Le premier volet de cette enquête étudie un sentiment subjectif, celui de la perception qu’ont les jeunes de leur santé. Une question qui se prolonge par des comportements, comme la consommation de médicaments, mais aussi par d’autres sentiments intimement liés, comme celui de bonheur. Philippe Beague, président de la Fondation Dolto, a été particulièrement interpellé par les résultats.
L’enquête indique que 7 % des jeunes de 13, 15 ou 17 ans ne se sentent pas en très bonne santé. « La santé , les maux de tête , le stress , l’impression de bonheur sont à rapprocher de la confiance que les jeunes ont en eux . Lorsqu’ils sont sûrs d’eux , ils ont plus de plaisir de vivre et les maux physiques les atteignent moins », explique Philippe Beague.
En épluchant ces résultats, on constate que les filles sont plus nombreuses à ne pas se sentir en bonne santé. Philippe Beague y voit deux explications: « Comme ce sentiment relève plus de la confiance en soi , je pense que les filles l’ont davantage parce qu’elles éprouvent davantage de difficultés à trouver leur place dans une société machiste . Une autre explication peut aussi être trouvée dans la pudeur des garçons à affirmer leur mal – être : un homme ne doit pas avoir mal , doit être solide , sinon c’est une mauviette … Certains d’entre eux ont donc un peu faussé les résultats …»
Philippe Beague considère aussi que les filles ont moins de difficultés à affirmer ce mal-être, simplement par les grands changements hormonaux qu’elles vivent à la puberté, éventuellement accompagnés de douleurs au ventre au moment des règles, à la tête, etc.
Un regard à changer
Un autre élément qui émerge des chiffres est le plus grand nombre d’adolescents de l’enseignement professionnel ou technique qui se disent en moins bonne santé: « Le regard de la société sur ce type d’études est encore très négatif , ce qui peut expliquer la moindre confiance en eux que ces élèves ont . C’est dramatique , car cela voudrait dire que parce qu’on ne fait pas des études plus ‘ intellectuelles’ , on vaudrait moins … Ces jeunes perdent une grande partie de leur capital confiance par le regard négatif non seulement de la société , mais aussi de certains parents .»
Convaincu que les plaintes physiques sont liées à un mal-être psychologique, Philippe Beague explique le nombre de plaintes subjectives, comme les maux de tête, de ventre, de dos, les problèmes à s’endormir, l’insomnie… par ce mal-être. Et comme pour confirmer cette explication, l’étude pointe clairement du doigt un sentiment de déprime croissant chez les jeunes.
Elle montre aussi qu’un tiers des jeunes se sentent fatigués tous les matins, les jours d’école, en plus de 15% qui éprouvent cette fatigue 1 à 3 fois par semaine. Une plainte qui est typique d’un sentiment de pré-dépression connu par une partie des adolescents. Après avoir confirmé le mal-être ressenti par ces jeunes, Philippe Beague se fait plus virulent: « Il faudrait voir le rythme de vie qu’ils mènent : trop de parents ne donnent pas au sommeil l’importance qu’il mérite dans la santé de leurs enfants et les laissent regarder la télévision trop tard , ou retardent l’heure du coucher parce qu’ils n’ont pas eu beaucoup de temps avec eux .»
Autre originalité de cette enquête, on a demandé aux jeunes s’ils se sentaient heureux. 81% affirment l’être, avec des résultats qui s’améliorent avec les années. On remarque sans surprise que ce sont ceux qui se disent en bonne santé qui se disent aussi généralement heureux. Ce sont les filles, les jeunes un peu plus âgés et les élèves de l’enseignement technique et professionnel qui se sentent le moins heureux. On devine que le lien avec la confiance en soi peut donc à nouveau être fait. Les chiffres de l’enquête le montrent : seulement deux tiers affirment avoir cette confiance, une proportion qui tend à diminuer.
Solution chimique au mal de vivre
Vu les plaintes somatiques exprimées par les jeunes, on ne s’étonnera pas que les médicaments qu’ils prennent sont liés à ces maux, en plus des produits pour maigrir. La moitié des jeunes interrogés ont pris, dans le mois qui précédait l’enquête, un médicament contre les maux de tête, un sur trois un médicament contre les maux de ventre. Les traitements contre l’insomnie, la fatigue, la nervosité viennent plus loin, mais concernent tout de même près d’un jeune sur dix pour chaque mal. A égalité avec les médicaments pour maigrir! « Ces jeunes sont dans la culture de consommation de médicaments . Selon moi , ils imitent les parents et ont recours au médicament magique et cache – misère . On l’a vu , ces plaintes relèvent pour majorité du somatique . Il faudrait d’abord revoir leur style de vie , remettre certaines choses en question pour résoudre les problèmes à la base .»
Philippe Beague plaide pour une prévention dès le plus jeune âge: « Chaque humain a un besoin fondamental de bonne estime de soi . Il faut cesser de comparer les gens , de se comparer aux autres , de mettre des étiquettes sur ceux qui sortiraient d’une ‘ norme’ . Chaque être est unique , chacun a sa valeur .»
Il faudrait changer le regard de la société pour donner à chacun son capital confiance, vital pour la santé mentale… et physique!
Carine Maillard