Pour la première fois, l’Organisation mondiale de la santé consacrait le 7 avril de l’année dernière sa journée internationale de la santé à la sécurité routière. Un thème qui touche tout particulièrement la Belgique qui figure encore en tête des pays européens les plus touchés par les accidents routiers. Et les jeunes sont particulièrement concernés, comme le confirme l’enquête de l’IBSR qui a axé une campagne de prévention vers les jeunes qui conduisent des scooters, sans oublier bien sûr ses campagnes récurrentes vers les conducteurs du samedi soir.
L’enquête de l’OMS sur la santé et le bien-être des jeunes d’âge scolaire a réservé une place particulière aux accidents, violences et traumatismes. Ceci regroupe à la fois les accidents de la route, les actes de violences physiques volontaires ou les tentatives de suicide. Nous examinerons tout particulièrement, à la lumière d’autres données récoltées par l’IBSR (Institut belge de sécurité routière), le volet des accidents de la route. On s’aperçoit que les accidents de vélo, de scooter, mobylette ou moto, de voiture représentent une part non négligeable de l’ensemble des accidents dont les jeunes sont victimes, même s’ils sont nettement moins nombreux que les accidents de sport: ainsi, respectivement 7% de filles et 12% des garçons ayant eu une blessure pratiquaient le vélo, 3% des filles et 8% des garçons roulaient en scooter/mobylette/moto, 3 et 2 % roulaient en voiture. Rappelons à ce propos que cette enquête a interrogé une majorité de jeunes de moins de 18 ans, âge du permis de conduire.
Dans l’introduction de ce chapitre, les auteurs précisent que ces chiffres sont certainement sous-estimés, puisque les victimes qui ont subi un handicap lourd suite à l’accident ne se retrouvent plus dans l’enseignement ordinaire où était sélectionné le panel de jeunes ayant répondu à l’enquête, et que les jeunes décédés ne sont plus là pour en parler… Par ailleurs on notera que le lieu de l’accident est la rue (ou un parking) pour 11% des filles et 17% des garçons, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’accidents de circulation. Peut-être un phénomène aussi important que les accidents de la route mériteraient d’être mieux distingué des autres causes de «blessures» dans la prochaine enquête…
Attention aux deux-roues!
Anne-Valérie De Barba , de la Cellule éducation routière de l’IBSR, dresse quant à elle le bilan suivant: « En 2002 , on a noté une diminution du nombre d’accidents mortels sur les routes de 11 % par rapport à 2001 . C’est un premier résultat des Etats généraux de sécurité routière dont l’objectif est de les faire diminuer de moitié d’ici 2010 . Néanmoins , les accidents de la route constituent la première cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 25 ans , avec 327 morts . Sur 10 passagers décédés ou blessés gravement , 4 ont entre 15 et 29 ans .»
Mais une autre catégorie d’usagers de la route retient l’attention des spécialistes: les 15-18 ans. « Puisqu’ils sont trop jeunes pour conduire une voiture , ils sont moins étudiés . Notre principale source d’inquiétude réside dans les deux – roues motorisées : en 2000 , 8000 d’entre eux ont eu un accident , un chiffre en constante évolution depuis 1995 . 48 % des accidentés sur cyclomoteurs ont entre 16 et 20 ans . Le nombre de tués qui circulaient sur un deux – roues a augmenté de 8 % entre 2001 et 2002 en passant de 61 à 68 décès , de nouveaux surtout des jeunes de 16 à 20 ans . Ces motocyclistes et cyclomotoristes sont délaissés des statistiques , ce qui complique la mise en place de stratégies d’éducation et de prévention .»
Et au vu de l’enquête menée par l’IBSR et la Mutualité socialiste en mai/juin 2004, le travail ne manque pas. Portant sur des jeunes de 15 à 25 ans, cette étude montre que la gravité des chiffres des morts sur la route est largement sous-estimée par la plupart d’entre eux: près d’1 jeune sur 2 ne sait pas que les accidents de la route constituent la première cause de mortalité de sa classe d’âge… « En voiture , 15 % de ces jeunes ne mettent jamais ou presque la ceinture de sécurité à l’avant , et ils sont près d’1 sur 2 pour le port de la ceinture à l’arrière . Ce sont surtout les plus jeunes ( les 15 – 17 ans ) et les garçons qui sont les plus négligents . Ces chiffres montrent par ailleurs que l’exemple des parents est essentiel , les chiffres étant comparables chez les jeunes et chez les adultes parents .»
Inconsciente jeunesse?
Cette enquête fait aussi apparaître que bon nombre de jeunes se retrouvent en voiture lorsque le conducteur a consommé de l’alcool: près de 17% affirment être régulièrement dans la situation, essentiellement des garçons. Pire, lorsqu’ils doivent monter en voiture dans ces circonstances, deux tiers d’entre eux considèrent que le conducteur est en état de conduire, et près de 1 sur 10 est tout de même monté en voiture alors qu’il estimait que le conducteur n’était pas en état de conduire… Certains ont proposé de conduire (16%), sans que l’on sache si le conducteur s’est laissé convaincre… Mais aucun garçon et très peu de filles ont refusé de monter en voiture.
Dans le volet consacré au cyclomoteur, véritable pierre noire dans la sécurité routière en Belgique, un quart des répondants sont des conducteurs occasionnels et 7% des conducteurs réguliers. Seulement la moitié d’entre eux portent toujours un casque, et près d’un tiers jamais ou presque jamais.
« Les conducteurs réguliers portent plus souvent le casque : seulement 8 % d’entre eux ne le portent jamais , contre 31 % des conducteurs occasionnels . En effet , dans 44 % des cas , les jeunes qui ne portent pas de casque ne le font pas parce qu’ils n’en ont tout simplement pas ! 14 % parce qu’ils effectuent un trajet court , 10 % pour des raisons esthétiques , 8 % parce qu’ils ont trop chaud et 2 % parce qu’ils n’en ont pas envie . Ces chiffres en disent long sur le manque de conscience du danger . D’autant que le port du casque est obligatoire depuis deux ans , que ce soit pour les cyclomoteurs de catégorie A ou B , tant pour le conducteur que pour le passager .»
Le travail d’éducation et de sensibilisation se met en place pour faire chuter des chiffres trop élevés. « Nous voulons insister sur le rôle du passager pour influencer positivement la conduite , que ce soit en voiture ou sur un deux – roues . Si la présence d’un passager fait réduire la vitesse du conducteur adulte , volontairement ou non , ce n’est pas toujours le cas chez les jeunes . Certains jeunes passagers vont même jusqu’à inciter le conducteur à prendre plus de risques , une influence négative qui augmente en fonction du nombre de passagers ! Le travail est donc à réaliser sur tous les usagers , qu’ils soient conducteurs ou passagers .
De même , nous n’accentuons plus les campagnes de sensibilisation sur le risque d’accident mortel , qui peut être une tentation pour les jeunes à la recherche de sensations , la mort étant attirante ; nous axons davantage notre message sur le risque de handicap permanent . Enfin , nous voulons augmenter les formations à la conduite de cyclomoteurs , puisque une minorité des usagers ont suivi une formation adéquate » conclut Anne-Valérie De Barba.
Carine Maillard
Référence: D. Piette, F. Parent, Y. Coppieters, D. Favresse, C. Bazelmans, L. Kohn, P. de Smet, La santé et le bien-être des jeunes d’âge scolaire. Quoi de neuf depuis 1994?, ULB PROMES, décembre 2003. Le document est accessible sur le site http://www.ulb.ac.be/esp/promes .
De nombreuses informations sur le sujet sont consultables sur le site http://www.ibsr.be .