Octobre 2004 Par S. LIZIN A.-F. HUBAUX Locale Wallonie

L’Institut Technique Provincial de Court-Saint-Etienne, un milieu de vie et d’éducation pour la santé

Aborder le tabagisme dans une perspective de santé communautaire et globale c’est possible! Après 6 mois de dur labeur, les élèves de 7e Education Sanitaire de l’Institut Technique Provincial de Court-Saint-Etienne nous le prouvent. C’est possible et c’est même concluant.

Genèse du projet: de l’anti-tabac à la semaine de prévention du tabagisme

A l’occasion d’une révision du règlement d’ordre intérieur et d’une journée pédagogique à l’Institut Technique Provincial de Court-Saint-Etienne, germe l’idée de mener au sein de l’établissement une action visant à décourager le tabagisme. Anne-Françoise Claes , enseignante en septième année option éducation sanitaire propose à ses élèves d’en faire leur projet de classe. Josiane Bukeyeneza, Nook De Leener Coulibaly, Cédric Gosselain, Vincent Scruel et Catia Pinto se lancent dans l’aventure.
La direction ayant marqué son accord, les opérations commencent en novembre 2003. Lors de leur visite du CLPS du Brabant wallon, les élèves de septième année éducation sanitaire demandent une aide à la structuration et à l’accompagnement de leur projet «contre» le tabac.
Après discussion, le projet «anti-tabac» ponctuel se mue en une vaste campagne de prévention du tabagisme étalée sur toute l’année et faisant participer activement l’ensemble des élèves de l’école et les professeurs motivés.
Ce même jour, une cellule tabac composée des 5 élèves, du titulaire et d’un autre professeur est constituée. C’est elle qui portera le projet. L’action doit se faire dans le respect de chacun, c’est-à-dire des fumeurs comme des non-fumeurs. Il n’est pas question d’instaurer une journée sans tabac dans l’école.
Depuis le décret «Promotion de la santé à l’école» adopté en décembre 2001, l’école doit intégrer un «projet santé dans son projet d’établissement ». C’est dans ce contexte que s’inscrit cette campagne.

Conception du projet: un vaste programme

Avant toute chose, il faut établir un programme d’activités. Les idées foisonnent, elles sont mises en commun. Les élèves de septième année éducation sanitaire sélectionnent celles qui feront leur projet. Au final, on retiendra une enquête préalable sur le tabagisme dans l’école, un concours d’affiches et de slogans, la préparation de stands, le tout avec l’assistance de professionnels de la prévention du tabagisme. Les médias locaux seront également invités à couvrir l’événement.

L’enquête: un moyen d’évaluation et de sensibilisation

Pour préparer et par la même occasion sensibiliser une première fois les élèves de leur école à la problématique du tabagisme, Josiane et Vincent, deux élèves de 7e, élaborent des questionnaires d’enquête qu’ils font passer, dès le mois de février, auprès des 750 élèves de l’établissement, âgés de 12 à 21 ans. Ils encodent courageusement les données récoltées.
L’enquête a pour but d’établir un état des lieux de la consommation des élèves et d’évaluer combien d’élèves parmi les fumeurs souhaitent arrêter. De la sorte, on pourra mettre en place un dispositif de soutien à l’arrêt tabagique via les centres PSE et PMS.
Les résultats concordent avec la réalité nationale. L’enquête révèle que 43.8% des élèves de l’école sont fumeurs. Parmi ces derniers 81.7% fument quotidiennement. La plupart des fumeurs ont commencé à fumer entre 11 et 15 ans, avec un pic de vulnérabilité vers 13-14 ans.
Le pourcentage de gros fumeurs (c’est-à-dire d’élèves fumant plus que 9 cigarettes/jour) est plus élevé dans la filière professionnelle (71.2% des fumeurs) que dans la filière technique (58% des fumeurs).
En ce qui concerne la motivation à l’arrêt, les chiffres montrent que 72.6% des fumeurs désirent arrêter de fumer, dont 48% dans le mois à venir.
Un document présentant les résultats complets de cette enquête peut être obtenu auprès des élèves de 7e éducation sanitaire ou au CLPS du Brabant wallon.

Un concours qui valorise le non-fumeur et une approche d’éducation par les pairs

Si l’enquête voulait établir un instantané du tabagisme dans l’école en même temps qu’une première sensibilisation, le concours d’affiches et de slogans, quant à lui cherche à susciter la créativité des jeunes. Ici la consigne n’est pas de fustiger le fumeur mais bien de l’intégrer dans la réflexion. Non fumeurs et fumeurs sont d’ailleurs invités à conceptualiser ces outils.
Stratégiquement situé juste avant la semaine de prévention, le concours contribue également à la sensibilisation mais effectue surtout un travail d’éducation pour la santé par les pairs. En effet qui mieux que «le copain du même âge» a une influence sur les jeunes? C’est l’idée qu’une personne du même âge et du même statut est parfois mieux placée que les adultes et/ou professeurs pour faire passer un message de prévention qui a motivé le choix d’un tel concours.
La cellule tabac élabore le règlement du concours et constitue un jury éclectique, constitué des chefs d’ateliers mais aussi du médecin scolaire, des directrices PMS et PSE et d’un membre du CLPS du Brabant wallon.
Au total, du 15 février au 15 mars, 81 affiches seront réalisées, 50 slogans et 18 slogans illustrés.

Des stands animés

Pendant ce temps Cédric, membre de la cellule tabac, appelle les différentes personnes ressources identifiées comme partenaires potentiels pour la semaine de la prévention du tabac et organise les différents stands. Car si le concours, fruit du travail des jeunes est le cœur du projet, les stands eux, produits de professionnels de la santé, en sont le fil conducteur. C’est en les visitant que les jeunes appréhenderont la problématique du tabagisme dans sa complexité.
Diverses associations sont venues apporter leur aide et leurs compétences à la cellule tabac pour l’élaboration des différents stands.
Afin de s’assurer que le passage dans les stands soit dynamique, attirant et sérieux, un questionnaire-quizz est conçu par deux élèves, Nouh et Catia puis remis à l’entrée de la visite, pendant la semaine de la prévention. A chaque stand, correspondra une question, dont les élèves devront trouver la réponse.

Soutien constant et projet global

La semaine de la prévention du tabagisme n’est pas uniquement l’œuvre des classes de 7e de l’ITP mais bien de toute une communauté d’acteurs scolaires ou non volontairement mobilisés par la cellule tabac.
Tout d’abord, l’ensemble des professeurs a été, tout au long du processus, tenu informé à plusieurs reprises de l’avancement du projet et a eu accès à un support pédagogique.
Les enseignants ont collaboré au projet de différentes manières. Certains assistant aux réunions de présentation des projets, d’autres insérant quelques notions sur le thème du tabagisme dans le cadre de leurs cours. Notamment, les professeurs d’artisanat ont motivé les élèves pour qu’ils participent au concours, tandis que les professeurs de français, de morale, d’histoire et de communication aidaient les élèves à concevoir slogan ou poème. Les professeurs d’éducation physique quant à eux ont pu aider les élèves à prendre conscience des conséquences du tabagisme sur la santé. Enfin les professeurs de science, de l’éducation à la santé, de psychologie, de morale et de religion ont informé plus spécifiquement les jeunes sur des aspects de la problématique tabac.
C’est le Dr Castadot , médecin scolaire attaché au service de promotion de la santé à l’école, qui est chargé d’informer la cellule des conséquences du tabagisme.
Enfin toute l’école s’est mise aux couleurs de la prévention. L’environnement scolaire a été modifié afin d’accueillir la campagne. Pendant plusieurs semaines, des affiches de tous genres ont été placées dans l’école afin d’éveiller la créativité des élèves pour le concours.
Des intervenants extérieurs à l’école se sont impliqués dans la conceptualisation et la mise en œuvre du projet. Depuis l’origine du projet, le CLPS du Brabant wallon a apporté son aide méthodologique au projet en contribuant notamment à la réalisation du support pédagogique, à la conception du questionnaire, à l’analyse et la publication de ses résultats et la préparation des stands.
L’asbl SEPT (Service d’étude et de prévention du tabagisme ASBL) a partagé son expérience et redéfini l’action dans le concept de promotion de la santé et a amorcé l’évaluation.
D’autres ASBL comme l’Amicale, l’Association des Anciens, les Mutualités Socialistes et Educa Santé sont intervenues dans le processus en proposant du matériel, une aide logistique ou des prix pour récompenser les gagnants.

La semaine de prévention du tabagisme

Enfin, le jour J est arrivé. Du 22 au 26 mars, tous les élèves de l’école défilent par petits groupes de vingt à travers les différents stands et l’exposition.
La visite est libre. A l’entrée un jeu-test des connaissances sur les ordinateurs ‘info-modules’ de la Fédération belge contre le cancer est proposé.
Le reste de l’exposition se déroule à l’étage. Pour demeurer dans l’ambiance, dans l’escalier qui mène aux stands sont exposés toutes les affiches et slogans réalisés par les élèves mais aussi quelques campagnes professionnelles.
Le premier stand consiste en la projection de courts extraits choisis de l’émission de FR 3 «C’est pas sorcier», consacrée au tabac. Cette émission a le mérite d’apporter une information à la fois claire et complète mais aussi attrayante pour un public de secondaire.
Elle est suivie par la visite de l’exposition Tourn’Nicotine, mise au point par des jeunes de Boulogne-sur-Mer et prêtée pour l’occasion par l’asbl Educa-Santé de Charleroi. Tourn’Nicotine est une exposition interactive basée sur le principe du photo-langage. Elle met en évidence la relation du jeune avec le tabac, avec les fumeurs et les non-fumeurs. Son objectif est de faire surgir les représentations des jeunes sur le tabagisme à son contact. Elle aborde quatre thèmes: le tabac et l’effet de groupe, le tabac au féminin, le tabac au quotidien, changer d’identité: fumeur/non-fumeur.
La visite se poursuit par le stand du fumeur automatique, expérience permettant de constater l’effet nocif de la cigarette sur le système respiratoire. Une bouteille en plastique est remplie d’eau. Sur l’embout de celle-ci, une cigarette entourée d’ouate se consume et jaunit l’ouate tandis que la fumée aspirée dans la bouteille montre l’effet de l’ingestion de fumée dans le poumon.
Vient ensuite le stand du CLPS, consacré aux messages de prévention du tabagisme émanant de campagnes d’affiches professionnelles mais aussi de spots de prévention télévisés. Le tabagisme passif y est expliqué.
Enfin le dernier stand, du PSE-PMS, aborde les questions du sevrage.
Une liste permet d’ailleurs aux fumeurs qui le désirent de s’inscrire pour former un groupe de sevrage pris en charge par le médecin scolaire. Le personnel du service PSE se relaie pour assurer une permanence et répondre aux questions des élèves.
En soutien, une exploration du CD-Rom des Mutualités socialistes «Accro, moi non plus» est organisée au centre cyber-média pour les quatrièmes.
Le 26 mars, dernier jour de l’événement, les élèves qui ont réalisé les dix meilleures affiches et les dix meilleurs slogans et deux slogans illustrés ont été récompensés de leurs efforts. Ils se sont vus remettre des prix par les Autorités provinciales, Monsieur le Député permanent Jean-Pierre Deserf , en charge de l’enseignement, et Monsieur le Député permanent Jean-Marie Flahaut , en charge du budget, ainsi que des prix offerts par L’Amicale et le Dr Castadot, en présence des médias locaux.
Côté slogan c’est «Stoppez la cigarette, commencez la bicyclette» qui remporte le premier prix, devant «Je suis M. Cigarette. Ma profession? Tueur en Série» et «Proposez-moi une fleur, mais pas une clope.»
Côté affiche, c’est un dessin représentant deux mains avec une cigarette coupée en deux et le slogan «Ta vie est entre tes mains» qui a été primé.
« Les dessins choisis mettent en évidence un message positif pour inciter à vivre sans tabac », commente Anne-Françoise Claes. « Que ce soit par les couleurs gaies , par la représentation du bien être ou encore par une comparaison avec tabac sans tabac , les jeunes gagnants ont su exprimer l’idée que la cigarette ne contribue pas au bonheur .» ajoute-t-elle satisfaite du déroulement de la semaine.
Suite à un tirage au sort, les élèves ayant correctement répondu aux questions de l’exposition ont également remporté des cadeaux.

Et ensuite?

Un rappel de l’action a eu lieu à l’occasion de la journée mondiale sans tabac, histoire de boucler un programme qui a mobilisé toute une école pendant 6 mois.
Pour les cinq élèves constituant la cellule tabac le bilan de la semaine est positif. Le regard porté par le reste de l’école (élèves, professeurs, direction) mais aussi par le reste de la communauté (médias, professionnels de santé) sur leur action les a valorisés. Ils ont été particulièrement étonnés par la réaction positive que l’expo a suscitée auprès de leurs pairs. C’est aussi celle qui leur a le plus fait plaisir. « Il en faudrait plus comme vous » a lancé un élève émerveillé par le travail accompli. C’est clair, pour ces cinq élèves, la campagne prévention-tabac restera une expérience inoubliable.
Comme dans tout bon projet, un temps sera consacré à l’évaluation qui viendra le parachever. Divers aspects seront évalués, l’aspect pédagogique, l’aspect organisationnel, l’impact de la campagne , le nombre d’élèves inscrits aux groupes de sevrage… Cette évaluation sera disponible sur demande. Qui sait, elle pourrait servir de base à un autre projet l’année prochaine?Stéphanie Lizin et Anne-France Hubaux , chargées de mission au Centre local de promotion de la santé du Brabant wallon
Contact: Anne-Françoise Claes, Enseignante à l’Institut Technique Provincial de Court-Saint-Etienne, rue Paul Henricot 1, 1490 Court-St-Etienne. Tél.:010 61 15 55.