Une campagne de sensibilisation sur l’homosexualité à l’attention des jeunes de 16 à 22 ans
Le constat
Un Sur Dix asbl, développe une campagne de sensibilisation à l’homosexualité à l’attention des jeunes de 16 à 22 ans en Communauté française.
L’idée de ce projet est née d’un double constat fait par Un Sur Dix asbl, suite aux conclusions du Forum J, opération organisée par la Communauté française réunissant des jeunes et des associations impliquées dans le domaine de la jeunesse.
Premier constat: une volonté générale de mieux comprendre et de lutter contre l’exclusion dans laquelle se trouvent beaucoup de jeunes homosexuel(le)s, bisexuel(le)s en Communauté française. Cette volonté s’est concrétisée dans l’article n° 11 de la Charte Jeunes: ‘‘Le respect de l’homosexualité et la reconnaissance à part entière du couple homosexuel et le respect de toutes les différences de quelque nature qu’elles soient.’’;
Deuxième constat: une grande partie des jeunes homosexuel(le)s et ceux qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle en Communauté française, continuent à rencontrer beaucoup de difficultés à vivre de manière épanouie: exclusion, solitude, dépression, tentatives de suicide, etc. Ces difficultés sont, dans la majorité des cas, la conséquence de ne pas pouvoir en parler à l’entourage proche (amis, famille).
Cette campagne a pour but d’encourager le dialogue et la réflexion sur l’homosexualité. Elle a la particularité de s’adresser à l’ensemble des jeunes (entre 16 et 22 ans) en Communauté française indépendamment de leur orientation sexuelle. D’autres campagnes sur l’homosexualité ont été réalisées à l’attention des jeunes homosexuels, mais ces campagnes véhiculent des messages qui excluent les jeunes qui ne le sont pas. Il nous semble important de réaliser une campagne s’adressant à tous les jeunes.
Le programme
L’homosexualité est encore un problème difficile pour beaucoup de gays et lesbiennes. Les comportements sociaux, le manque de dialogue, les traditions, etc. créent un environnement social suffocant pour beaucoup d’entre eux. Savin Williams (1994) a montré que les jeunes homosexuels sont souvent la cible d’abus verbaux et physiques. Pour les jeunes homosexuels ces expériences sont fréquentes (Herek et al. 1997).
La santé mentale des jeunes homosexuels
Les jeunes homosexuels sont très vulnérables (Berthelot, 1996; D’Augelli, 1993). En tant que jeunes, ils n’ont pas une personnalité complètement développée, ce qui les rend plus fragiles face à un environnement hostile. Une grande difficulté est due à l’absence d’informations et au fait de ne pas pouvoir en parler (Fejes & Petrich, 1993). Ce n’est pas une surprise d’apprendre que les jeunes homosexuels doivent faire face à certains problèmes psychologiques qui les rendent particulièrement fragiles. Ces problèmes trouvent leur expression la plus dramatique dans le risque plus élevé de tentatives du suicide. Les psychiatres ayant travaillé avec ce public estiment que le risque est plus important parmi ces jeunes (Kourany, 1987). Selon Saulnier (1998) les recherches montrent qu’il n’existe pas de lien entre le fait d’être homosexuel et la psychopathologie (Gonsiorek 1991; Hooker 1957, Proctor and Groze 1994, Remafedi 1990). Les symptômes psychiatriques qui apparaissent chez les jeunes homosexuels sont explicables en termes socioculturels plutôt qu’en termes psychologiques (Erwin 1993, Remafedi 1990). L’isolement et la discrimination, dont font l’objet beaucoup de jeunes homosexuels, les rendent plus vulnérables face à nombre de problèmes psychosociaux comme, par exemple, la drogue, l’alcool, le suicide, etc.
Une récente recherche réalisée en Flandre montre que les jeunes homosexuels en Belgique ont un risque plus élevé concernant les tentatives de suicide, les filles étant plus vulnérables que les garçons (Vincke & Van Heeringen 1997).
Ce projet nous semble très important pour permettre aux jeunes homosexuels de sortir de l’isolement. Pour qu’il puisse s’épanouir, il est nécessaire qu’il/elle soit intégré et qu’il/elle bénéficie d’un climat social de tolérance. La plupart des campagnes sur l’homosexualité ont ciblé le milieu homosexuel. Un Sur Dix privilégie l’intégration dans le milieu social à la création d’un ghetto. Il nous semble essentiel de changer de stratégie et de faire une campagne s’adressant à tous les jeunes, indépendamment de leur orientation sexuelle.
Le public et sa demande
Ce projet s’adresse à l’ensemble des jeunes en Communauté française (16-22 ans) indépendamment de leur orientation sexuelle. Leurs connaissances sur l’homosexualité varient selon les cas. La majorité des jeunes constate une visibilité croissante de l’homosexualité, dans les médias, sans forcément comprendre mieux la question. Dans le cadre du travail réalisé par le Centre de planning familial Séverine avec des groupes de jeunes pour ce projet, il ressort que ‘‘ les jeunes ont une certaine réceptivité à parler de ce thème mais que leurs croyances personnelles s’expriment avec plus de gêne. Ces groupes focus renforcent le besoin d’informations sur l’homosexualité auprès des jeunes.’’
De ce public on peut constater une double demande.
D’une part, il y a une demande générale émanant de jeunes qui veulent mieux connaître l’homosexualité et bâtir une société plus solidaire. Cette demande a été clairement exprimée lors de l’opération Forum J, réunissant l’ensemble des associations de jeunes et les organismes travaillant dans ce domaine.
Ce que disent les jeunes aujourd’hui: constats, critiques
Bien que l’on puisse remarquer une nette évolution en faveur des homosexuels et de leurs libertés, il n’en reste pas moins que les émissions télévisées ou les articles de presse se limitent bien souvent à nous proposer reportages et interviews provocants ou extrêmes. Dès lors, cela permet peu à la population de se faire une idée objective et sereine quant à la place qu’ont les homosexuels de nos jours au sein de la société.
Ce que veulent les jeunes pour demain: proposition
La place des homosexuels dans la société
Une multitude de solutions pourraient être apportées au problème, mais la meilleure, sans doute, serait que les médias laissent une place ouverte aux homosexuels, dans leurs émissions ou revues, pour se présenter, s’exprimer, au même titre que d’autres personnes.
Dans tous les cas, il semble primordial d’apprendre à connaître l’autre, au fond peut-être pas aussi différent qu’on le croit, pour tenter d’établir une cohabitation aussi saine que possible, bénéfique pour une société démocratique.(2)
D’autre part, il y a une demande plus spécifique émanant des jeunes homosexuels qui souhaitent véhiculer une image plus sereine de l’homosexualité, éviter tout militantisme extrême, actes de provocation, et établir un dialogue pour essayer de mieux se connaître, de mieux se comprendre. Ce sentiment d’isolement, de ne pas pouvoir en parler, situe les jeunes homosexuels dans des situations de grande vulnérabilité face à divers risques.
‘‘L’homosexualité reste pour certains difficile à vivre de manière épanouie, au niveau personnel, familial et social; il peut en résulter un sentiment de discrimination, de solitude, une fragilité affective, un manque d’estime de soi, voire des tendances dépressives qui entravent les capacités d’adaptation au risque. Le dialogue avec les intervenants généralistes n’est pas toujours aisé, dans la mesure où ceux-ci peuvent être perçus, à plus ou moins juste titre, comme réticents ou intolérants vis-à-vis de l’homosexualité. ’’ (3)
Les objectifs
L’objectif général de cette campagne est d’améliorer l’attitude des jeunes à propos de l’homosexualité.
Ce projet a la particularité de s’adresser aux jeunes indépendamment de leur orientation sexuelle. Actuellement l’homosexualité fait l’objet d’un débat social important. Cette campagne souhaite contribuer à mieux informer les jeunes, ainsi qu’à mieux comprendre les problèmes auxquels les jeunes qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle sont confrontés.
A travers cette campagne nous souhaitons:
– encourager les jeunes à réfléchir aux questions relatives à l’orientation sexuelle;
– apporter aux jeunes, à travers des témoignages, une série d’informations sur les questions que se posent les jeunes homosexuel(le)s et sur leur vie;
– informer les jeunes en questionnement sur leur orientation sexuelle des ressources existantes en Communauté française.
Nous espérons que grâce à ce projet les jeunes seront mieux informés sur les questions relatives à l’orientation sexuelle. Nous souhaitons réduire les stéréotypes et les images extrêmes. Cette campagne a pour but également de permettre aux jeunes de prendre conscience et de mieux comprendre les problèmes auxquels les jeunes qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle sont confrontés.
Nous espérons ainsi qu’une solidarité se développera entre les jeunes en Communauté française, et qu’un climat plus tolérant permettra aux jeunes homosexuels et à ceux qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle de gérer leur situation plus facilement, avec moins de risques.
Analyse, stratégies, méthodes et ressources
Pour mener à bien ce projet, nous avons privilégié la participation communautaire. En effet, il nous semblait essentiel d’associer à toutes les étapes de cette campagne, les personnes à qui ce projet est destiné et les organismes partenaires travaillant dans les champs de la jeunesse et de la promotion de la santé.
Pour la création de cette campagne, nous avons pu compter sur la participation des jeunes pour élaborer ensemble un message acceptable et compréhensible par tous. Le Centre de planning familial Séverine a réalisé une série de groupes focus afin d’avoir une première idée des croyances des jeunes concernant l’homosexualité. Nous avons organisé d’autres rencontres afin de tester la forme et le contenu de la campagne. Nous avons été particulièrement attentifs à l’acceptation sociale du message, en tenant compte du fait qu’il est destiné à l’ensemble des jeunes, cela afin de ne pas être contre-productif. Il ne s’agit pas pour nous de dire ‘‘l’homosexualité c’est bien’’, mais plutôt de permettre aux jeunes, à travers différents témoignages, de comprendre qu’on ne doit pas porter un jugement (positif ou négatif) sur quelqu’un en fonction de son orientation sexuelle. Nous voulons encourager le jeune à développer sa confiance en lui et sa capacité de faire des choix personnels.
Une campagne de sensibilisation sur l’homosexualité, à l’attention des parents, a été réalisée par le Gouvernement Flamand en février 1999. Cette campagne a démontré qu’il est possible, voir souhaitable de sensibiliser un public non homosexuel sur les questions relatives à l’orientation sexuelle. Les organisateurs de la campagne flamande ont décidé de mettre en avant l’aspect humain et social de l’homosexualité, et non l’aspect revendicatif ou militant. C’est pour ces raisons que cette campagne nous paraît exemplaire.
La stratégie pour notre campagne est en grande partie inspirée de celle réalisée par le Gouvernement flamand. Nous avons réalisé un dépliant avec des témoignages et informations à destination des jeunes. Ensuite nous avons prévu une importante campagne de visibilité. Tenant compte que nous ciblons les jeunes de 16 à 22 ans en Communauté française, nous avons établi le plan suivant:
– réalisation de 60.000 dépliants qui seront diffusés via les organismes partenaires et par courrier via le numéro vert de la Communauté française: 0800 20000;
– réalisation de 4.500 affiches A3 diffusées via les organismes partenaires afin de promouvoir les outils de la campagne;
– création d’un site internet pour diffuser les informations relatives à la campagne. Ce site nous permettra également de recueillir les réactions des jeunes;
– organisation d’une conférence de presse pour annoncer le lancement de la campagne;
– campagne de publicité pendant 1 mois dans le réseau de la STIB à Bruxelles;
– diffusion de spots radio sur Radio Contact, partenaire de cette campagne.
Description de l’évaluation
Pour connaître l’impact de cette campagne et vérifier l’atteinte des objectifs, nous allons procéder à une évaluation quantitative et qualitative.
Les partenaires de la campagne
Cette campagne a été réalisée par Un Sur Dix asbl avec le soutien de la Communauté française et de Radio Contact, et en partenariat avec:
Le Centre local de promotion de la santé de Bruxelles
CAW Mozaïek – Adzon, une asbl qui travaille avec les jeunes prostitués de rue à Bruxelles
Infor Homo, la plus ancienne association gay et lesbienne du pays
Centre Séverine, un centre de planning familial laïque situé à Anderlecht
FAGL, la Fédération des associations gayes et lesbiennes
Ex æquo, association active en matière de prévention du sida auprès des personnes ayant des pratiques homosexuelles
Concernant l’évaluation quantitative, nous allons essayer de connaître le nombre de demandes reçues. Pour cela, au terme de la campagne, nous adresserons un questionnaire aux organismes participant à la diffusion du matériel pour connaître approximativement le nombre et la nature des demandes qui leur ont été adressées en relation avec la campagne. Nous relèverons également le nombre d’appels reçus sur le numéro vert, le nombre de visites du site internet et ferons une évaluation de la participation aux différentes activités organisées autour de la campagne.
Mais au-delà du nombre de demandes, il nous semble essentiel de connaître l’impact que cette campagne aura eu (ou non) sur le public ciblé. Nous essayerons de savoir qui a vu la campagne; son influence sur les connaissances sur l’homosexualité; son impact sur les opinions et les comportements, etc.
Pour pouvoir disposer de ces informations relatives au processus et aux résultats nous allons réaliser une enquête. Le questionnaire sera élaboré par le groupe porteur du projet sous la supervision de John Vincke professeur en sociologie à l’Université de Gand. Ce dernier ayant une grande expérience dans la réalisation de questionnaires (méthode qu’il a utilisée pour l’étude comparative sur les tentatives de suicide des jeunes hétérosexuels, jeunes homosexuels et bisexuels en Flandre).
Rendez-vous prochainement pour les résultats de cette campagne…
Damián Hernández , Un Sur Dix asbl. Pour obtenir les dépliants et affiches, adressez-vous au Centre local de promotion de la santé de votre région. Adresse de l’auteur: Un Sur Dix asbl, rue des Fripiers 17 Bloc 2/226, 1000 Bruxelles. Tél.: 0486-96 44 00. Mél: unsurdix@hotmail.com – Internet: http://www.unsurdix.net
Campagne réalisée avec le soutien de la Communauté française
(1) Charte Jeunes élaborée dans le cadre de l’Opération Forum J et présentée publiquement au Parlement de la Communauté française de Belgique le 19 décembre 1998.
(2) Tables Rondes de la Jeunesse: Octobre 1996 – Décembre 1998. pp.64-65. Ed. Communauté française de Belgique
(3) La prévention du sida en Communauté française, Plan Guide Triennal 1996-1998, Agence de Prévention du Sida, Ministère de la Communauté française, p63.