Août 2006 Initiatives

Test Achats gagne son procès contre Hodie Vivere

En février 2005, Test Achats dénonçait une fois de plus et avec force une campagne télévisée incitant à consulter le médecin en cas d’infection des ongles des orteils (onychomycose). Cette campagne était présentée comme émanant de l’asbl Hodie Vivere. En réalité, elle était téléguidée par Novartis, le producteur de médicament Lamisil. Ce producteur avait d’ailleurs lancé la même campagne dans plusieurs autres pays, dont les Etats-Unis mais aussi la France. L’asbl Hodie Vivere n’en était pas à son coup d’essai. Elle avait déjà organisé une «campagne d’information» du même genre sur l’obésité, laquelle était commanditée par Roche, le producteur du Xenical, médicament pour maigrir…
Le Lamisil par voie orale est soumis à prescription. Toute publicité grand public est dès lors interdite chez nous. Aux Etats-Unis, où la publicité pour les médicaments sur prescription est autorisée, le nom de Lamisil a été utilisé dans la même campagne. En Belgique, les entreprises ont trouvé une parade à l’interdiction légale en faisant de la publicité pour l’affection au lieu du médicament. Le résultat est le même, le chiffre d’affaires de Novartis augmente.
Test Achats avait également dénoncé le fait que l’Inami était finalement lésé. Aux Pays-Bas, une campagne analogue avait permis de multiplier par deux le chiffre d’affaires du Lamisil. Or, le Lamisil est un médicament remboursé. En Belgique, en 2002, les dépenses nettes de l’Inami s’élevaient pour les antimycosiques à près de 16 millions d’euro, le Lamisil représentant 78 % du montant. Tout cela pour une affection sans gravité et n’occasionnant qu’une gêne esthétique, alors que l’on manque d’argent pour une meilleure prise en charge de nombreuses maladies graves.
Enfin, Test Achats estimait (et estime toujours) que cette «campagne d’information» représentait à la fois de la publicité mensongère mais aussi de la publicité qui ne porte pas son nom (publicité déguisée), en infraction avec la loi sur les pratiques du commerce. Test Achats estimait que cette publicité viole les articles 23,2° et 5° de cette loi. Test Achats avait donc déposé formellement plainte auprès du «Service Contrôle et Médiation» des Affaires économiques et interpellé directement la Ministre de la Protection de la Consommation.

La «contre-attaque»

Atteinte dans son honneur et dans sa crédibilité de caution scientifique de la campagne contestée, l’asbl Hodie Vivere décida d’assigner en responsabilité l’organisation de consommateurs, tentant de la faire condamner au paiement d’une somme totale de plus de 1.400.000 € au titre de préjudice moral et matériel. Pendant ce temps, Novartis déclinait toute responsabilité, niait toute implication et feignait d’ignorer toute infraction à la loi interdisant la publicité. Le Service Médiation et Contrôle du Ministère de l’Economie attendait quant à lui l’issue du procès pour se prononcer sur le fond de la plainte de Test Achats. Des débats parlementaires et des réactions du monde politique furent également nombreux.

Test Achats a raison…

Après un examen fouillé et approfondi des faits de l’affaire, le Tribunal de Première Instance de Bruxelles a analysé les arguments et la communication de Test Achats pour en conclure que l’organisation de consommateurs avait eu raison de dénoncer ce type de campagne d’intérêt général, financée directement par l’industrie pharmaceutique, qui exagère les dangers d’une maladie pour mieux vendre ses médicaments.
Les constats de la juridiction sont éloquents et rejoignent en tout point ceux de Test Achats:
– il existe dans le film et la campagne d’Hodie Vivere une référence indirecte à une société pharmaceutique, concomitante à de la promotion pour le Lamisil en direction des médecins belges;
– Hodie Vivere s’est sciemment rendue complice du détournement de la loi interdisant la publicité pour les médicaments sur prescription que Novartis et son agence de publicité avaient mis en place;
– la campagne contestée et la promotion simultanée du Lamisil auprès des médecins, ont eu pour résultat d’augmenter encore les dépenses de l’Inami, tant par les remboursements des visites médicales que par les frais inhérents aux prescriptions de Lamisil qui ont suivi;
– Test Achats a pu légitimement considérer que, compte tenu de la «caution scientifique» et de «la garantie éthique et scientifique» que Hodie Vivere prétend conférer à ses interventions, elle avait, en passant sous silence les effets indésirables du Lamisil, induit le public en erreur.

Un exemple à ne plus suivre…

Dans ce contexte, et sur base de la polémique médiatique et juridique qui a suivi, Test Achats pose une exigence fondamentale: toute campagne dite d’intérêt général diffusée en radio et/ou en télévision relative à la santé et au bien-être doit faire l’objet d’un contrôle a priori, moyennant par exemple, la consultation d’un comité d’experts, notamment composé de représentants des consommateurs.
Un dossier et un cahier des charges précis devraient être introduits auprès de l’administration et faire l’objet d’une autorisation préalable afin d’éviter la répétition de campagnes de publicité déguisées dont l’industrie pharmaceutique est malheureusement coutumière. Dans le cadre de la nouvelle loi «santé» mais aussi en exécution de la toute nouvelle législation pharmaceutique, Test Achats demande que le Ministre de la Santé publique soumette à des règles très strictes ces campagnes sur certaines maladies («disease awareness campaigns») et mette en place un comité de surveillance associant les consommateurs.
Actuellement, ce type de campagne n’appartient pas encore au passé. Il est impossible de les poursuivre toutes en justice. Et pourtant, c’est la santé publique et le budget des soins de santé qui en pâtissent.
D’après un communiqué de Test Achats