Février 2003 Par A.-M. PIRARD Documentation

Beaucoup d’adolescents souffrent de mal-être et sont atteints de spleen. Comment définir cet état? Comment le prévenir? Comment l’accompagner et le soulager? La réponse passe par une multiplicité de facettes à traiter en synergie.
Les enfants tant désirés des sociétés occidentales, les enfants-rois, deviennent trop souvent des adolescents atteints par le mal-être. Cette période de la vie, marquée par la mutation et le passage, est naturellement inconfortable, mais à certains égards enthousiasmante aussi. Or, la plupart des études qui tentent de faire un état des lieux de la santé des adolescents fournissent tant et plus de données de prévalence, de mortalité et de morbidité liées à des états dépressifs, à des accidents, à des conduites suicidaires, à des conduites addictives ou autres conduites violentes…
Il ne faut rien exagérer: une très large majorité de jeunes renvoient une impression de bien-être. Mais la situation se dégrade souvent entre 11 ans et 15 ans. Elle doit donc être prise en compte.
L’unité Reso de l’UCL, spécialisée en éducation pour la santé, a produit un dossier technique, ‘ Adolescence et santé mentale ‘ pour aider les spécialistes de la promotion-éducation santé. Il poursuit deux objectifs: d’une part, aider à comprendre ce que recouvre la notion de bien-être pour les adolescents et d’autre part, aider à cerner les difficultés rencontrées par ces jeunes. Il veut aussi leur apporter des informations sur la question de l’évaluation du bien-être des adolescents.

Vide institutionnel

Le souci pour la santé mentale des adolescents a pris un tournant décisif en 2001 décrétée ‘Année de la santé mentale’. Ce choix était justifié par l’avis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour qui les troubles mentaux occuperont demain la deuxième place sur la liste de fréquence des maladies. Une campagne médiatique d’envergure nationale, ‘ La santé mentale, j’en parle ‘ a été lancée à cette occasion par cinq associations sous le patronage de la Fondation nationale Reine Fabiola pour la santé mentale. L’objectif était de faire mieux connaître et mieux accepter les maladies mentales et les troubles qui y afférent.
La santé mentale des adolescents a été elle aussi l’objet de diverses études récentes et le ‘spleen’ des adolescents a été souligné à maintes reprises. Or, notent les auteurs du dossier, Dominique Doumont et Florence Renard , il n’existe ‘ ni observatoire, ni médiateurs, ni même une véritable clinique partagée entre tous les intervenants pour en repérer les signes polymorphes ‘. D’ailleurs, la santé mentale des jeunes est souvent appréhendée en termes de ‘comportements à risques’: tabagisme, abus d’alcool, consommation excessive de médicaments, drogues, etc.
Dominique Doumont et Florence Renard signalent enfin le vide institutionnel qui règne dans notre système de santé et notre système social concernant la souffrance psychique des 12-25 ans.

Qu’est-ce que se sentir bien?

Mais qu’est-ce que se sentir bien? Le bien-être est un état relativement subjectif si bien qu’aucune définition précise n’a pu être trouvée dans les articles sélectionnés par les deux chercheuses pour élaborer le dossier. L’OMS définit la santé comme ‘ un état de complet bien-être physique, psychique et social ‘. Et elle définit la qualité de vie comme ‘la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes, ses inquiétudes.
Concrètement, comment les adolescents, eux, vivent-ils le bien-être? Ils sont confrontés à des expériences différentes de celles qu’ont pu vivre leurs parents, ces derniers ayant d’ailleurs du mal à imaginer les expériences de leurs adolescents (évolution des mentalités, multicultures, choc des valeurs)…
L’étude ‘ Santé des jeunes en Communauté française de Belgique ‘ publiée en 97 a étudié trois composantes de l’image de soi chez les jeunes: l’image du corps (bien-être physique, attrait et efficience), la perception de la relation avec les pairs du sexe opposé et la représentation de la valeur personnelle (estime de soi). Il semblerait qu’un bon ‘score’ dans les trois dimensions proposées serait un indicateur de bien-être.

Nul n’est prophète…

Lorsque ce n’est pas le cas, le mal-être pointe. Comment optimaliser l’expression des demandes d’aide, comprendre les plaintes psycho-somatiques (fatigue, maux de tête, maux de ventre)? La souffrance des adolescents est souvent difficilement palpable et chaque intervenant l’analysera selon le point de vue de sa propre spécialisation. ‘ Face à la souffrance psychique des adolescents et des jeunes adultes, nul n’est prophète ‘ affirment les experts du Haut comité de la santé publique.
Reste que le rôle de l’éducateur pour la santé est d’aider les adolescents à trouver leurs chemins pour vivre heureux. Cela passe par un renforcement positif des idées et des actions, par une aide apportée pour découvrir les opportunités futures, par un encouragement à se confier à des adultes et/ou des amis qui se sentent bien dans leur tête.
C’est plus vite dit que fait! Une telle action suppose en effet de sensibiliser, d’informer et de former les adultes qui s’occupent d’adolescents: chacun en effet doit pouvoir insérer sa propre analyse professionnelle dans une prise en compte de la globalité de l’adolescent. Comment? Les deux auteurs de l’article concluent sur la nécessité de donner les moyens nécessaires aux médecins scolaires, observateurs privilégiés, afin qu’ils puissent assurer l’identification et surtout le suivi des adolescents à risques. Elles insistent aussi sur le besoin de renforcer les services d’aide à la jeunesse, de modifier les institutions scolaires et médico-scolaires qui n’ont pas toujours su s’adapter aux dernières mutations liées à l’adolescence.
Comme elles le disent pour conclure: ‘ Vaste programme! ‘.
AMP
Dominique Doumont et Florence Renard, ‘Adolescence et santé mentale’, Unité RESO, Education pour la santé, Faculté de Médecine, UCL, dossier technique 01-15. Contact: Dominique Doumont. Tél.: 02 – 764 50 76. Courriel: dominique.doumont@reso.ucl.ac.be.
Ce dossier fait partie des dossiers techniques réalisés par l’unité RESO grâce au financement de la Communauté française de Belgique et accessibles gratuitement à tout organisme belge de promotion de la santé. Il est également consultable sur le site http://www.md.ucl.ac.be/entites/esp/reso .