Octobre 2023 Par Déborah FLUSIN Initiatives

Cultures&Santé lance un concept d’afterwork pour que les acteurs des secteurs sociaux et de santé tissent des liens et fassent réseau : les Lis’apéros. Le tout premier a eu lieu le 4 juillet dernier. Récit d’une belle soirée autour d’une expérience innovante sur les données de santé.

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Quand le Lis’apéro bat son plein (DR Cultures&Santé)

Le 4 juillet dernier, une vingtaine d’acteurs bruxellois de la santé et du social a participé au tout premier Lis’apéro organisé par l’association de promotion de la santé et d’éducation permanente Cultures&Santé. Cet événement voué à devenir un rendez-vous bisannuel est né d’un constat : le secteur de la prévention et de la promotion de la santé (PPS) manque d’événements festifs et amicaux, durant lesquels les acteurs peuvent se rencontrer et échanger. Trop souvent, le cadre est formel et usuel.

Cultures&Santé a donc eu l’idée de créer un rendez-vous régulier sous le format des afterwork pour que les acteurs du secteur puissent enrichir leurs pratiques et leurs réflexions. Baptisé avec le néologisme « Lis’apéro » une contraction de « Lisa » l’acronyme de littératie en santé, et « apéro ».

L’idée est de favoriser les échanges et l’interactivité tout au long de l’évènement, tant au moment des interventions qu’au moment de l’accueil du public : un drink d’accueil et de clôture, des jeux ou des quiz qui permettent d’engager plus facilement la discussion entre les participants qui ne se connaissent pas.  Lors du brainstorming de l’équipe pour construire le dispositif, « il y avait l’importance que l’alcool ne soit pas au centre des apéros » rappelle Alexia Brumagne, chargée de projets en promotion de la santé de l’asbl. Des eaux aromatisées, « qui ont beaucoup intrigué », des plats préparés par l’équipe ont permis de sortir du classique duo alcool-chips.

Décloisonner et se reconnaître entre acteurs 

L’autre fil conducteur des Lis’apéros est de choisir une intervention un peu décalée ou innovante par rapport à la promotion de la santé. L’idée est de surprendre et de décloisonner le secteur en amenant des participants de la PPS vers des sujets où ils n’iraient pas nécessairement et, à l’inverse, de toucher des personnes qui gravitent autour de la PPS sans s’y reconnaître, et ainsi de connecter ces mondes entre eux.

Pour le premier Lis’apéro, l’asbl a choisi d’inviter Sciensano avec lequel elle avait collaboré sur la rédaction d’une fiche Lisa, qui propose des balises et des ressources pour mener avec un groupe un atelier une question précise, dans une démarche de renforcement de la littératie en santé. L’équipe fait ainsi le lien avec la littératie en santé même si les promoteurs des projets ne l’identifient pas formellement dans leur projet. Elle peut également apporter la méthodologie d’animation participative si les intervenants ne l’ont pas. L’idée est de faire participer le public en sortant du schéma « top-down » questions/réponses, et de permettre au public de réagir et de partager son expérience. Avec l’équipe « éthique et engagement citoyen » de Sciensano, la collaboration a été facilitée car des méthodologies communes de partage des connaissances et de débat sont utilisées par les deux organismes.

Cultures&Santé vous donne rendez-vous début 2024 pour son prochain Lis’apéro.

A vos données de santé, citoyens !  

Pour cette première édition des Lis’apéros, Sciensano a présenté de manière interactive les ateliers qu’ils ont mené avec les citoyens autour des données de santé et de leur utilisation secondaire (en dehors des parcours de soin).

Pour mener ce projet européen issu du programme TEHDAS (Towards european health data space), les chercheurs ont articulé leur travail autour de deux grandes questions : comment engager des citoyens sur des sujets complexes, comme l’utilisation des données de santé ? Comment faire émerger les opinions et les valeurs de ces citoyens sur les données de santé, afin de formuler ensemble des recommandations ? 

Sciensano a justement créé l’équipe « Ethique et engagement citoyen » pour conduire des initiatives d’engagements citoyens autour de l’utilisation et de la connaissance des données de santé (données génomiques, données Covid etc.). L’organisme partait du constat que ces sujets sont habituellement débattus entre les experts et les politiques sans que les citoyens ne soient consultés. Or les décisions politiques ont un impact majeur dans la vie des citoyens. Pour les faire entrer dans ces débats, les amener à être en capacité de se positionner et de formuler des recommandations, l’équipe a mis en place des dispositifs dans lesquels la littératie en santé est centrale.

« Ne pas compter que sur soi-même » 

Dans son travail, l’équipe de chercheurs s’appuie sur sa cellule communication, mais aussi sur un réseau de partenaires créé pour le projet. « Lorsqu’il faut créer ce type d’outil, le seul conseil à donner est de ne pas compter que sur soi-même, on ne peut pas créer du matériel seul, disséminer seul car on n’est pas expert pour tout », rappelle Louise Mathieu, collaboratrice scientifique chez Sciensano.

Les partenaires ont apporté des outils en PPS et fait le relais pour créer les débats. L’équipe a aussi pu s’appuyer sur le matériel en accès libre créé par la Understanding Patient Data (UPD) au Royaume-Uni, qu’ils ont traduit et adapté aux publics belge et français. Ils ont également bénéficié de l’expertise de France Assos Santé (équivalent de la LUSS en Belgique). Pour la dissémination des contenus, des contacts ont été pris avec les milieux associatifs et enseignants. Ce qui permettait aussi d’évaluer dans quelle mesure ce sujet européen était pris en main ou non par les acteurs de terrain.

Créer des espaces d’appropriation et de débat  

La majeure partie des supports étaient digitaux en raison des contraintes du projet, mais six ateliers ont pu avoir lieu auprès d’élèves belges en fin de secondaire. A côté du format de consultation classique en ligne (création d’un compte, ouvrir des questions etc.), Sciensano a imaginé un format plus accessible, anonyme et divertissant à l’aide d’un quizz interactif avec trois études de cas. Un personnage fictif sert de fil conducteur et permet aux participants de se mettre en réflexion autour de l’utilisation secondaire des données de santé (c’est-à-dire en dehors du parcours de soin). Il représente le fil conducteur pour aider à comprendre la thématique (ce que sont les données secondaires) et ses enjeux (qui peut les utiliser ?). A la fin, le test donnait le « type de société des données » que l’on aurait si tout le monde répondait comme le participant. Le quizz servait d’accroche pour amener le participant sur des questions ouvertes où il pouvait s’exprimer. Ce format a été apprécié par 90% des participants.

Lors du Lis’apéro, Sciensano a repris le quizz et l’a agrémenté de techniques d’animation favorisant l’interaction et la réflexion. Le but était de sortir du débat classique où le public est passif, assis sur sa chaise. La mise en mouvement des participants, l’occupation de l’espace différencié en fonction des réponses apportées au quizz par des réponses simples (oui/non), permettent d’interpeller sur l’importance du sujet et d’enclencher la réflexion et l’engagement de chacun dans un espace de débat. 

Le projet TEHDAS vise à créer un espace européen des données de santé (EHDS). Un groupe de travail piloté par le Health Data Hub, et associant la NHS Confederation et Sciensano, a été mis en place pour connaître les perceptions des citoyens sur l’utilisation secondaire de leurs données de santé, et la manière dont ils souhaitent être impliqués dans l’EHDS. A l’issue de ces travaux, le groupe de travail a produit douze recommandations qui ont été présentées à la Commission Européenne. Une plus grande sensibilisation des citoyens aux données de santé et à leur utilisation secondaire sont particulièrement attendues.

Pour en savoir plus :