Par Carole FEULIEN Initiatives

Éducation Santé: Dans quel contexte votre projet a-t-il vu le jour?
Bruno Vankelegom : Le but de l’organisation Forest-Quartiers-Santé asbl est d’élaborer avec la participation de tous sur la commune (habitants, monde associatif, pouvoirs locaux…) des réponses adaptées aux besoins de santé de la population à Forest. La finalité de l’association est de lutter contre les inégalités sociales et de santé. Nous misons pour cela sur un travail de proximité que nous menons depuis 1992, auprès d’habitants issus principalement des quartiers les plus fragiles.
Ce sont en particulier les compétences psychosociales des jeunes et des intervenants qui sont visées par le présent projet qui s’inscrit dans le cadre d’actions de promotion de la santé cardiovasculaire.
En effet, si l’arrêt de la consommation du tabac permet des effets sur la santé à court, moyen et long terme, la prévention ‘ultime’ en matière de comportement tabagique reste ‘de ne jamais commencer’.
On constate (expérience de terrain et études) que les premières expériences tabagiques se font de plus en plus tôt. Les interventions en matière de prévention devraient dès lors déjà s’adresser à un public de préadolescents.
ES: Vous avez donc mis en place un projet s’adressant à ce public. Quels sont ses objectifs?
BV : L’intervention envisagée doit permettre au jeune de s’outiller pour pouvoir faire face aux différentes pressions extérieures ou intérieures qui le pousseraient à adopter un comportement tabagique (pression d’un groupe de pairs, stress, pression publicitaire, mimétisme comportemental).
Le développement des compétences psychosociales est une approche intéressante parce qu’elle permet au jeune d’acquérir la capacité de questionner ses propres choix, de prendre du recul quant au ‘besoin’ de fumer et de développer un esprit critique. On peut dire que les objectifs du projet sont multiples:
– renforcer la capacité du jeune d’agir sur sa santé;
– développer les compétences psychosociales chez le jeune;
– améliorer les capacités d’intervention des travailleurs;
– dévaloriser, auprès du jeune, l’initiation et le comportement tabagique.
ES: Comment avez-vous choisi d’approcher le jeune?
BV : C’est le cadre extrascolaire que nous avons choisi pour mener notre action, là où le jeune a plus de chances d’avoir ‘choisi’ des pairs.
D’abord, afin de minimiser l’effet d’influence, les intervenants de l’extrascolaire sont formés pour garantir qu’ils ont eux-mêmes la capacité de questionner leurs propres besoins.
Ensuite, en développant les compétences psychosociales chez le jeune, celui-ci acquiert une «boîte à outils» qui lui sera utile tout au long de la vie, au-delà du simple comportement tabagique.
En améliorant les capacités d’intervention des travailleurs, en privilégiant les développements psychosociaux chez les jeunes et les adultes, les capacités d’agir sont renforcées.
ES: Le projet s’adresse donc finalement à la fois aux travailleurs et aux jeunes?
BV : Tout à fait, et plus précisément aux travailleurs sociaux actifs dans les quartiers fragilisés, diplômés et non-diplômés, inscrits dans des démarches d’émancipation collective et individuelle, et aux jeunes issus de quartiers fragilisés, âgés de 11 à 18 ans, filles et garçons confondus.
ES: Parlez-nous du développement des compétences psychosociales…
BV : Le développement des compétences psychosociales fait référence aux travaux réalisés en 1993 par l’Organisation mondiale de la santé. « Elles sont la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne » (…) « L’amélioration de la compétence psychosociale pourrait être un élément important dans la promotion de la santé et du bien être , puisque les comportements sont de plus en plus impliqués dans l’origine des problèmes de santé
Dix compétences psychosociales, ayant valeur transculturelle, ont été définies par l’OMS.
Elles sont synthétisées dans un guide, en 7 repères de santé:
– mes relations: comment j’entre en relation avec les autres?
– mon stress: comment je relâche la pression, les tensions?
– mon corps: comment je m’occupe de ma santé physique?
– mes émotions: comment je gère les moments difficiles?
– mon look: comment je construis mon image?
– mon espace: comment je me réserve de l’espace et du temps?
– mes rêves: comment je réalise mes rêves et mes projets?
L’utilisation du guide permet au jeune de mieux comprendre la complexité de l’environnement dans lequel il vit, de décoder et d’apprendre à réagir aux exigences et aux pressions de la vie quotidienne.
ES: Avez-vous déjà eu l’occasion d’évaluer votre projet?
BV : Oui, nous avons pu tirer toute une série d’enseignements de notre expérience.
Les plus d’abord. La méthode de la formation basée au départ des expériences de chacun est une force; la formation apporte suffisamment d’outils pour transmettre à d’autres; de nouvelles attentes sont nées: les travailleurs de première ligne qui n’ont pas pu intégrer le projet pour des raisons d’agenda souhaitent être formés; une demande de formation sur la gestion de l’agressivité et de la violence (Comment gère-t-on l’agressivité? Quelle prise de recul pour le travailleur?) a émergé.
Un moins, aussi: certains outils utilisés lors des animations manquent parfois de clarté. On ne comprend pas trop, la forme est perturbante, on ne voit pas clairement ce qui est attendu du participant.
Nous avons également constaté que ce type de projet doit impérativement s’adresser à des travailleurs de première ligne en contact direct et régulier avec les jeunes. Il ne nous reste plus qu’à ajuster le projet en tenant compte de ces constats…
Propos recueillis par Carole Feulien
Pour plus d’informations: Bruno Vankelegom, Directeur – Forest-Quartiers-Santé asbl – Bld de la 2e Armée britannique 39, 1190 Bruxelles, 02 340 26 00, info@f-q-s.be. Site: http://www.f-q-s.be .