A l’initiative de la Ministre Catherine Fonck, la Communauté française a décidé de lancer depuis le mois de novembre 2006 un programme de dépistage néonatal de la surdité dans les maternités.
Majoritairement, les spécialistes mettent en exergue la nécessité d’un tel dépistage. Différents pays le pratiquent, certains depuis de longues années, comme les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni. C’est le cas de la Flandre aussi. Et les résultats sont probants.
Dans les pays qui ne pratiquent pas ce type de programme, la prise en charge d’un enfant sourd profond ne commence dès lors pas avant l’âge d’un an, voire de 18 mois. Il est extrêmement difficile, voire impossible pour les parents de détecter la surdité de leur bébé. En effet, le nouveau-né développe d’autres aptitudes sensorielles qui viennent pallier un temps l’absence d’audition.
Données épidémiologiques
L’importance d’un tel programme n’est plus à démontrer, si l’on regarde les données épidémiologiques suivantes:
-environ 1,4‰ des naissances ont un taux de surdité bilatérale persistante > 40 dBs;
-le taux de surdité bilatérale dans la population à risque de surdité est de 1 à 2 %. Mais si on ne teste que les enfants à risque, seuls 50% des enfants sourds sont diagnostiqués!
-l’âge moyen du diagnostic de surdité dans les pays civilisés qui ne pratiquent pas le dépistage systématique est d’un peu plus de 2 ans. Conséquence, la prise en charge est beaucoup trop tardive.
La Ministre de la Santé a invité toutes les maternités de la Communauté française à signer une convention (sur base volontaire) afin d’adhérer au programme de dépistage. Cet appel n’est pas resté sans réponse, puisque plus de 50% des maternités de la Communauté française ont répondu positivement.
Travail préparatoire
Ce programme, qui a nécessité de longs mois de préparation, s’appuie sur l’expertise d’un groupe de travail constitué de médecins ORL, de pédiatres de l’O.N.E., ainsi que de professionnels concernés issus des institutions suivantes: l’O.N.E., l’UCL, l’ULB, l’ULg, l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes et la Maternité Notre-Dame de Tournai. Il s’est attelé à rédiger un protocole d’organisation, afin de décrire le déroulement du test, et de donner aux maternités qui ont signé la convention, les réponses adéquates aux problèmes d’organisation qui pourraient surgir au quotidien.
Organisation du dépistage
La pratique du test
Le test lui-même est pratiqué pendant le séjour en maternité, au 3e ou au 4e jour de naissance. Un premier test de dépistage est effectué sur le nouveau-né. La technique choisie est celle des otoémissions acoustiques provoquées.
Les appareils d’otoémissions permettent la mesure objective de la cochlée, l’organe d’audition qui se situe au sein de l’oreille interne. Cette technique a l’avantage de la simplicité, de la fiabilité, de l’objectivité et de la rapidité d’exécution.
L’examen ne demande aucune préparation particulière et n’est absolument pas douloureux pour l’enfant. En quelques minutes, l’appareil affiche une réponse.
La collaboration avec les maternités
Les clés du succès d’un tel programme reposent essentiellement sur le mode d’organisation réfléchi et concerté au sein des hôpitaux et cliniques, sur l’efficacité du travail entre les ORL et les pédiatres, mais aussi sur l’investissement du personnel soignant de la maternité. A cet effet, une convention a été proposée aux maternités en vue de préciser le cadre de ce programme tant en termes de relations entre les intervenants, qu’en terme de subventionnement octroyé par la Communauté française.
Ce programme ne se résume pas à la réalisation d’un test. En effet, il a fallu déterminer les modalités pratiques du test, mais aussi le mode de prise en charge au sein des maternités. Par exemple, il a fallu déterminer l’attribution des responsabilités pour l’application du test, la décision de re-tester, la décision de référer à l’ORL de l’hôpital (si le test n’est pas réalisé par l’ORL en personne).
Il a fallu réfléchir aussi sur les modalités de récupération des enfants non testés pendant le séjour en maternité (enfants absents, enfants qui pleurent, problèmes techniques, autres incompatibilités…) et après la sortie. Dans ce cadre, les travailleurs médico-sociaux et les médecins de l’O.N.E. sensibiliseront les familles à l’intérêt du test.
Récolte de données
Par ailleurs, un système de récolte de données a été créé. Afin de connaître avec précision l’impact graduel de ce nouveau programme, les 3 centres de dépistage néonatal que compte la Communauté française seront chargés de recueillir les données, de les centraliser, et de donner régulièrement aux maternités la liste des enfants qui auraient échappé soit au test de dépistage, soit au rappel. Toutes ces données seront traitées afin d’évaluer l’impact et la couverture du programme.
Coordination du programme
Afin de coordonner un tel programme, un centre de référence a été mis en place auprès de l’Ecole de Santé Publique de l’ULB. En effet, ce programme s’appuie sur une multitude d’acteurs et une relation fluide entre tous les intervenants s’avère primordiale.
Un Comité d’accompagnement a aussi été créé, qui sera chargé de conseiller et informer le Gouvernement sur le programme de dépistage néonatal de la surdité, d’évaluer sa mise en œuvre, d’analyser le rapport d’activité transmis par la coordination du programme, d’adapter le protocole si nécessaire et d’assurer le suivi du programme.
Outils supplémentaires
Un manuel de formation a également été conçu. Plusieurs séances de formation ont déjà été et seront encore organisées afin de permettre aux médecins et aux personnes qui effectueront le test de se familiariser avec les différentes étapes du programme.
Afin de renforcer l’information sur ce programme, trois supports ont été créés: un dépliant, une affiche et un site Internet ( http://www.depistagesurdite.be ). Par ailleurs, une campagne télévisée et radiophonique sera lancée dès le mois de mars 2007.
Investissement de la Communauté française
Des moyens financiers sont été dégagés pour assurer le pilotage du programme (60.000 €), la récolte de données (1 € par enfant testé), ainsi que pour l’octroi d’une intervention financière par enfant testé (5 € par enfant testé). Les maternités ne pourront demander aux parents une somme supérieure à 10 € pour effectuer ce test (1). Cela permettra à chacun d’effectuer ce test pour une somme abordable, ce qui n’est pas toujours le cas à l’heure actuelle.
Dépistage précoce, intervention précoce
Il est évident que, pour l’intérêt des familles, une véritable collaboration doit s’instaurer entre les maternités et les centres auxquels elles adressent les enfants dépistés. Un aspect particulièrement important est de garantir à tout enfant référé par la maternité un accès rapide au centre de réadaptation dans des délais stricts.
Il est important de rappeler que les deux premières années de la vie de l’enfant sont essentielles pour l’apprentissage de la langue. Les conséquences de la surdité sur l’accès au langage, l’épanouissement personnel, les apprentissages scolaires et l’insertion sociale et professionnelle sont très lourdes. Seule une prise en charge très précoce et adaptée peut permettre à l’enfant sourd d’accéder à un bon usage du langage oral et écrit, voire un apprentissage de la langue des signes, pour lui offrir un développement cognitif optimal.
D’après un communiqué de la Ministre Catherine Fonck
(1) Notons à ce propos que les Mutualités chrétiennes prennent ces frais automatiquement en charge dans le cadre de leur assurance Hospi Solidaire.