Mars 2010 Par C. HOYOIS Alain CHERBONNIER Bernadette TAEYMANS Patrick TREFOIS Initiatives

En Communauté française, depuis 2002, le programme de dépistage du cancer du sein par mammotest offre à toutes les femmes âgées de 50 à 69 ans une mammographie gratuite de qualité contrôlée. Après bientôt huit ans de fonctionnement, le taux de participation des femmes reste trop faible, et ce malgré les multiples actions menées en matière de communication, de formation et de sensibilisation.
Le programme en quelques dates:
Le 25 octobre 2000, un protocole d’accord est signé visant à une collaboration entre l’État fédéral et les Communautés en matière de dépistage du cancer du sein.
Au printemps 2001 commencent les préparatifs pour le lancement du programme.
En août 2002, celui-ci démarre.
En septembre 2005, une campagne de communication est lancée à destination du grand public; une telle campagne avait en effet été jugée inopportune auparavant, tant que le programme n’était pas rodé.

Un état des lieux mitigé

Lors de sa mise en place, le programme a connu quelques maladies de jeunesse: le listing pour l’envoi des invitations s’est révélé incomplet, le délai de transmission des résultats était plus long que prévu, les prescriptions médicales montraient parfois une certaine confusion (mention du mot «mammographie» au lieu de «mammotest»), etc.
En outre, les professionnels de la santé concernés ont émis des avis divergents: ainsi, le recours au bilan sénologique systématique a été défendu par certains, alors que d’autres préféraient le réserver aux mises au point diagnostiques. L’ensemble de ces éléments a concouru à une participation très faible au programme organisé de dépistage, puisque 10% environ des femmes faisaient un mammotest alors que près de 50% recouraient à la mammographie (1). Ces données pour la période 2005-2006, nous indiquent surtout que, six ans après le lancement du programme, près de 40% des femmes n’en bénéficiaient toujours pas dans notre pays. Il y a là un enjeu important: informer au mieux les femmes et améliorer l’accès au programme, mais en respectant le consentement éclairé et sans taire les incertitudes actuelles quant au bénéfice du dépistage.
Cependant, malgré les difficultés rencontrées, les chiffres et les profils des femmes adhérant au programme montraient une progression, certes modérée, dans la couverture du public cible (mammotest + mammographies hors programme); par ailleurs, les inégalités sociales n’étaient pas accentuées par le programme, bien au contraire, et les perceptions du mammotest évoluaient lentement (2).

La communication, une solution miracle?

Sollicitée en 2006 pour la mise en place d’une nouvelle campagne de communication, l’asbl Question Santé, Service communautaire chargé de la communication, a porté son attention sur les freins liés à l’organisation même du programme et aux hésitations des professionnels de la santé – freins qui renforcent évidemment les résistances des femmes. Une évaluation de la campagne 2005 avait également été envisagée pour mesurer les connaissances, les réticences, les pratiques et les intentions des femmes de 50 à 69 ans en matière de dépistage, mais cette évaluation n’a pu être réalisée faute de moyens.
Entre 2006 et 2008, le groupe de travail mis en place par le Cabinet de la Ministre de la Santé (3) a planché sur la relance de la communication, arrivant à un consensus sur les points suivants.
1. Obtenir une mesure structurelle pour favoriser le choix du mammotest plutôt que du bilan sénologique
Un groupe réuni au sein de l’INAMI a étudié en 2009 le scénario d’un changement de nomenclature, l’hypothèse étant de supprimer, dans le cadre du dépistage chez les femmes de 50 à 69 ans, le remboursement pour le bilan sénologique (mais de le maintenir notamment dans le cadre du diagnostic) et de rembourser le seul mammotest.
2. Améliorer l’adhésion des radiologues , gynécologues et médecins généralistes au dépistage par mammotest
Cette adhésion ne pourra être améliorée que très progressivement, en mettant en place des stratégies multiples: relais de l’enseignement facultaire, formations continues, informations répétées et communication régulière des évaluations du programme, recrutement de leaders d’opinion, concertation avec les groupements professionnels. Plusieurs initiatives sont en cours dans ce domaine.
3. Sensibiliser les femmes à recourir au dépistage du cancer du sein entre 50 et 69 ans
Même si l’information et la sensibilisation des femmes sont essentielles, il est clair qu’une campagne de communication ne peut, à elle seule, permettre de surmonter les obstacles identifiés. D’autres stratégies doivent être mises en place (voir ci-dessus).

Du bilan à une nouvelle démarche

Le passage effectif de l’analogique au numérique dans les Unités agréées qui pratiquent le mammotest semblait un moment propice au lancement d’une nouvelle campagne de communication. Celle-ci a débuté en février 2010.
Pour la réaliser, il fallait une concertation entre les différents partenaires, au premier rang desquels le Centre communautaire de référence pour le dépistage des cancers et le Comité de pilotage du programme, et d’autres acteurs de la santé en Communauté française: les centres locaux de promotion de la santé, les ex-centres de coordination provinciaux et d’autres structures de proximité intéressées, la médecine du travail, les mutualités, les gynécologues (via le GGOLFB) et les médecins généralistes (via la SSMG).
De ces nombreuses rencontres s’est dégagé un consensus sur les points suivants:
-mener des actions afin de revaloriser le programme. Il faut insister sur l’assurance de qualité, notamment la double lecture, le contrôle des appareillages, le contrôle de la qualité des clichés, le recueil de données, etc., afin de rendre positive l’image du mammotest;
-poursuivre, à l’intention des professionnels et des femmes, la diffusion d’informations précises et fiables concernant les procédures mises en œuvre: invitations, prescriptions, rendez-vous dans les Unités agréées, accueil, délai de réponse, etc.
-étayer scientifiquement, de manière continue, la pertinence de l’approche choisie: groupe d’âge, examen, etc.
La campagne de communication s’inscrit donc dans un contexte plus large de réflexion et d’information qui vise à relever plusieurs défis.
1. Rencontrer les préoccupations des médecins et les informer
L’adhésion et une attitude proactive de la part du médecin sont déterminantes pour la participation des femmes au dépistage. S’il subsiste encore des doutes sur le programme chez un certain nombre de professionnels, il est essentiel de mettre les points litigieux en discussion et de continuer à offrir une information scientifique de qualité.
2. Rencontrer les attentes des femmes et les informer
Parallèlement, une information est proposée aux femmes, tenant compte de leurs réticences et éclairant les aspects concrets de la démarche de dépistage. Car, à ce jour, en Communauté française, quatre femmes de 50 à 69 ans sur dix ne font aucun dépistage du cancer du sein ou le font de manière irrégulière. Améliorer leur adhésion nécessitera des stratégies multiples: dédramatiser le dépistage, prendre en compte les résistances, comprendre les raisons des pratiques irrégulières de dépistage (par ex. tous les 4 à 5 ans), etc.
Une démarche est également en cours pour faire le lien entre la campagne de communication et des actions de proximité par région.

La campagne de communication

Les objectifs communs à l’ensemble des outils de la campagne sont:
-rappeler l’importance du dépistage du cancer du sein tous les 2 ans;
-encourager les femmes qui ont peur de faire le mammotest ou qui ne se sentent pas concernées;
-rappeler les différentes modalités pour bénéficier du mammotest (courrier personnalisé ou prescription par le médecin traitant, gratuité, etc.);
-donner une visibilité et une identité au programme;
-à travers les outils non audiovisuels, développer la conscience de la qualité de cet examen et favoriser le recours au mammotest.

La recherche créative

Un appel à projets a été lancé auprès de plusieurs sociétés de production pour réaliser le spot TV/radio. La consigne: réaliser un ou des spot(s) avec un message positif sur les avantages à faire ce dépistage, créer un climat de complicité autour de la féminité et éviter de mettre en avant l’acte médical. Un jury a sélectionné le projet correspondant le mieux à ces exigences.
Un pré-test a ensuite été effectué pour valider le spot et son message. Un avis favorable a été émis par la commission examinant les demandes de campagnes radiodiffusées de promotion de la santé au sein du Conseil supérieur de promotion de la santé.
À côté de cela, divers outils sont disponibles: affiches, dépliants, cartes postales, site internet, signets, exposition… La campagne a débuté à la mi-février.

Des outils pour les professionnels

Une brochure éditée par la SSMG en collaboration avec Question Santé est actuellement diffusée auprès des médecins généralistes. Elle aborde évidemment les aspects scientifiques et organisationnels du programme mais, surtout, elle donne la parole aux professionnels, permettant ainsi d’exprimer des points de vue différents et de mettre en débat leur adhésion au programme. Enfin, d’autres actions sont menées hors médias vers les professionnels et les femmes.
Pour en savoir plus sur la campagne, consultez le site http://www.lemammotest.be .
Pour obtenir gratuitement du matériel d’information et de sensibilisation (affiche, carte postale…), contactez le Service communautaire Question Santé au 02 512 41 74 ou par courriel: info@questionsante.org.

Alain Cherbonnier , Chantal Hoyois , Bernadette Taeymans et Patrick Trefois , Question Santé, Service communautaire de promotion de la santé

(1) Ces chiffres sont inverses en Communauté flamande, où plus de 40% des femmes ont recours au mammotest et 21% à la mammographie (données de l’Agence intermutualiste pour la période 2005-2006, publiées en 2009). Lire également DE BOCK C., FABRI V., REMACLE A., Succès contrastés du programme de dépistage du cancer du sein , Éducation Santé n° 246, juin 2009.
(2) Source intermutualiste et résultats des Centres de coordination provinciaux, 2007.
(3) Ce groupe comprenait la Direction générale de la santé, le Centre communautaire de référence pour le dépistage des cancers, les mutualités, Question Santé, etc.