Introduction
Dans le cadre de la préparation du prochain Programme quinquennal de promotion de la santé en Communauté française de Belgique, la Direction générale de la Santé et le Conseil supérieur de promotion de la santé ont sollicité le service communautaire UCL-RESO afin qu’il réalise un dossier technique consacré aux politiques de santé publique européennes mises en place ces dernières années, en s’intéressant tout particulièrement aux différents plans et programmes nationaux existants, et ce en vue de comparer les similitudes et les différences avec la politique de santé publique mise en place dans notre Communauté.
Méthodologie
Les recherches bibliographiques ont été menées via les bases de données Doctes (base de données bibliographiques partagée dans les domaines de la promotion de la santé et de l’éducation pour la santé), Medline (base de données bibliographiques produite par la National Library of Medicine et qui couvre tous les domaines biomédicaux) et Sciendirect (base de données qui fournit les références d’articles provenant de périodiques de la collection Elsevier Science). Certains sites gouvernementaux, nationaux et régionaux ont également été consultés.
La date du document, son accessibilité, son degré de réponse et sa pertinence par rapport à la question de recherche ont conditionné le choix des articles et documents retenus. Des critères linguistiques ont également orienté la sélection des documents; en effet, seuls les documents rédigés en français, néerlandais et en anglais ont retenu notre attention. Quatre mots-clefs ont guidé cette recherche: ‘public health’, ‘national health programs’, ‘decision-making’, ‘health-policies’.
Au regard de ces différents critères, 14 pays et régions ont été retenus et 64 références bibliographiques ont été exploitées. Certains pays et régions ont été plus détaillés que d’autres, ceci notamment au vu de l’état d’avancement des politiques et stratégies qui y sont développées.
Vu l’ampleur du dossier traité (et des informations recueillies), il a été décidé de scinder ce dossier en deux parties. La première concerne les pays suivants: la Suède, les Pays-Bas, la Suisse, le Luxembourg, le Danemark, la Bulgarie, la Croatie et l’Espagne (1). La seconde partie présente un état des lieux pour l’Allemagne, la Belgique (Communauté flamande), le Canada (Province de Québec), l’Union européenne, la France et le Royaume-Uni (2).
Quelques difficultés ont été rencontrées dans le cadre de la réalisation de ce travail. Elles concernent notamment l’obtention d’informations et/ou de documents retraçant l’historique des processus de prise de décisions des pouvoirs politiques (établissement de choix des priorités de santé, contexte de mise en œuvre des stratégies opérationnelles, etc.). L’accès à ce type d’information aurait permis d’affiner les comparaisons des politiques de santé publique et de leur mise en œuvre dans les pays retenus et cela à l’échelon international.
La compréhension des systèmes de santé mis en place dans les pays et régions investigués (organisation du pouvoir décisionnel et opérationnel, etc.) n’a pas toujours été aisée de même que la comparaison des politiques de santé publique entre elles. En effet, certains pays et régions plus «avancés» ont déjà expérimenté le travail par programme régional ou national alors que d’autres se livrent à cet exercice pour la première fois.
Les documents qui ont alimenté la revue de littérature n’ont pas toujours permis de bien cerner l’opérationnalisation concrète des politiques décidées (parfois, celles-ci relèvent plus d’une déclaration d’intention).
Résultats
La revue de littérature a permis de constater que la plupart des objectifs généraux décrits dans les programmes, plans et politiques de santé sont souvent identiques (encourager les modes de vie sains, lutter contre les maladies et invalidités évitables, favoriser le bien-être, créer des environnements favorables, etc.).
Les priorités de santé sont établies en fonction des données épidémiologiques, des sensibilités culturelles, des contextes politiques, législatifs, juridiques et socio-économiques.
Les problématiques de santé les plus récurrentes concernent les thématiques suivantes: le surpoids et l’obésité, la promotion d’une alimentation «saine», la promotion de l’activité physique, les conduites addictives, les maladies chroniques, les cancers, les inégalités sociales et leur impact sur la santé.
Il existe toutefois une grande diversité dans les stratégies mises en place. En effet, certains pays développent un plan national ou régional comme par exemple la Suède, le Danemark, la Suisse, l’Espagne, les Pays-Bas, etc. D’autres élaborent différents plans en fonction de thématiques et/ou de priorités nationales/régionales du moment (la France, l’Allemagne, etc). D’autres encore ne développent pas de plans nationaux mais élaborent des objectifs pour (re)définir l’orientation des actions de prévention à réaliser et ainsi établir leur politique de santé (Communauté flamande).
Enfin, la politique de santé publique est parfois encore en «émergence» dans certains pays où elle se traduit par une simple juxtaposition de plans ou stratégies (Luxembourg).
Certains programmes développent une «approche transversale» de la santé. Les activités sont déclinées à la fois selon le public-cible (petite enfance, femmes, populations vulnérables, etc.), des thématiques (maladies cardiovasculaires, alimentation, assuétudes, maladies chroniques), des lieux de vie (écoles, familles, entreprises, etc.). C’est le cas de la France, du Danemark, de la Suède, du Canton de Fribourg, etc.
D’autres, tout en conservant cette vision assez «globale» de la santé, déclinent des objectifs (et des priorités) à caractère plus épidémiologique (Communauté flamande, Danemark).
Enfin, tous les pays/régions investigués font état de l’existence de nombreuses disparités face à la santé (mauvaises conditions socio-économiques, facteurs de fragilisation, effets négatifs sur la santé) et la lutte contre les inégalités sociales face à la santé fait partie des préoccupations de la plupart de ces pays mais peu développent une approche «intégrée» de lutte contre ces inégalités de santé. Seuls, les Pays-Bas développent des plans stratégiques permettant de réduire les inégalités en matière de santé. Un troisième plan a déjà vu le jour en 2001 (Evidence based Dutch program on socio-economic inegalities in Health).
Quelques point communs avec la situation en Belgique francophone
Tout comme dans le cadre de la politique de santé développée en Communauté française de Belgique, les plans et programmes de la plupart des pays/régions investigués (Danemark, Suède, Québec, Pays-Bas, etc.) sont construits dans le respect des principes de la Charte d’Ottawa (3) (objectifs opérationnels qui agissent sur les déterminants de la santé, démarche intersectorielle, etc). Le Plan communautaire opérationnel (4) (PCO) développé en Communauté française fait d’ailleurs explicitement référence à la Charte d’Ottawa, ce qui est également le cas de certains cantons suisses (Fribourg, Genève).
Le choix des priorités de santé est posé en fonction de l’état de santé de la population (incidence, prévalence, morbidité, etc.).
La réduction des inégalités de santé est davantage mise en lumière dans le PCO belge francophone. C’est également une priorité pour la France, le Danemark, les Pays-Bas, le Québec, etc.
La plupart des pays et régions investigués développent et favorisent une approche transversale de la santé.
On peut regretter pour l’ensemble d’entre eux le peu d’informations concernant les moyens financiers investis à la mise en place des plans et programmes.
Enfin, il existe une réelle volonté de dégager des critères et indicateurs d’évaluation.
Conclusions
Au terme de la revue de littérature, il s’avère que le concept «santé publique» est largement utilisé par les professionnels et intervenants de santé, mais concrètement, par manque de consensus, ce concept recouvre des notions bien différentes. Pour certains, il évoque des notions strictes d’épidémiologie. Pour d’autres, l’éducation pour la santé, voire la promotion de la santé sont les bases de toute démarche de santé publique. La santé est alors considérée dans une approche globale du citoyen.
Si les objectifs généraux décrits dans les programmes examinés sont souvent identiques, leur mise en œuvre concrète n’en reste pas moins fort différente. Un contexte politique, mais également législatif, juridique, socio-économique et sanitaire, des référents culturels, voire religieux, (et les choix gouvernementaux qui en découlent) peuvent considérablement influencer leur opérationnalisation.
Enfin, l’organisation même du système de santé publique inhérente à chaque pays joue un rôle important dans l’élaboration et le contenu des programmes de santé publique. Ainsi, les stratégies mises en place par les différents pays pourront varier considérablement.
La plupart des plans et programmes prévoient la mise en place d’évaluations et pour certains des critères et indicateurs sont fixés. Cependant, le manque d’évaluation récente sur les politiques mises en place questionne et, si quelques évaluations de programmes ont été réalisées, les résultats de ces dernières restent peu disponibles. Il est donc indispensable de continuer à «peaufiner» l’état des connaissances de l’efficacité des mesures de prévention, de protection et de promotion de la santé mises en place.
Au vu du caractère complexe des systèmes de santé des pays et régions, il est également nécessaire, voire primordial de développer des liens avec tous les acteurs qui travaillent dans le champ de la santé publique. Cela permet de rechercher ensemble des moyens de coordination efficaces et pertinents des stratégies et des actions décidées dans le cadre de chaque plan, programme ou politique de santé retenus par un pays ou une région.
Une décentralisation trop importante risque très vite de montrer ses limites dans la mise en route des plans locaux. En effet, trop d’objectifs et normes à respecter à un échelon national (ou régional) risquent de limiter une adaptation des plans locaux aux besoins de santé de la population concernée.
Si certains programmes s’imprègnent fortement des idéaux de la Charte d’Ottawa, peu en font toutefois explicitement référence alors qu’aussi bien la Charte d’Ottawa que celle plus récente de Bangkok (5) accordent une réelle importance à la promotion de la santé comme «politique publique favorable à la santé». De surcroît, les concepts de promotion de la santé et d’éducation pour la santé semblent être peu maîtrisés, voire «maltraités», tant par les décideurs que par les acteurs de terrain. Dès lors, la conception et la mise en œuvre concrète des objectifs et des actions intégrant le champ de la promotion et de l’éducation pour la santé risquent de ne répondre que partiellement à ces idéaux.
Les programmes/plans/politiques mis en place doivent toujours tenir compte de leur réelle capacité à agir et à répondre aux différents objectifs sanitaires qu’ils se sont fixés.
Il faut continuer à soutenir, renforcer, évaluer, financer tous les efforts déjà consentis afin d’améliorer la qualité de vie et le bien-être des populations.
Une nouvelle santé publique «sociale» semble voir le jour parce que le concept même de la santé évolue. La santé n’est plus la «non-maladie» ni l’affaire des médecins. Elle concerne désormais tous les citoyens.
Enfin, pour clore ce travail, soulignons que la promotion de la santé/éducation pour la santé ne doit en aucun cas dissocier les dimensions biologiques, psychologiques, sociales, environnementales et culturelles de la santé et doit continuer de prôner une vision holistique de la communauté et de l’individu, vision qui prenne en compte non seulement tous les aspects cognitifs mais surtout qui favorise l’acquisition et le renforcement de compétences et d’aptitudes.
Dominique Doumont , Marie-France Libion et Karine Verstraeten , Unité d’Éducation pour la Santé (RESO) UCL
Contact: Dominique Doumont. Tél.: 02 764 50 76. Courriel: dominique.doumont@uclouvain.be
(1) Doumont D., et al. (2007), Quelques exemples de politiques de santé publique mises en place au sein de l’Europe et de la Province du Québec, Dossier technique 1ère partie, Réf. 07-47, Décembre 2007, 45 pages.
(2) Doumont D., et al. (2008), Quelques exemples de politiques de santé publique mises en place au sein de l’Europe et de la Province du Québec, Dossier technique 2ème partie, Réf. 08-48, Février 2008, 64 pages.
(3) http://www.sante.cfwb.be/fileadmin/sites/dgs/upload/dgs_super_editor/dgs_editor/documents/thematiques/Charte/ottawachart.pdf
(4) http://www.sante.cfwb.be/publications-et-periodiques/promotionsante-prevention/
(5) http://www.who.int/healthpromotion/conferences/6gchp/BCHP_fr.pdf