de l’organisation de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la couverture sanitaire universelle en 2019 ».
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Les professionnels de santé sont également mentionnés, avec une insistance sur les conditions d’exercice et la formation du personnel (par exemple : « nous créerons des conditions de travail décentes et une compensation appropriée pour les professionnels et les autres personnels de santé travaillant au niveau des soins de santé primaires ».
« Des soins de santé primaires et des services de santé qui sont de grande qualité, sûrs, complets, intégrés, accessibles, disponibles et abordables pour tous et partout ; et qui sont dispensés avec compassion, respect et dignité par des professionnels de santé bien formés, compétents, motivés et engagés »
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On parle aussi du renforcement des capacités et de l’utilisation des connaissances (y compris traditionnelles) de la résilience des systèmes de santé. Les progrès remarquables de ces 40 dernières années sont soulignés, mais les nouvelles menaces aussi : le poids des maladies non transmissibles, les « décès prématurés causés par le tabagisme, l’usage nocif de l’alcool, des modes de vie et des comportements nocifs pour la santé, le manque d’exercice physique et une mauvaise alimentation », les changements climatiques et les autres facteurs environnementaux, la résistance aux antimicrobiens, les dépenses de santé directes excessives, les soins fragmentés, la migration internationale et la répartition inégale des agents de santé, les conflits d’intérêts…
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La Déclaration d’Astana aborde l’évaluation : « les pays examineront périodiquement la mise en œuvre de la présente Déclaration en collaboration avec les parties prenantes » et se termine par cette envolée, digne d’Alma-Ata : « Ensemble, nous pouvons parvenir, et parviendrons, à la santé et au bien-être pour tous, en ne laissant personne de côté. »
On peut regretter que la récente déclaration ne revienne pas sur la définition historique et iatrogène de la santé ni ne précise la définition des soins de santé primaires, car celle d’Alma-Ata, composée de deux phrases un peu contradictoires, laissait une ambiguïté quant à ce qu’ils recouvrent.
Enfin, si la déclaration d’Astana est une actualisation et un développement des valeurs et de la mise en pratique des soins de santé primaires, le texte d’Alma-Ata mérite d’être conservé pour sa dimension historique, mais aussi pour son aspect lyrique et utopique, engagé et engageant.
Les Objectifs du Groupe Nord et Sud de l’IGL sont :
1. Proposer un espace de réflexion et de sensibilisation sur les échanges S-N.
2. Soutenir une personne ou une équipe d’une maison médicale investie dans un projet de développement.
3. Soutenir, de manière directe, un projet de développement ici ou ailleurs.
Intitulée « Conférence internationale sur les soins de santé primaires, d’Alma Ata à la couverture sanitaire universelle et aux objectifs de développement
durable »
a comparé les deux textes et nous livre les principales observations.