Mai 2001 Stratégies

Le Parlement de la Communauté française a adopté le 20 février dernier un important décret proposé par les ministres Maréchal (Aide à la jeunesse et santé) et Demotte (Budget, culture et sport), dont nous reproduisons ici le texte, comme promis dans notre numéro d’avril.
Pour éclairer les enjeux de cette disposition légale, il nous a semblé intéressant de vous présenter l’exposé des motifs. La philosophie sous-tendant le décret y est exprimée avec une grande clarté (les sous-titres sont de la rédaction).

Exposé des motifs (extraits)

Vive le sport?

Le sport et la santé nourrissent depuis toujours des relations ambiguës; s’il est généralement admis que la pratique du sport et d’une façon générale de l’exercice physique a une fonction préventive vis-à-vis de certaines affections (obésité, maladies cardio-vasculaires et rhumatologiques…) et que la sédentarité représente au contraire un facteur de risque, la pratique du sport est aussi la cause d’un nombre d’incidents et d’accidents qui ont un impact important non seulement sur plan physique mais aussi sur la vie sociale et professionnelle des individus.
Le sport peut être promoteur de santé, dès lors qu’il est associé à une hygiène et une qualité de la vie, y compris dans ses dimensions sociales et mentales; les notions de solidarité, de sociabilité, d’esprit d’équipe, le renforcement de l’image de soi ou le fait de se sentir bien dans sa peau soutiennent et complètent alors l’action bénéfique de l’exercice physique. L’activité sportive devient alors un facteur d’intégration sociale et une source d’apprentissage de l’autonomie.

Une culture de la performance

Mais la définition même de la pratique sportive et de son environnement intègre la dimension de la performance, du dépassement, de la compétition; une quête indéfinie et sans limite du progrès, qui confronte davantage avec le risque et pousse à un entraînement susceptible d’exploiter la santé et parfois la miner.
Le dopage est au cœur de ce débat. Dans la logique de ce qui précède, on comprend la séduction pour tous les moyens qui permettent d’augmenter artificiellement les performances et les capacités des individus, quel que soit le niveau de compétition, voire de non-compétition . La culture de l’adjuvant, du supplément qui permet de dépasser ses propres capacités est entrée dans les mœurs, largement entretenue par l’environnement marchand du secteur du sport.
Ceci n’est pas propre au sport et tient tout à la fois à une culture ancestrale du recours aux moyens artificiels de dépassement de ses capacités et à une culture de la performance, de la rivalité, de la compétition, qui traverse tous les secteurs de la vie sociale.

Un message éthique

Les raisons qui amènent le pouvoir politique à se préoccuper de la question du dopage dans le sport sont sans doute davantage de l’ordre de la morale collective que de la morale personnelle.
Il s’agit de protéger la santé des effets secondaires à court mais aussi à long terme de la consommation de produits dopants; le coût indirect, en terme de santé publique, est important, même si cet impact est relativement faible sur le coût général des soins de santé; le coût de réinsertion aussi.
Il s’agit d’adresser un message éthique et culturel en terme de comportement social vis-à-vis du développement et du progrès dans nos sociétés.
Il s’agit de briser le développement des circuits mafieux qui s’organisent autour de ces pratiques et qui représentent la perversion d’un mouvement déjà en place de commercialisation de la santé et du sport. Cette préoccupation requiert l’intervention de nombreux secteurs de la vie sociale et une synergie nationale et internationale.
Particulièrement par rapport au développement du dopage, il y a lieu d’harmoniser le dispositif législatif et les modalités d’intervention de la Communauté française avec les autres Communautés et l’Etat fédéral ainsi qu’avec les dispositions européennes en la matière.

Cohérence nationale et internationale

Une cohérence particulière a été recherchée avec la législation et les pratiques de contrôle en vigueur en Communauté flamande.
Parallèlement, des collaborations doivent être établies avec les fédérations nationales, internationales et le mouvement olympique.
Cette inscription de la politique de la Communauté française dans une cohérence nationale et internationale est traduite dans le décret par une large prise en compte des dispositions prises par les Etats membres de l’Union européenne, et les recommandations du Conseil de l’Europe et des instances olympiques. Les stratégies tout à la fois éducatives et de contrôle proposées par la déclaration de Lausanne du 4 février 1999 ont servi de référence.

Ne pas oublier la prévention…

La Communauté française est interpellée par ses compétences en matière de santé et en matière de sport; elle se doit de répondre à cette question, non seulement en terme de contrôle et de répression vis-à-vis du dopage, mais aussi en termes éthiques et culturels, en terme de prévention des risques et en terme d’éducation citoyenne à propos d’une question de société.
Dans le cadre de ses compétences en médecine préventive et en promotion de la santé, la Communauté française doit être en mesure de développer une approche globale et des stratégies diversifiées de promotion de la santé dont l’objectif est la qualité de la vie de la population.
L’économie du présent décret élargit le champ et complète la nature des interventions par rapport aux projets précédents: il l’élargit vers des milieux pratiquant l’exercice physique et le sport de façon non encadrée; il insiste sur la démarche d’éducation et de prévention auprès des sportifs mais aussi auprès des accompagnateurs, auprès des jeunes, auprès des écoles et des parents, auprès des personnes plus âgées.
Il met en avant la nécessité d’un suivi médical qui soit à la fois une certification de l’aptitude à la pratique du sport et donc une prévention des risques, mais aussi l’opportunité de recommandations adaptées de comportements et modes de vie qui favorisent la pratique du sport dans le respect des impératifs de santé.
Les médecins généralistes et les médecins du sport seront les relais sollicités de cette démarche qui vise à protéger l’athlète des exigences parfois abusives de performances, en l’associant complètement à la prise en compte de son état de santé.
Les fédérations sportives sont responsabilisées; il leur revient d’élaborer et de mettre en oeuvre un règlement médical qui précise le contenu et la périodicité de l’examen médical, mais aussi des dispositions qui visent à organiser la pratique de leur discipline dans des impératifs de santé. Des mesures sont prises pour une action équivalente auprès des sportifs non encadrés.
L’ensemble de ces dispositions doit contribuer à la responsabilisation des acteurs. Un carnet de bord viendra supporter ce suivi médical et personnalisera les recommandations de prévention.

…tout en combattant le dopage

Enfin, des dispositions de contrôle sont développées qui concernent la prévention et la lutte contre le dopage dans le sport.
La définition du dopage retenue est volontairement large pour permettre d’anticiper sur l’avènement de nouvelles substances ou de nouveaux procédés susceptibles d’améliorer les performances et de prendre en compte un maximum de situations délictueuses. Par souci d’uniformité, elle est aussi inspirée de la définition retenue pour la Déclaration de Lausanne du 4 février 1999 sur le dopage dans le sport.
La Communauté française organisera le contrôle par prélèvements et analyses; l’agrément des laboratoires sera conforme aux exigences du Comité international olympique et un personnel spécialisé sera affecté à cette tache. Les contrôles pourront s’exercer lors des manifestations sportives mais aussi dans leur suite ou à l’occasion des entraînements.
Une Commission francophone de la promotion de la santé dans la pratique du sport est créée pour apporter au Gouvernement l’aide d’un organe de conseil compétent; elle est chargée de donner avis sur toutes mesures d’exécution et de suivi de ce décret; elle a aussi un rôle d’évaluation des mesures qui résulteront de son application. Sa composition obéit au souci de rassembler une expertise d’acteurs et une expertise de scientifiques dans le domaine de la promotion de la santé, de la médecine sportive et du dopage .
Le présent projet est articulé avec le décret du 14 juillet 1997 portant organisation de la promotion de la santé et avec le décret du 26 avril 1999 organisant le sport en Communauté française.
Au moment où nous préparons ce numéro d’Education Santé, le décret n’est pas encore paru au Moniteur belge. Il est possible qu’il subsiste l’une ou l’autre différence entre le texte officiel et celui que nous publions aujourd’hui.
Merci à Olivier Kinnen pour son aide.