Depuis le 1er décembre 2004, la loi interdit la vente de tabac aux jeunes de moins de seize ans en Belgique.
Le nombre de jeunes qui fument a doublé ces dix dernières années. De plus, la Belgique détient un triste record en termes de mortalité tabagique (plus de 20.000 morts par an, soit plus de 10 fois le nombre de tués sur les routes) et la première place européenne en termes de mortalité due au cancer du poumon (au moins neuf cancers du poumon sur dix sont attribuables au tabagisme). En outre, les dépenses pour soigner les maladies liées au tabagisme représentent 10 % des dépenses totales en soins de santé.
La plupart des fumeurs commencent jeunes. Dans les pays à revenu élevé, huit fumeurs sur dix commencent à l’adolescence, période de vulnérabilité durant laquelle la dépendance s’installe.
Dès lors que la meilleure manière de lutter contre le tabagisme est d’élaborer un ensemble de mesures, tant préventives que curatives, la question de l’accessibilité aux produits du tabac par les jeunes doit être réglementée. C’est dans ce cadre que la vente (et non la consommation) est dorénavant interdite aux mineurs de moins de 16 ans.
Cette mesure ne produira les effets escomptés qui si chacun (parents, enseignants, autorité…) accompagne les distributeurs dans l’application de cette mesure.
Objectif de la mesure
Il s’agit de diminuer l’accessibilité des produits du tabac et de retarder l’âge des essais, à une période où les jeunes sont particulièrement vulnérables (vers 14 ans) et où se déterminent les comportements d’adultes à l’égard des produits du tabac.
A elle seule, cette mesure d’interdiction ne résoudra pas la problématique du tabagisme chez les jeunes de moins de seize ans. C’est pourquoi elle fait partie intégrante d’un plan global, le Plan national de lutte contre le tabagisme (adopté par le Gouvernement fédéral en janvier dernier), qui prévoit des actions tant répressives que préventives et curatives.
Ainsi des mesures sont prises pour
-faciliter le recours à l’aide au sevrage;
-former les médecins généralistes;
-sensibiliser aux effets néfastes du tabagisme, protéger les non-fumeurs;
-restreindre l’usage du tabac dans les lieux publics;
-affecter des budgets spécifiques pour le sevrage de la femme enceinte (le nombre de jeunes femmes qui fument a plus que doublé ces dix dernières années), ainsi que pour des actions plus larges de sensibilisation (tabac et sport, manipulation des jeunes par l’industrie du tabac, etc.)
Par ailleurs, la Belgique, en tant que Partie à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (ratifiée au niveau fédéral, voir plus loin) est tenue ‘ d’adopter et d’appliquer des mesures législatives , exécutives , administratives ou autres mesures efficaces au niveau gouvernemental approprié pour interdire la vente de produits du tabac aux personnes qui n’ont pas atteint l’âge prévu en droit interne ou fixé pour la législation nationale , ou l’âge de dix – huit ans .’
Au sein de l’Union européenne, un nombre croissant d’Etats membres ont adopté l’interdiction de vente aux mineurs, avec des limites d’âge allant de 14 à 18 ans : Espagne (16 ans), Finlande (18), Irlande (18), Italie (14), Royaume-Uni (16), Allemagne (16) Suède (18), France (16).
Pratiquement
La loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et autres produits, dont le tabac, est modifiée dans son article 6, §4.: « Il est interdit de vendre des produits à base de tabac aux jeunes de moins de seize ans . Il peut être exigé de toute personne qui entend acheter des produits de tabac de prouver qu’elle a atteint l’âge de seize ans …»
Cette disposition permet donc aux vendeurs de tabac (buralistes, night shops, cafetiers, super- et hypermarchés, magasins où est vendu de l’alcool…) de s’assurer de l’âge de l’acheteur (tout comme ils doivent le faire à propos des produits de la loterie nationale pour les uns ou de l’alcool pour les autres), et le cas échéant de lui refuser la vente de tabac.
En outre, une concertation a lieu avec le secteur pour adapter les distributeurs automatiques de tabac, afin de les rendre inaccessibles aux moins de 16 ans.
D’après un communiqué de presse de Rudy Demotte , Ministre des Affaires sociales et de la santé publique
Commentaire
Les industriels de la cigarette ont été parmi les premiers à se féliciter de cette mesure.
On est en droit de se demander alors si elle est applicable et utile. En effet, notre pays, contrairement à la France, où le nombre de points de vente est limité (pour une population six fois plus nombreuse), offre une variété considérable de points de vente, dont 30.000 distributeurs automatiques. Offre énorme, donc, et difficile à contrôler.
En ce qui concerne la demande, d’aucuns affirment que les jeunes de moins de 16 ans trouveront toujours un copain pour acheter à leur place les cigarettes, ou un commerçant qui ne se sentira pas l’âme d’un flic. Difficile à contrôler aussi, cela.
Enfin, n’est-ce pas justement l’attrait de l’interdit qui donnera encore plus envie aux moins de 16 ans de goûter au ‘fruit défendu’?
CDB