«Le monde serait meilleur si on pouvait mettre des patrouilles de police à la sortie de chaque école»Le
6 mai dernier, la plateforme ‘Concertation Réflexion École Police Bruxelles (CREPB)’ organisait une matinée d’échanges et de débats destinée aux acteurs scolairse et de manière plus générale aux acteurs de la promotion de la santé des jeunes et de la prévention des assuétudes.
On nous avait annoncé un ‘événement original sur un modèle inédit, très interactif et participatif’, nous n’avons pas été déçus.
La matinée avait attiré à la Tricoterie (Saint-Gilles) un nombreux public de plus de 200 personnes. Animée par un David Lallemand en très grande forme, elle était structurée par trois capsules vidéo d’une dizaine de minutes dans lesquelles des jeunes s’interrogeaient et questionnaient des adultes sur le rôle de l’école, la ‘place’ de la police à l’école et exprimaient aussi leurs propres sentiments par rapport aux consommations. Comme l’avait précisé le maître de cérémonie au début, il s’agissait bien de travailler avec des savoirs d’experts sans évacuer le ressenti.
La bonne idée: les intervenants ‘prévus’ étaient dispersés dans la salle, parmi les participants, et disposaient tous d’un temps de parole limité, pour permettre un large débat avec le public, parfois consensuel, parfois contradictoire (ce qui est plus amusant, avouons-le).
Le thème du jour étant ‘Drogue – Police – École’, plusieurs représentants de la force publique ont donc eu l’occasion de s’exprimer sur les descentes de police avec chiens pisteurs dans les écoles, rares dans certaines communes bruxelloises, plus fréquentes dans d’autres.
Il n’y avait guère de contestation quant à la remarquable inefficacité de ces interventions en termes de quantités de substances saisies, vraiment dérisoires. Par contre, sur l’effet produit par les descentes sur les élèves, certains jugeaient le ‘traumatisme’ qu’elles peuvent provoquer salutaire, d’autres soulignant au contraire que la ‘peur’ de se faire coincer ajoute encore du piment à la tentation de consommer, ou encore qu’il en faut plus pour ‘traumatiser’ les ados…
La citation en tête du texte est authentique, elle ne reflète pas vraiment l’opinion dominante à la Tricoterie, qui y voyait plutôt le ‘meilleur des mondes’ dénoncé déjà en 1932 par Aldous Huxley qu’un ‘monde meilleur’. Même si tous s’accordaient sur l’idée que la police a bien un rôle à jouer au sein des écoles, les autres représentants des forces de l’ordre ont partagé avec la salle une vision plus nuancée de leur travail…
Glané au cours de cette matinée stimulante: rappelant la coexistence de deux ‘modèles préventifs’ incompatibles, la prohibition de l’usage plutôt que la gestion des modes d’usage (réduction des risques), un intervenant illustra sa préférence par un spectaculaire ‘Joint du matin chagrin, pétard du soir espoir’. Certes, la formule est choc et ne cadre pas vraiment avec ce que l’on entend généralement par ‘prévention’. Elle a pourtant le mérite d’être en phase avec le réel : un monde sans drogues est une chimère, a fortiori une école aussi. En conséquence, la prévention ne peut être portée que par une éducation aux consommations. Y voir une banalisation ou pire, une incitation, consiste à se voiler la face. Confier à la police un rôle de prévention participe du même mouvement, celui du déni de réalité. Par essence, la police n’a d’autres choix que de porter un discours fondé sur l’interdit. Si ce discours recèle quelques vertus elles n’ont que peu à voir avec une prévention se voulant à la fois efficace, pertinente et respectueuse des jeunes.Relevons aussi la présence insupportable du responsable d’une entreprise privée française de remédiation scolaire aux préoccupations manifestement aux antipodes de celles de cet événement. Mais comment diable ce trouble-fête intempestif s’était-il retrouvé parmi nous?
Enfin, la ‘conclusion’ du toujours judicieux Paul Herman a fini d’emporter l’adhésion du public (à l’exception, sans doute, des forces de police en présence) avec un texte à la fois drôle et empreint d’une lucidité assassine pour qui ne voit pas dans l’imaginaire d’Huxley une grille de lecture pour un futur de plus en plus proche.
Il s’agissait en réalité d’un comédien chargé de mettre un peu d’ambiance dans la matinée si nécessaire. Mission accomplie !
Nos lecteurs se souviennent sans doute de son travail dans l’émission citoyenne ‘Quand les jeunes s’en mêlent’. Travaillant pour le Délégué général aux Droits de l’Enfant de la FWB, il n’a rien perdu de sa philosophie nourrie par l’éducation permanente.