Février 2005 Par O. RALISY I. RADANIELINA Initiatives

Madagascar a déclaré la guerre à la rougeole et aux préjugés qui entourent la vaccination. Des dizaines de milliers d’agents et de vaccinateurs ont sillonné le pays pour convaincre les parents de protéger leurs enfants contre cette maladie qui, en 2003, avait tué plus de 6000 petits Malgaches.
Exceptionnel !’, s’exclame le médecin-chef du centre de santé de Sabotsy Namehana, une commune rurale située à une dizaine de kilomètres au nord de la capitale malgache. L’adhésion des parents à la campagne 2004 de vaccination contre la rougeole le ravit car depuis dix ans, malgré la gratuité et des efforts de promotion, beaucoup refusaient de faire vacciner leurs enfants. ‘ Les préjugés seraient-ils tombés ?’ s’interroge-t-il.
L’année dernière, la Grande Ile, appuyée par l’OMS et l’Unicef, a mis le paquet. En septembre et octobre 2004, plus de sept millions de petits Malgaches âgés de 9 mois à 14 ans ont été vaccinés contre la rougeole. Un taux de couverture sans précédent: environ 98 % pour l’ensemble du pays. Alors que la rougeole reste à Madagascar une cause importante de mortalité infantile (6350 décès pour 200.000 cas en 2003), le taux de vaccination était inférieur à 55 % en 2002.
Préjugés et manque d’information étaient à l’origine de ces mauvais résultats. Dans les régions reculées de l’île, peu de gens consultent les médecins. Ils ne fréquentent guère non plus les centres de santé de base. Les villageois ont plutôt recours aux guérisseurs traditionnels dont ils suivent les prescriptions parfois surprenantes. Jean-Baptiste, chef traditionnel du Sud et tradipraticien, déconseille le vaccin contre la rougeole et prescrit des bains de vapeur de patates douces de couleur rouge ou à défaut de pommes de terre. Dans les villages, circulent toutes sortes de rumeurs sur le vaccin. À Fenoarivo, dans la périphérie d’Antananarivo, on raconte qu’il transmet le virus du sida. Ailleurs, on l’accuse de rendre stérile.

Des centres de santé trop éloignés

Manque d’informations et négligence se conjuguent aussi pour détourner les parents des centres de santé: ‘ Je ne me souviens plus si j’ai déjà fait vacciner mon fils , confie un jeune parent. En tout cas , je ne sais pas trop si la rougeole est mortelle ‘. S’ajoute à cela le manque de moyens et de temps. Mamasoa , une mère de six enfants de la banlieue de Fianarantsoa explique que le dispensaire, situé à plusieurs kilomètres, est trop éloigné: ‘ Je ne peux pas emmener seule mes enfants sur une distance pareille . Je préfère rester au village ‘.
Pour tenter de briser toutes ces résistances, les responsables sanitaires, les agents communautaires et les responsables des établissements scolaires ont travaillé de concert et peaufiné des stratégies pour convaincre les parents de faire vacciner leurs enfants dès le premier jour de classe.
Le responsable de cette mobilisation sociale, le Dr Ralitera Rakotodrafara , dévoile le secret de la campagne: aller vers les gens. ‘ Il ne s’agit pas seulement de vacciner mais d’expliquer le danger de la maladie et l’intérêt de la vaccination ‘, confirme le Dr Henriette Razafinirina , agent communautaire de Manjakandriana. Des spécialistes en techniques de communication et de persuasion ont dispensé des formations en cascade à tous les agents de l’opération, baptisée Hiaka 2004 (le cri).
En octobre 2004, 15.000 mobilisateurs ont visité les autorités locales tandis qu’autant de vaccinateurs rejoignaient des lieux qui inspirent confiance aux mères: écoles, centres de santé, espaces de nutrition, bureaux administratifs des quartiers ou églises. Cette proximité a d’abord permis de toucher la plupart des écoliers. Puis, dans un second temps, une vaste opération de ratissage a été menée dans tout le pays pour sensibiliser le plus de monde possible et vacciner les enfants non scolarisés.

Porte à porte

Des agents ont parcouru les quartiers de maison en maison. Ils ont arpenté les places de marché et même les trottoirs pour toucher les sans-abri. ‘ Nous sommes allés jusque dans les champs où les enfants accompagnent leurs mères pendant leurs tâches journalières ‘, rapporte Vero Andriambelosoa , une sage-femme. Les résultats ne se sont pas fait attendre: ‘ Les parents acceptent parce qu’ils ont compris le bienfait des vaccins ‘, affirme un agent communautaire.
Selon l’OMS et l’Unicef, la couverture vaccinale doit dépasser 90 % pour que la rougeole, très contagieuse, cesse de se développer et de tuer. En 1999, 14 pays d’Afrique dont Madagascar avaient signalé une couverture vaccinale inférieure à 50 %. Cette maladie, reste, selon l’Unicef, ‘ l’une des principales causes de mortalité chez l’enfant avec plus de 30 millions de cas et près de 900 . 000 décès par an au cours de ces dernières années ‘. Pourtant, c’est l’un des vaccins les moins chers au monde. Une dose coûte seulement 0,26 $, avec le matériel d’injection.
Odile Ralisy et Iarivo Radanielina , InfoSud – Syfia