L’an dernier, la Ministre de la Santé Fadila Lanaan rendait public un rapport d’évaluation des dispositifs de politique de santé en Communauté française (1). Ce rapport, relativement critique, suscita beaucoup de réactions, tant de la part des travailleurs concernés que de la classe politique francophone. Éducation Santé s’en est fait l’écho en son temps.
Fadila Laanan déclarait à l’époque qu’elle s’attelait à une révision en profondeur de ces dispositifs légaux et réglementaires. «Les recommandations vont permettre à la Communauté française de clarifier l’exercice de ses compétences en matière de santé, de renforcer la cohérence, la lisibilité et la transparence des dispositifs, d’améliorer le fonctionnement des opérateurs et enfin de définir un mode de pilotage et de suivi permanent», précisait la Ministre. «Sur le plan de la transparence et de la lisibilité des dispositifs, j’ai l’intention de rassembler les textes en un seul décret, le code de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce code rassemblera non seulement dans un ordre logique les divers textes législatifs traitant de la politique de santé mais surtout, il dégagera des principes communs aux textes existants et indiquera les lignes de force de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Je veillerai également à ce qu’il puisse évoluer en fonction de l’émergence de problématiques nouvelles et à pouvoir y intégrer de nouvelles compétences, le cas échéant, sur base d’un nouvel accord institutionnel.
Par la suite, il sera nécessaire d’y greffer des arrêtés d’application afin de mettre en œuvre les différents programmes de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Sur le plan de l’organisation des structures et de la coordination des politiques contribuant à la santé pour tous, j’analyse actuellement la possibilité de confier à un organisme spécifique, qui serait à créer le cas échant, un rôle de documentation, de sensibilisation, de coordination, de pilotage et d’évaluation des politiques de santé.»
La Ministre espérait pouvoir déposer son avant-projet de décret en janvier 2012 afin que le nouveau texte soit opérationnel à partir de 2013.
Gestation plus longue que prévue
Où en est le nouveau code de la santé à l’automne 2012 ?
À l’heure où nous rédigeons ces lignes (octobre 2012), l’avant-projet n’a pas encore été déposé, il semble donc que l’élaboration du texte ait pris un certain retard par rapport au calendrier souhaité initialement par la ministre.
Parmi les explications de ce retard, on peut imaginer que l’ampleur de la tâche a été quelque peu sous-estimée au départ. Après tout, il s’agit de rendre cohérent l’ensemble des textes légaux ayant trait aux compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles en matière de santé, et cet exercice n’est pas purement formel; le nombre et la virulence parfois des réactions à l’initiative ministérielle ont également poussé la ministre à prendre le temps d’expliquer sa démarche, tant vis-vis des travailleurs du secteur que du monde politique et des médias.
Le Conseil supérieur de promotion de la santé avait recommandé que la ministre dégage des moyens pour une étude de faisabilité des modifications à introduire dans le futur décret. Cela ne s’est pas fait, et il a donc dû pallier vaille que vaille l’absence d’une concertation plus large et d’une telle étude (2).
La ministre a toutefois tenu à associer le Conseil au travail de rédaction du décret via la mise en place d’un Comité de liaison issu de celui-ci et chargé de faire le lien entre son cabinet et l’organe d’avis. Évidemment, ce type de concertation ne se fait pas en un jour ou deux et implique quelques allers-retours entre le ‘politique’ et les ‘professionnels’.
Concrètement, cinq membres du Conseil supérieur de promotion de la santé ont été élus par leurs pairs pour cette tâche de liaison (3), et la consultation a démarré le 19 janvier 2012. Depuis cette date, moyennant le respect d’une exigence ministérielle de stricte confidentialité, le Comité a eu plusieurs occasions d’exprimer des remarques et des critiques, mais aussi de faire des suggestions à plusieurs phases de l’écriture du décret, depuis l’architecture générale du texte jusqu’à un ‘brouillon’ assez élaboré, rédigé juste avant les grandes vacances.
Les mois d’été ont été mis à profit par le Comité de liaison pour structurer remarques et suggestions avec l’appui d’un groupe de travail du Conseil qui a pu fonctionner malgré cette période particulière de l’année et s’est réuni à deux reprises.
Dans un courrier adressé à la ministre avec ses remarques, le Comité de liaison écrivait : «La réunion de l’ensemble de ces textes en un seul code permet aux uns et aux autres de mieux prendre conscience des contraintes de leurs champs de travail respectifs. L’exercice illustre des points de tension qui méritent une attention accrue. Cet important travail législatif ouvre donc une réelle opportunité de rendre plus cohérente l’application des différentes compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles.»
Ainsi, le Comité de liaison est intervenu pour :
– suggérer des concepts, des définitions ou des cadres de référence communs aux enjeux de promotion de la santé et aux compétences de la Communauté française;
– se projeter dans les implications concrètes des textes proposés pour en estimer les limites, les incohérences, les faiblesses et les atouts eu égard aux motivations de ce renouvellement législatif et aux modalités de fonctionnement habituelles des opérateurs;
– recueillir les avis d’opérateurs spécialisés sur des portions de texte les concernant particulièrement;
– traduire dans les textes les recommandations émises par le Conseil dans ses avis à propos de l’évaluation du dispositif actuel et du projet de code de la santé.
On a pu reprocher à Fadila Laanan d’avoir bouclé l’évaluation sans donner au secteur l’opportunité de nuancer le dossier. En ce qui concerne le futur code de la santé, on ne pourra pas lui imputer pour de mauvaises raisons le retard pris par rapport au calendrier qu’elle a fixé elle-même. Une place réelle a en effet été accordée à la consultation dans le processus de rédaction du code de la santé. Cette consultation sur base de l’avant-projet de texte ne s’est d’ailleurs pas limitée au seul Conseil supérieur via son Comité de liaison, elle a visé aussi d’autres acteurs.
Les grandes lignes du futur décret : encore un peu de patience !
Il est prématuré de donner aujourd’hui (4) une description précise d’un texte qui n’a pas encore été finalisé ni d’ailleurs soumis au Conseil supérieur de promotion de la santé et au Conseil d’État et qui n’a pas encore été non plus présenté au Gouvernement et au Parlement.
Quant à l’aboutissement du processus, on peut raisonnablement estimer que le texte sera voté courant 2013, avec entrée en vigueur fin 2013 ou début 2014, soit quelques mois avant le terme de la législature actuelle.
Le secteur de la promotion de la santé, déjà passablement secoué en 2011, devra donc encore vivre plusieurs mois dans l’incertitude.
La maturation du texte du décret est plus longue que prévu au départ, ce qui semble plutôt positif au Comité de liaison. Mais il n’est pas possible d’ignorer les difficultés que cela soulève dans le travail quotidien des acteurs de promotion de la santé.
Comment la transition du dispositif actuel vers le ‘nouveau paysage’ se dessinera-t-elle ? Quid du programme ‘quinquennal’, prolongé plusieurs fois depuis 2008 ? Qu’en est-il aussi (surtout) de la continuité des financements durant cette période qui se prolonge ?
Les travailleurs de plusieurs services vivent dans l’inconfort de préavis et craignent de se retrouver sans emploi pendant de longs mois si ceux-ci viennent à échéance avant la mise en application du nouveau décret. En outre, les gestionnaires de services sont contraints de planifier les activités et l’organisation de leurs équipes sur le court terme. Bref, tout le monde souhaite y voir clair !
Dans ce contexte, aux dernières nouvelles Fadila Laanan a l’intention de jouer encore les prolongations, avec une période transitoire qui irait jusqu’en 2015 (sous réserve du vote indispensable d’une petite modification décrétale). De quoi rassurer quelque peu les équipes agréées et espérons-le aussi les porteurs de projets subventionnés…
(1) Voir l’article de Colette Barbier ‘Évaluation des dispositifs de santé en Communauté française: constats et recommandations’, Éducation Santé n° 269, juillet 2011, p. 13 à 15.
(2) Pour en savoir plus sur les réflexions du Conseil supérieur de promotion de la santé:
Évaluation des dispositifs de la politique de santé en Fédération Wallonie-Bruxelles, Chantal Leva, Éducation Santé n° 274, janvier 2012 (avis du 19/8/2011).
Réforme du dispositif des politiques de santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles , Chantal Leva, Éducation Santé n° 279, juin 2012 (avis du 17/2/2012).
(3) Il s’agit (dans l’ordre alphabétique) de Christian De Bock, Fabienne Henry, Vladimir Martens, Bernadette Taeymans et Chantal Vandoorne.
(4) Ce texte est rédigé le 10/10/2012.