Août 2006 Par la MC Maryse VAN AUDENHAEGE Données

Un état des lieux en Wallonie et à Bruxelles

La vie affective et sexuelle des adolescentes est décidément à l’avant plan ces derniers temps : la Ministre Catherine Fonck a présenté en mai dernier une étude sur ce thème .
En Belgique, il n’y a pas de relevé synthétique des données sur la vie affective et sexuelle des jeunes femmes, et sur les domaines connexes: fécondité, contraception, grossesses et interruptions de celles-ci, infections sexuellement transmissibles, violences liées au genre. Tout se fait en ordre dispersé, rarement pour le même groupe de la population ou pour une même catégorie d’âge.
Il est donc bien difficile pour les acteurs de la prévention et de la promotion de la santé d’avoir une vue d’ensemble de la problématique.
Des chercheurs de différents horizons (1) se sont pourtant attelés à la tâche: ils ont réalisé une synthèse des informations existantes en se concentrant sur les adolescentes âgées de 10 à 17 ans. Il s’agit soit de données déjà publiées, soit de données non publiées mais rapidement exploitables issues de bases de données gérées par l’Institut de démographie de l’UCL, l’Ecole de santé publique de l’ULB, l’Agence intermutualiste, l’Office de la naissance et de l’enfance et l’Institut scientifique de la santé publique.
Les données présentées peuvent être rarement comparées directement entre elles, en raison des différences de variables étudiées ou de la méthodologie utilisée (définition de la situation à étudier, tranche d’âge, lieu de résidence, année d’étude, qualité de l’échantillon). Néanmoins, les chercheurs ont pu observer une certaine cohérence entre la plupart des informations, ce qui a permis des mises en perspectives, la définition de tendances et de conclusions générales fiables, menant à des recommandations pour le politique.

Quelques éléments de synthèse

L’âge moyen lors du premier rapport sexuel se situe vers 17 ans . Les adolescentes d’aujourd’hui ne sont pas plus nombreuses à avoir eu une relation sexuelle que celles d’il y a une quinzaine d’années. Par contre, un plus grand nombre parmi celles sexuellement actives déclare avoir eu une première relation avant l’âge de 14 ans. Ces adolescentes se retrouvent plus fréquemment dans l’enseignement professionnel et dans la population issue de pays d’Afrique subsaharienne.
Les adolescentes sexuellement actives ne recourent pas suffisamment à une contraception efficace . Environ 12 à 15 % des jeunes femmes n’utilisent aucune méthode. L’utilisation du préservatif comme méthode est largement plus fréquente parmi les très jeunes femmes que parmi les plus âgées, ce qui pourrait expliquer une partie des échecs de contraception conduisant à une demande d’interruption de grossesse.
Les adolescentes font peu d’enfants , et le taux de fécondité est en diminution significative depuis la fin des années ’60, tout comme dans les autres tranches d’âge. Cette diminution est parallèle à la diffusion de la contraception moderne et à l’allongement de l’obligation scolaire.
La grossesse des adolescentes est la plupart du temps liée à une situation de précarité sociale . Les adolescentes enceintes sont plus nombreuses en Hainaut et en Région bruxelloise; elles bénéficient d’un moins bon suivi de grossesse.
Elles mettent davantage au monde des nouveau-nés plus fragiles, prématurés ou de petit poids. Elles pratiquent peu l’allaitement.
Les adolescentes socio-économiquement défavorisées utilisent moins souvent les services de santé .
Les enregistrements d’interruption volontaire de grossesse sont en hausse (2). Le recours à des soins pour interruption de grossesse est plus marqué parmi les jeunes femmes à faible revenu économique.
Les nouveaux diagnostics d’infections au VIH parmi les jeunes femmes de 15 à 24 ans sont en augmentation. Elles concernent principalement les personnes originaires de pays situés au Sud du Sahara; les contacts sexuels sont également attribués à un partenaire originaire de ces pays.
Il n’est pas possible de se faire une opinion sur les violences sexuelles subies par les jeunes filles. L’étude montre cependant qu’une minorité de très jeunes filles ont des relations sexuelles à un âge où celles-ci sont légalement considérées comme un viol, c’est-à-dire à moins de 14 ans.
Les auteurs insistent sur le manque d’informations structurées et facilement exploitables pour pouvoir élaborer une réelle politique de santé publique. Cette carence est particulièrement marquée en ce qui concerne l’utilisation des services de santé et les violences subies par les jeunes femmes.

Des recommandations

Elles portent sur trois dimensions.
Améliorer notre connaissance de la situation : en soutenant la collection d’informations et leur diffusion; en soutenant la recherche; en renforçant les collaborations entre les chercheurs et les acteurs de terrain; en identifiant précocement les populations et les situations à risque.
Intensifier les actions de prévention : en développant l’éducation à la vie affective et sexuelle particulièrement dans l’enseignement professionnel; en diffusant auprès des jeunes et des travailleurs médico-sociaux l’information sur la prévention et la promotion de la santé de la reproduction, et aussi sur les structures médicales, sociales et associatives disponibles; en améliorant l’accessibilité aux services de santé; en tenant compte des deux priorités géographiques que sont la province du Hainaut et la région de Bruxelles-Capitale.
Prévoir le processus d’évaluation dès la mise en place des actions de prévention.
Maryse Van Audenhaege
BEGHIN D., CUEPPENS C., LUCET C., et al. Adolescentes: sexualité et santé de la reproduction. Etat des lieux en Wallonie et à Bruxelles, Bruxelles, février 2006, 64 pages.
L’étude est disponible en ligne sur les sites des différents partenaires :
* ULB PROMES : http://www.ulb.ac.be/esp/promes
* Fédération laïque de centres de planning familial : http://www.planningfamilial.net
* Agence intermutualiste : http://www.cin-ima.be
* ONE : http://www.one.be
* Institut de démographie de l’UCL : http://www.demo.ucl.ac.be
* Institut scientifique de santé publique : http://www.iph.fgov.be/epidemio/aids .
Pour tout renseignement , contactez Claudine Cueppens , responsable du Centre de documentation de la Fédération laïque des centres de planning familiaux , 02 502 68 00 ccueppens@planningfamilial.net

(1) Douchan Beghin (ULB-PROMES), Claudine Cueppens (Fédération laïque de centres de planning familial), Catherine Lucet (Agence intermutualiste), Samual Ndamè (ONE), Godelieve Masuy-Stroobant (Institut de démographie de l’UCL), André Sasse (Institut scientifique de santé publique), Danielle Piette (ULB-PROMES).
(2) D’après les auteurs, cela ne signifie par forcément qu’il y a plus d’IVG mais, comme pour le relevé général des IVG en Belgique, que les enregistrements sont plus systématiques et plus fiables.

Les projets de la Ministre

En présentant cet état des lieux, la Ministre de l’Enfance, de l’Aide à la Jeunesse et de la Santé en Communauté française Catherine Fonck a rappelé les actions déjà menées en Communauté française ainsi que ses projets d’action.
Des projets pilotes ont été mis sur pied par les centres de planning familial durant l’année scolaire 2004-2005. L’évaluation de ces projets porte tant sur les possibilités d’implantation que sur leur pertinence auprès des élèves, le personnel éducatif, les centres de planning, les PSE et les PMS.
L’éducation à la vie sexuelle et affective est une priorité définie dans le décret sur les PSE. Ces équipes pourront l’intégrer dans leur projet de service aux établissements scolaires, qui seront en application pour l’année scolaire 2006-2007.
La Ministre a rappelé très clairement sa volonté de généraliser à tous les niveaux scolaires des animations à la vie sexuelle et affective: pour cela il faudra prévoir une définition légale, une formation spécifique et un cadre de référence des objectifs à atteindre pour tous les animateurs.
MVA