Une enquête sur la promotion de la santé dans les arrondissements de Mons et Soignies
Dès 1999, le CLPS de Mons-Soignies a décidé de réaliser une vaste enquête auprès des mandataires politiques et secrétaires communaux des 21 communes des deux arrondissements (1) qui sont de son ressort.
Le premier objectif de cette enquête était d’étudier les perceptions que ces responsables communaux ont de la promotion de la santé d’une part, des besoins de la population en ce domaine d’autre part.
Le deuxième objectif était de tracer les lignes de force du développement de la promotion de la santé au niveau communal.
Corollairement, cette étude donnait l’occasion au CLPS de se présenter aux responsables des 21 communes des arrondissements de Mons et de Soignies.
L’enquête a été menée en collaboration avec le Centre d’enseignement et de recherche en éducation pour la santé de l’Université de Liège (CERES).
La méthodologie prévoyait de réaliser une série d’entretiens semi-directifs auprès des représentants politiques et administratifs de chacune des 21 communes. Dans un premier temps, nous avons demandé à rencontrer l’échevin de la santé (ou l’échevin ayant la santé dans ses attributions), le président du Centre public d’aide sociale (CPAS) et le secrétaire communal.
Dans un second temps, nous avons interviewé un représentant de l’opposition politique communale.
Dans certaines communes, d’autres personnes se sont jointes à l’un des deux entretiens: directeurs d’école, acteurs sociaux, etc. Au total, 83 personnes ont été interviewées entre janvier et septembre 2000.
Chaque entretien a fait l’objet d’un rapport écrit. Le rapport de synthèse de l’enquête (2) a été présenté à l’assemblée générale du CLPS de Mons-Soignies, en présence de Madame Nicole Maréchal, Ministre de la Santé de la Communauté française, le 20 décembre dernier.
Des approches transversales
Les représentations de la promotion de la santé sont extrêmement diversifiées parmi les personnes rencontrées. A une approche globale et structurée de la promotion de la santé s’opposent des représentations parcellaires limitant la promotion de la santé au champ de l’éducation à la santé ou au domaine curatif ou social.
Un lien a pu être établi entre la vision globale des élus et les réalisations concrètes existant dans leurs communes. Les communes qui ont mis en place des actions transversales de promotion de la santé sont celles où le pouvoir politique et/ou administratif témoigne de la vision la plus globale de la promotion de la santé.
Six communes ont développé des approches transversales .
Les CPAS de Soignies et de Braine-le-Comte ont mis en place une coordination sociale qui permet à des partenaires locaux de travailler en commun sur un état des lieux pour proposer ensuite des projets ou des actions en synergie.
Les communes de Saint-Ghislain et de La Louvière inscrivent la promotion de la santé dans le cadre d’un plan social intégré, qui débouche sur la création de réseaux générateurs de projets dans les quartiers défavorisés. La Louvière adhère de surcroît au réseau des Villes Santé, ce qui lui donne une image qui lui permet de créer des dynamiques à l’intérieur de la cité, de renforcer les liens entre les services et les intervenants et de favoriser une perception positive de la cité par les citoyens.
A Mons, le Service de prévention est conçu comme une réponse de la Ville aux problématiques liées à l’exclusion et au besoin de sécurité. Il est chargé de stimuler l’émergence de projets de prévention en vue de mener à bien un véritable projet de société en réponse aux besoins locaux.
Enfin, à Frameries, une Maison de la santé regroupe sous un même toit différents acteurs du domaine social ou du domaine de la promotion de la santé. Elle constitue un espace de rencontre et d’échange pour tous ceux qui partagent une même préoccupation: le bien-être des citoyens. Cette maison de la santé s’appuie sur une Commission communale de promotion de la santé composée de représentants de la commune et de partenaires de terrain.
Ces approches transversales sont particulièrement intéressantes dans la mesure où elles favorisent un partenariat entre les acteurs, une coordination des actions, une approche multisectorielle enrichissante et une certaine pérennité des projets et services. Si elles existent, c’est par la volonté des élus qui leur apportent un soutien politique, mais aussi financier (en locaux, personnel et frais de fonctionnement).
L’ambition des responsables communaux partageant cette vision globale de la promotion de la santé est de faire sortir les activités d’une logique de projets à durée limitée pour les inscrire dans un cadre permanent. Ils sont donc à la recherche de modes de financement récurrents…
Des approches sectorielles
Ces approches transversales encourageantes ne sont cependant pas majoritaires. Dans de nombreuses communes, les interventions sont plus sectorielles , centrées soit sur un public-cible particulier, soit sur un lieu de vie, l’école ayant été le plus fréquemment citée. La plupart du temps, ces interventions sectorielles ne sont pas identifiées comme se situant dans le champ de la promotion de la santé, même si c’est objectivement le cas. En effet, de nombreuses actions sont menées avec pour enjeu principal la santé ou la qualité de la vie.
Ainsi de nombreuses communes assurent la promotion du sport par la construction de salles multisports, l’achat et la mise à disposition de terrains, le soutien logistique ou financier aux clubs sportifs, etc. Dans plusieurs communes, un des soucis des élus est l’accès aux activités sportives pour les jeunes issus de milieux socio-économiques défavorisés.
Le logement et l’ environnement sont également deux compétences partiellement communales, dans lesquelles le concept de promotion de la santé peut être développé. Certaines communes connaissent encore des situations délicates en matière de logement. Vestiges de leur passé ouvrier, certaines habitations n’ont ni eau courante, ni système convenable d’évacuation des eaux usées. Les pollutions intérieures sont probablement fréquentes, mais insuffisamment évaluées. Des politiques de reconstruction ou de rénovation sont en cours dans plusieurs communes. Une avancée pourrait être opérée en faveur de la santé dans le cadre de la gestion des logements sociaux: il est fréquent que les communes soient associées à cette gestion.
L’ aménagement du territoire et la politique de mobilité sont également des lieux de décision qui intéressent notre propos. La qualité de vie des citoyens est en effet conditionnée par l’organisation de leur espace de vie et de leurs modes de déplacement. Plusieurs communes disposent déjà d’une commission communale d’aménagement du territoire, mais, à notre connaissance, aucune d’entre elles ne fonctionne de façon décentralisée en cette matière. La création du Parc naturel des Hauts-Pays permettra de mieux protéger la nature dans cette zone qui comprend des parties de plusieurs communes (mise en place de circuits promenades, promotion des produits du terroir, etc.). Dans les domaines liés à l’environnement, l’écoconseiller, présent dans un nombre croissant d’administrations communales, sera dorénavant un partenaire tout indiqué.
Selon les élus communaux, certains publics-cibles méritent une attention soutenue. Les élèves sont les premiers cités, car, dans 20 communes sur 21, existe un enseignement communal (au moins jusqu’à la fin des primaires). Le milieu de vie que constitue l’école est propice à la promotion de la santé. Pour qu’elle gagne en efficience, des élus nous ont paru sensibles à son inscription dans les projets d’établissement des écoles. Beaucoup d’actions se développent déjà à l’école, la nutrition étant (avec l’hygiène) le thème le plus souvent abordé. Dans l’enseignement secondaire, la prévention des toxicomanies est un sujet d’inquiétude récurrent, mais il est encore trop rarement fait appel à des associations spécialisées en la matière pour aborder ce sujet avec les adolescents. La formation des enseignants est aussi envisagée comme un axe porteur d’innovations.
En dehors du cadre scolaire , les élus s’interrogent sur les actions à mener avec les jeunes. Les expériences de conseils communaux des jeunes et/ou des enfants mis en place se sont souvent essoufflées. Dans une commune cependant, l’expérience a été bénéfique et a créé un réel dynamisme à partir des demandes exprimées par les jeunes. Le Conseil communal leur a donné les moyens nécessaires à la réalisation d’actions concrètes en les soutenant dans leur démarche, tout en leur laissant la gestion complète du projet.
Ces expériences sont vécues par les élus comme par les personnes concernées comme un apprentissage à la vie citoyenne. La création de maisons de jeunes, d’aides en milieu ouvert ou de cellules d’écoute et d’encadrement de la jeunesse est un axe que suivent les politiques communales, surtout en milieu urbain défavorisé, où les subventions sont plus faciles à obtenir. Les communes s’investissent également dans l’appui à l’organisation d’événements « jeunes » où la présence d’acteurs de la promotion de la santé est requise.
L’accueil de la petite enfance est aussi une matière partiellement gérée au niveau communal. Consultations des nourrissons, services de gardiennes encadrées, crèches et prégardiennats, maisons communales d’accueil de l’enfance, garderies, etc. sont autant de lieux propices à une intervention de promotion de la santé. Le récent décret sur l’accueil extrascolaire permettra de renforcer la professionnalisation de ce secteur avec pour corollaire une meilleure prise en compte des aspects liés à la santé.
A travers le CPAS, la commune intervient souvent dans la prise en charge des seniors soit dans le cadre de maisons de repos (ou de maisons de repos et de soins), soit à domicile. Dans le cadre du décret du 6 juillet 1997, les institutions d’hébergement ont l’obligation de développer un projet de vie avec les personnes âgées. Des expériences sont menées pour améliorer le concept de maison de repos: le CPAS de Dour, par exemple, a concrétisé le concept de maisons individuelles regroupées autour d’un home et réservées à de vieux conjoints. Ceci permet aux personnes de vivre encore dans une maison individuelle tout en bénéficiant de services de proximité.
Des politiques intergénérationnelles ont également vu le jour: ainsi, à Lessines, l’opération ‘coup de pouce’ a permis d’organiser des animations dans les homes. L’objectif du ‘maintien à domicile le plus longtemps possible’ a conduit à une explosion des services d’aide à domicile. Ces services offrent un potentiel considérable en terme d’amélioration de la qualité de la vie à condition d’assurer une formation et un encadrement adéquats à leur personnel, en particulier les aides familiales.
L’action sociale est en définitive un des axes majeurs sur lesquels fonder une politique de santé dans des zones sinistrées comme peuvent l’être certaines communes ou parties de communes du Centre et du Borinage. L’insertion (ou la réinsertion) sociale s’inscrit dans un quadrilatère dont les angles peuvent se définir comme l’emploi, la santé, le salaire et l’estime de soi.
Une politique de réinsertion sociale bien comprise inclut des composantes de redynamisation et donc de prise en charge globale de la santé (dans ses dimensions physiques, psychiques et sociales).
Leçons à tirer de l’enquête
La diversité contextuelle est une réalité importante dans les deux arrondissements. Deux villes drainent une population importante: Mons et la Louvière. Certaines communes sont rurales et agricoles, d’autres rurales et résidentielles (notamment celles qui se situent à proximité de Bruxelles), d’autres encore sont des communes urbaines avec un passé industriel. La plupart des communes comportent d’ailleurs des quartiers très divers sur le plan socio-économique.
Cette diversité se manifeste aussi dans les milieux de vie, les problèmes sociaux et la qualité de vie. Pour cette raison, l’approche de la promotion de la santé doit descendre au niveau local et des modalités d’intervention spécifiques doivent être imaginées pour chaque contexte.
La promotion de la santé est une matière communale parce que la qualité de la vie de leurs concitoyens est, en démocratie, une préoccupation constante des responsables communaux. Les déterminants de la qualité de vie et de la santé des populations relèvent de nombreux secteurs de la vie communale, comme nous l’avons montré plus haut. Chaque action visant à développer la promotion de la santé dans l’un de ces secteurs est un pas dans l’amélioration de la qualité de vie.
L’approche la plus prometteuse est bien sûr l’action intersectorielle , car elle favorise la synergie des acteurs et la concertation. La compétence « santé » devrait idéalement s’exercer dans le cadre d’une coordination des mandataires politiques communaux et, au-delà, dans le cadre d’une coordination des services, communaux ou non, oeuvrant d’une manière ou d’une autre dans ce champ d’intervention sociale.
Une approche positive de la santé offre à la promotion de la santé un vaste champ d’application à l’échelon communal de nos institutions. Les mandataires communaux sont beaucoup plus sensibles à des orientations politiques vers la qualité de vie de leurs concitoyens qu’à la lutte contre les maladies, dont ils estiment, à raison, qu’elle est du ressort d’autres niveaux de compétence.
Au niveau communal, la logique du projet devrait progressivement céder la place à l’organisation de services . Il est en effet très difficile pour une administration communale de gérer une matière comme la promotion de la santé sur la base de projets à durée déterminée. Le citoyen attend de l’administration publique un service permanent et non un service à durée limitée. Les projets ne devraient donc être entrepris que lorsque la durabilité des services qu’ils aident à mettre en place peut raisonnablement être envisagée. Telle est en tout cas la position défendue par plusieurs mandataires qui ont déjà une expérience du projet et de ses limites.
La réduction des inégalités devrait être le fil conducteur de la promotion de la santé dans la plupart des communes visitées. Dans une perspective préventive, il est dès lors important de renforcer les politiques de réinsertion socioprofessionnelle, d’accès au logement salubre, d’amélioration de l’environnement scolaire, d’encadrement de la jeunesse, etc.
La participation citoyenne est la clé de l’empowerment , concept central d’une approche socio-écologique de la santé. Les structures participatives sont en pleine expansion dans les communes, le plus souvent sous la forme de commissions, telles que la commission communale de promotion de la santé. Ces structures sont des lieux d’expression de la demande des citoyens et des lieux de formulation de pistes de solution aux problèmes identifiés. Même si la décision revient en définitive aux élus, il est clair que l’approche participative garantit une meilleure adéquation des actions menées aux besoins prioritaires de la population.
Perspectives
Dès le début de 2001, à la faveur de l’installation des nouveaux conseils communaux, le CLPS a procédé à une diffusion du rapport de cette étude dans les 21 communes des arrondissements de Mons et de Soignies. A la demande du Ministère, le rapport a également été diffusé dans les autres communes de Wallonie et dans les 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale: notre étude rejoint en effet les préoccupations exprimées dans la Déclaration de Namur pour des politiques communales de santé (3)
Cette diffusion s’inscrit dans le cadre d’un plaidoyer en faveur de la prise en considération des questions de santé au niveau communal. Les communes des arrondissements de Mons et de Soignies seront invitées à participer au «Projet 21, 21 communes pour un 21e siècle en santé». Elles recevront, à la demande, une aide méthodologique au développement de la promotion de la santé.
Un premier colloque rassemblera des mandataires politiques des 21 communes en juin 2001. Il s’agira de faire le point sur les politiques de promotion de la santé déjà en cours de réalisation et de tracer des perspectives concrètes de développement à l’échelle communale ou intercommunale: lancement de projets, création de services, intégration d’activités existantes, etc.
Avec la collaboration du CERES, le CLPS se propose d’accompagner les mandataires communaux dans leur démarche d’acteurs de la promotion de la santé.
Véronique Bouttin , Coordinatrice du Centre local de promotion de la santé de Mons et de Soignies, et Michel Andrien , Directeur du Centre d’enseignement et de recherche en éducation pour la santé de l’Université de Liège (CERES).Adresses du CLPS Mons-Soignies
Siège social: rue A. Chavée 62, 7100 La Louvière. Tél.: 064-84 25 25. Fax: 064-26 14 73. Mél: clps.mons.soignies.siege@compaqnet.be .
Antenne: bd Sainctelette 57, 7000 Mons. Tél.: 065-84 84 06. Fax: 065-84 84 08. Mél: clps.mons.soignies.antenne@compaqnet.be. (1) CLPS Mont-Soignies, Programme d’actions coordonnées pluriannuel, CLPS, La Louvière, mars 1999.
(2) M.ANDRIEN, V. BOUTTIN, La promotiond e la santé au niveau communal, Une enquête dans les 21 Communes des Arrondissements de Mons et de Soignies, CLPS, La Louvière, décembre 2000 (2ème édition).
(3) N. MARECHAL, Déclaration de Namur pour des politiques communales de santé, Namur, 17 juin 2000.