Mai 2015 Par Christian DE BOCK Réflexions

L’industrie agro-alimentaire et la santé

FEVIA, la Fédération belge de l’industrie alimentaire, soutient l’appel récent de l’OMS à adopter une attitude responsable quant à la consommation de sucres. Toutefois, l’industrie alimentaire plaide en faveur d’un débat sociétal plus large sur l’alimentation et la santé, plutôt que de se focaliser sur des nutriments pris individuellement comme les sucres par exemple.

Selon Chris Moris, Directeur général de FEVIA, «le vrai défi est de stimuler les consommateurs à trouver un équilibre entre l’ingestion de nutriments et de calories et la dépense énergétique. Le vrai débat concerne donc la balance énergétique. La politique en matière d’enseignement et de sport y joue un rôle. FEVIA demande aux autorités de réunir les parties concernées par ce débat et veut y collaborer de manière constructive».

Un style de vie sain et des habitudes alimentaires saines sont essentiels

Quelle qu’en soit la source, une consommation excessive de calories, combinée à une activité physique insuffisante, augmente le risque d’obésité et de maladies non transmissibles comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires, rappelle la FEVIA. Une politique qui veut s’attaquer fondamentalement à ces défis doit aussi encourager les consommateurs à adopter un style de vie sain. Ce n’est qu’ensuite que les adaptations de l’offre auront aussi un réel effet.

«Dans le débat sur des problèmes complexes tels que l’obésité ou le diabète, on pointe trop souvent du doigt des nutriments individuels comme les sucres. Le nombre de calories ingérées doit certes être raisonnable mais nous devons surtout être pleinement conscients qu’une solution n’est possible que si l’on s’attaque aux vraies causes», ajoute Chris Moris. «Nous devons donc aussi oser parler de tous les aspects d’un style de vie sain : respectons-nous les recommandations de la pyramide alimentaire ? Bougeons-nous suffisamment ? Conscientisons-nous suffisamment nos enfants sur l’importance d’une alimentation saine et d’une activité physique suffisante ? Un vrai débat avec tous les acteurs concernés est donc nécessaire !».

Seule une approche concertée, avec la contribution de toutes les parties concernées, peut conduire à des résultats concrets. L’industrie alimentaire est consciente que la consommation énergétique totale, y compris celle des sucres, est trop élevée et que les entreprises alimentaires doivent prendre leurs responsabilités. Pour ce faire, FEVIA travaille sur trois piliers.

  • Plus que dans nos pays voisins, les entreprises alimentaires belges réalisent des efforts d’innovation et beaucoup de ces innovations de produits sont destinées à améliorer la composition nutritionnelle des denrées. Aujourd’hui, dans les rayons des magasins, le consommateur trouve un large assortiment de produits à faible teneur en sucres, des produits sans sucres ni édulcorants. Des portions plus petites sont également disponibles. Il est donc plus que jamais possible de se composer une alimentation équilibrée. Le défi est de garantir la sécurité alimentaire, les fonctions technologiques de certains ingrédients (comme le sucre) et de maintenir le goût. Ni la santé publique, ni l’économie belge n’ont en effet intérêt à voir des denrées alimentaires délaissées par le consommateur…
  • Le consommateur doit aussi être capable de choisir en connaissance de cause. C’est pourquoi, l’industrie alimentaire s’engage à reprendre un étiquetage clair et transparent, avec des informations sur les nutriments importants tels les sucres ainsi que sur le nombre de calories. Toutes ces informations permettent au consommateur de comparer les produits et de pouvoir faire des choix éclairés sur l’alimentation qui convient le mieux à son style de vie.
  • L’industrie alimentaire belge s’engage aussi en matière de marketing responsable. Le code de publicité de FEVIA, contrôlé de manière indépendante par le Jury d’Éthique Publicitaire et le Belgian Pledge, en sont de beaux exemples. Les signataires du Belgian Pledge s’engagent spécifiquement à ne plus faire de publicité envers les enfants de moins de 12 ans, sauf pour des aliments et des boissons qui répondent à des critères nutritionnels spécifiques (plus d’infos sur www.belgianpledge.be).

Réaction d’un acteur

Tout en saluant l’appel à la concertation de la Fédération belge de l’Industrie alimentaire (FEVIA), la Mutualité socialiste Solidaris estime que ses efforts ne vont pas assez vite et pas assez loin en ce qui concerne la reformulation des produits et en matière d’étiquetage.

Une alimentation de qualité passe par une information claire et honnête

La FEVIA est en faveur du système des GDA (‘Guideline Daily Amounts’ ou en français ‘Repères nutritionnels journaliers’) qui évite l’utilisation d’un code couleur (rouge pour les produits à haute teneur en sel et vert pour ceux qui en comptent moins par exemple) pour avertir le consommateur de la teneur en sucre, graisse et sel notamment. L’industrie avance des raisons économiques et invoque la responsabilisation des consommateurs. En cela, elle ne joue pas le jeu d’une information claire et honnête en regard par exemple des portions de référence qui servent à exprimer les repères nutritionnels journaliers. Il suffit de voir les portions de céréales prises comme référence (30 g) qui sont largement en deçà de ce qui est consommé lors d’un petit déjeuner.

De plus, l’alimentation est un domaine très marqué par les inégalités sociales, qu’il convient de prendre en compte quand on désire faire évoluer les habitudes de consommation. Pour Solidaris, la seule information ou bonne volonté du consommateur ne suffit pas à modifier des comportements alimentaires qui se sont installés durant plusieurs décennies sur base d’une offre alimentaire agroindustrielle. Tous les acteurs doivent prendre leurs responsabilités face au phénomène de la malbouffe en Belgique.

Afin de débattre de ces questions, Solidaris a développé récemment une plateforme sur le site www.alimentationdequalite.be. Tous les acteurs ne manqueront pas d’y être conviés, au premier rang desquels l’industrie alimentaire. Cette concertation a pour objectif de constituer un embryon de Conseil de l’alimentation rassemblant tous les acteurs du système alimentaire, des producteurs aux consommateurs en passant par les représentants de la santé, du social ou encore de l’environnement. Un tel Conseil fait malheureusement encore défaut dans notre pays.