Septembre 2010 Par Chantal LEVA Stratégies

Le Conseil supérieur de promotion de la santé remet au Gouvernement de la Communauté française des avis destinés à assister ce dernier dans sa politique de promotion de la santé et de médecine préventive. Il s’agit souvent de recommandations techniques, imposées par la législation, ou d’avis ponctuels sur des programmes d’action et de recherche, sur des campagnes médiatiques, des registres de pathologies, etc.
Le Conseil est aussi amené à répondre à des questions de portée plus générale, et peut aussi prendre l’initiative d’attirer l’attention de la ministre sur une question qu’il juge intéressante ou préoccupante.
Le lecteur consultera utilement le site http://www.sante.cfwb.be , qui contient beaucoup d’informations sur le Conseil, dont une partie de ses avis.
L’avis reproduit ci-dessous a été donné le 20 novembre 2009. Dans son rapport 2004-2009, le Conseil supérieur de promotion de la santé a émis des constats portant sur le champ de la promotion de la santé et la médecine préventive, le financement du dispositif et du secteur, la multiplicité des niveaux de compétences, la difficulté d’évaluer le dispositif et la multiplication des centres de référence.
Dans le présent document, l’actuel Conseil souhaite présenter des recommandations en lien avec les lignes de tension relevées dans ce rapport. Elles portent sur le statut et les orientations budgétaires de la promotion de la santé en Communauté française ainsi que sur les priorités stratégiques à définir pour réduire les inégalités de santé.
Pour rappel, le décret du 14 juillet 1997 mettait en avant la promotion de la santé comme une mise en application des recommandations de l’OMS pour améliorer durablement la santé des populations et lutter contre les inégalités sociales de santé. Il s’agit de renforcer le pouvoir d’agir des populations et de travailler sur des environnements favorables à la santé (notamment en développant de l’intersectorialité). En agissant sur les déterminants sociaux de la santé, ces stratégies visent à instaurer l’équité en santé (1). Cette organisation passe par une décentralisation des politiques et un soutien aux acteurs en contact avec les populations.

Premier constat: étroitesse des moyens et choix budgétaires en promotion de la santé

Dans son rapport global 2004-2009, le Conseil a relevé un point de tension concernant le financement du dispositif et celui du secteur de la promotion de la santé ainsi que l’affectation des ressources:
«Financement du secteur: depuis plusieurs années, en dépit de l’affirmation du Gouvernement pour une attention particulière à la prise en compte des inégalités sociales face à la santé, aux publics jeunes et au secteur associatif, le secteur de la promotion de la santé ne peut que constater un manque de moyens financiers.
Les moyens attribués au secteur de la promotion de la santé, y compris la médecine préventive, au niveau communautaire restent dérisoires comparés à ceux affectés au secteur curatif. Cette situation pose à nouveau la question de la répartition des compétences entre les niveaux de pouvoir et celle du refinancement de la Communauté française» (extrait du rapport CSPS 2004-09).
«Financement du dispositif: le décret du 14 juillet 1997 a mis en place un dispositif comprenant les services agréés: SCPS et CLPS. Sur base du décret modificatif de juillet 2003 (2), un centre de référence a été agréé. De nouvelles missions et de nouvelles priorités ont été attribuées aux Centres locaux de promotion de la santé et aux Services communautaires.
Au vu des rapports de ces services, les demandes qui leur sont faites sont de plus en plus nombreuses et complexes. Les charges salariales et les coûts de fonctionnement ont augmenté; parallèlement, les financements n’ont pas bougé mis à part l’indexation. Cette situation mène à un goulot d’étranglement qui risque d’aboutir à une situation de blocage du secteur. Ceci est d’autant plus évident pour les CLPS, dont les pôles de compétences se sont développés et diversifiés et dont le rôle de décentralisation devrait être renforcé afin de répondre aux besoins et aux demandes du terrain.»

Depuis 2003, les choix budgétaires faits par le Gouvernement sont en inadéquation avec les priorités du Programme quinquennal et les stratégies globales. Ils privilégient le développement de programmes organisés de médecine préventive, qui prennent une ampleur telle que plus aucune marge budgétaire n’est disponible pour réaliser les objectifs initiaux du décret de 1997 cités plus haut. Cette orientation « met en péril des programmes de promotion de la santé existants » ( extrait du rapport CSPS 2004 09 ). Elle entraîne également des coûts importants notamment par la création et multiplication de centres de références; citons par exemple, le dépistage néonatal qui s’est développé dans deux programmes distincts (avec pourtant des acteurs identiques) et qui dès lors fait exister des structures supplémentaires et parallèles aux structures existantes (l’ONE par exemple).
De plus, le découpage budgétaire actuel réservant des montants à des problématiques de manière séparée appuie ces approches verticales et marginalise les projets globaux qui s’intéressent à la santé de la population sans cibler une thématique en particulier, mais au travers de stratégies horizontales.
Ces phénomènes ne contribuent pas à une approche globale et intégrée de la santé et accentuent la carence budgétaire. Si les choix politiques futurs n’infléchissent pas cette évolution budgétaire, cela risque d’entraîner des écarts de santé de plus en plus grands au sein des populations.

Recommandation 1

Le Conseil invite le Gouvernement à examiner le financement du dispositif et du secteur afin de poursuivre les objectifs du décret 1997 et les priorités du Programme quinquennal et des plans communautaires opérationnels. D’une part, les budgets consacrés à la promotion de la santé devraient être augmentés et d’autre part, la priorité devrait être accordée à des actions de proximité auprès de la population soutenue par des acteurs de promotion de la santé.
Le Conseil considère qu’il faut infléchir l’évolution dans l’allocation des ressources, à savoir: arrêter d’utiliser les moyens disponibles pour développer de plus en plus de programmes verticaux (qui ne prennent en compte que des pathologies séparées) afin de conserver des moyens pour des programmes qui développent des stratégies horizontales.
Le Conseil est d’avis qu’au niveau de la construction du budget, une allocation de base globale serait plus pertinente que le découpage actuel et n’empêcherait en rien d’établir des problématiques prioritaires, lesquelles seraient judicieusement traitées au travers des stratégies de promotion de la santé.
Sans attendre les résultats de l’évaluation du dispositif de promotion de la santé et du programme quinquennal qui pourrait amener à préciser des priorités d’action, le Conseil souligne l’urgence de revaloriser les programmes d’action qui s’appuient sur les stratégies de promotion de la santé et tentent d’instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé.

Deuxième constat: verticalisation et carence des programmes de médecine préventive

Dans son rapport global 2004-2009, le Conseil a relevé un point de tension entre la promotion de la santé et la médecine préventive. « Lors de la discussion du décret de 2003 modifiant celui de 1997 , le Conseil avait précisé que le champ de la promotion de la santé intégrait la médecine préventive . C’est ainsi que l’appellation « la promotion de la santé , y compris la médecine préventive …» a été choisie afin de mettre en évidence la nécessité pour les programmes de médecine préventive de s’inscrire dans une approche de promotion de la santé et de développer les stratégies de celle ci Le Conseil a relevé à plusieurs reprises la multiplication de centres de référence créés par problématique ( cancer , anomalies congénitales , surdité ). Cela entraîne une verticalisation de plus en plus forte du dispositif et constitue un frein important à une approche globale de la santé envisagée en fonction des publics et / ou des milieux
Actuellement et de manière générale, les programmes de médecine préventive sont pensés au travers d’une approche verticale plutôt que globale. La volonté du législateur d’inclure la médecine préventive dans le décret de promotion de la santé ne porte pas ses fruits car l’organisation de programmes de médecine préventive montre à ce jour trop peu de mise en œuvre de stratégies de promotion de la santé; ils restent centrés sur une pathologie en particulier.
Les moyens financiers de ces programmes sont consacrés davantage aux actes de dépistage qu’à leur accessibilité sociale et culturelle. Le découpage budgétaire actuel ne fait qu’accentuer cette tendance générale au détriment d’une approche de promotion santé. De manière générale, l’importance relative à accorder à la médecine préventive et à la promotion de la santé fait l’objet de débats au sein du Conseil et de façon plus large au sein du secteur de la santé.

Recommandation 2

« Le Conseil insiste sur le caractère incontournable de stratégies de promotion de la santé pour que les programmes de médecine préventive aboutissent à leurs objectifs en termes de couverture et aient un impact sur la réduction des inégalités face à la santé . Ce sont les stratégies de promotion de la santé qui permettent une participation éclairée des populations à ces programmes . Les stratégies et méthodes de la promotion de la santé favorisent , auprès des populations , l’ancrage et le travail en profondeur , dans le long terme , des actions de médecine préventive en agissant sur les déterminants de la santé , sur les processus de changement individuel et collectif » (extrait rapport CSPS 2004-2009).
Dans le cas spécifique de programmes de médecine préventive organisés, tout programme devrait être pensé pour les avantages qu’il apporte à toute la population qui en bénéficie, en tenant compte au préalable de l’ensemble des priorités de santé définies dans les politiques générales.
Le Conseil recommande que, tout comme les programmes d’action, les programmes de médecine préventive organisés se construisent sur les principes et stratégies de la promotion de la santé en considérant l’ensemble des déterminants de la santé des populations et en privilégiant une approche globale et transversale, collective, mettant la personne, le groupe de population, au centre du dispositif plutôt que telle ou telle pathologie.

Troisième constat: manque de concertation entre les différents secteurs et niveaux de compétences
Le Conseil a relevé une tension due à la multiplicité des niveaux de compétences:
«Le secteur de la promotion de la santé, y compris la médecine préventive, est confronté à une difficulté institutionnelle qui concerne d’ailleurs l’ensemble de la santé en Belgique. La multiplicité des niveaux de décision, (le niveau fédéral, le niveau régional et le niveau communautaire) rend plus difficile le travail des acteurs: de plus en plus souvent, des plans apparaissent au niveau national sous l’égide du fédéral qui demande ensuite aux Communautés une déclinaison locale de ces plans. Le manque de concertation et d’élaboration avec l’ensemble des acteurs et publics concernés, ainsi que l’absence de prise en compte des initiatives déjà développées par les entités fédérées posent la question de la pertinence et de la cohérence des programmes implantés au niveau local.
Apparaissent également des choix d’orientation différents entre ces niveaux de pouvoir. Ceci est d’autant plus marqué au niveau du secteur de la promotion de la santé qui estime essentiel de mobiliser l’ensemble des acteurs de tous les secteurs concernés: éducatif, socioculturel, environnemental et social.
Le Conseil a d’ailleurs observé au cours de ce mandat un élargissement des demandes hors du champ des compétences santé prises au sens strict; cet élargissement des demandes et recommandations confirme le caractère transversal des compétences santé de la Communauté française.»
(extrait du rapport CSPS 2004-2009).

Recommandation 3

Pour mener une politique publique visant à réduire les inégalités de santé, une grande partie des efforts à fournir doit intervenir dans le domaine extra-sanitaire (3), c’est pourquoi d’autres secteurs doivent être impliqués dans la mise en œuvre et la réalisation de politiques favorables à la santé.
Le Conseil considère qu’une concertation doit être établie avec les autres niveaux de pouvoir pour une véritable «politique publique saine» (logement, enseignement, finances, emploi, environnement…) visant à réduire les inégalités de santé.

La Présidente du Conseil, Chantal Leva

(1) Combler le fossé en une génération, instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé, OMS 2008.
(2) Décret du 17 juillet 2003 modifiant le décret du 14 juillet 1997 organisant la promotion de la santé
(3) Combler le fossé en une génération, instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé, OMS 2008.