«On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent» (Bertold Brecht)
Un contexte d’exception
Le programme de prévention des violences à destination des élèves du collège Albert Camus de Clermont Ferrand s’est inspiré du dispositif pédagogique Grain de sable conçu par l’ALC de Nice (1) et adapté par le Cadis-Crips Auvergne (2).
Le collège Albert Camus, situé dans les quartiers nord de la ville de Clermont Ferrand (quartiers Croix de Neyrat et Champratel), est caractérisé ZUS et ZEP/REP (3). Cet établissement est donc concerné par les dispositifs «Ambition réussite» pour l’Education Nationale et «Réussite éducative» pour la Politique de la Ville.
Une conjoncture favorable d’acteurs dynamiques et de partenariats fructueux a permis ce contexte d’exception:
-une équipe éducative très largement pluridisciplinaire: médico-sociale, conseiller principal d’éducation, professeurs d’éducation pour la santé, enseignants de SEGPA (section générale professionnelle adaptée) et du collège, coordonnateur ZEP, qui a mené en amont une réflexion sur les problèmes de violence amorcée au sein de l’établissement et en lien avec le quartier;
-une approche territoriale concertée;
-une forte culture partenariale locale pré-existante entre professionnels de l’éducation et acteurs sociaux.
Associée à un lien culturel et social permanent entre le collège et le quartier, elle a permis un étayage solide autour des jeunes et un maintien de la démarche dans la durée.
Enfin, une volonté forte du chef d’établissement a facilité la mise en place d’actions de formation des personnels.
La richesse pédagogique du programme
Son évolution et son adaptation, liées à un processus d’évaluation permanente, ont été, grâce à l’énergie créatrice des acteurs, sources d’enrichissement et d’innovations face au programme initial dispensé pendant la formation.
Le dispositif Grain de sable
Mis en place depuis 2001 sur la région Auvergne par l’association Cadis-Crips Auvergne, ce «Programme de prévention des violences faites aux jeunes» a été le point de départ de la mobilisation des acteurs pour agir.
Inspiré du programme Grain de sable conçu par le Service de Prévention et de Réadaptation Sociale (SPRS) de Nice, il repose sur l’idée que, dans la violence, chacun est appelé à être ou à devenir le grain de sable d’un engrenage qui le concerne lui-même ou quelqu’un de son entourage. Il devient ainsi une courroie de transmission dans la prévention de la violence.
Le programme met donc en jeu à la fois les jeunes (10-18 ans) mais aussi des adultes relais volontaires, des personnes ressources (éducateurs, animateurs de quartier, assistantes sociales, médecins, enseignants…) ainsi que les parents.
Cette notion de partenariat est fondamentale car elle invite toute une communauté à la réflexion et à la participation sur le thème de la prévention des violences.
La possibilité pour les jeunes d’être acteurs est un autre facteur essentiel, déterminé par un des objectifs principaux de ce projet, à savoir leur permettre d’adhérer en toute liberté à des règles de morale collectives en passant par une réflexion sur l’image de soi, la connaissance de l’autre et l’ouverture sur les différences.
Par l’intermédiaire d’un vidéogramme composé de différentes séquences mettant en scène des situations de violences subies ou agies (verbales, physiques et psychologiques), les jeunes sont amenés à repérer les différents champs de la violence, à identifier leurs droits et leurs devoirs, en proposant des alternatives positives aux protagonistes du film.
Le même vidéogramme est visionné par les adultes participant au projet.
Des questionnaires, distribués avant et après les séances, permettent d’évaluer l’impact de ces interventions et de proposer en concertation avec les jeunes la mise en place d’actions auprès de leurs pairs, soit dans leur quartier soit au sein de leur établissement scolaire.
La stratégie de formation
La mise en place de formations à l’utilisation de ce programme dispensées par les formateurs du Groupe Ressource Régional de Prévention en Auvergne et destinées aux personnels éducatifs, sanitaires et sociaux d’un même territoire, ainsi qu’aux parents désireux de concourir à ce projet, a permis de réunir tous les acteurs volontaires pour participer, grâce à cette culture commune, à un projet collectif concret de prévention.
Construite pour réfléchir ensemble aux mécanismes de la violence, ainsi qu’à nos propres représentations de ce phénomène, cette formation vise à favoriser la mise en place du dispositif Grain de sable après en avoir expérimenté l’utilisation au cours de la formation.
51 personnes du collège et du quartier ont ainsi été formées depuis 4 ans.
De cette synergie d’acteurs ont émané diverses actions de prévention déclinées pages suivantes et qui ont pu voir le jour au profit des populations de ce territoire.
Les interventions en milieu scolaire auprès des élèves de collège
Pour l’équipe de professionnels formés, après avoir élaboré ensemble leur projet, s’est très vite imposée la nécessité de réfléchir à des modalités spécifiques d’intervention qui s’inscrivent dans la durée, c’est-à-dire pendant les années «collège», de la classe de 6e à celle de 3e en veillant à adapter les interventions à chaque niveau de classe.
Objectifs de la première année
– Permettre aux jeunes d’identifier les différentes formes de violences et leur offrir un espace de parole et de réflexion sur ces questions, dans un climat de confiance et de confidentialité, en utilisant la cassette vidéo Grain de sable dans son intégralité.
– Leur permettre de repérer dans et hors du collège les adultes susceptibles d’être «relais» ou «ressources».
Les thèmes abordés sont plus spécifiquement ceux du racket, du rôle des amis, de l’approche de la sexualité.
Objectifs de la deuxième année
– Travailler avec les élèves sur leurs représentations de la violence à partir du photolangage Grain de sable , en leur proposant de choisir une photo qui exprime ou représente pour eux la violence.
– Leur faire prendre conscience de la diversité des opinions, des valeurs ou des croyances et les enjoindre à respecter ces différences.
– Orienter vers des adultes référents à contacter si nécessaire dans le collège et le quartier.
Les thèmes abordés sont le respect dans les relations garçons/filles, les relations parents/enfants, l’homosexualité.
Objectifs de la troisième année
-Amener les élèves à prendre conscience d’une situation de harcèlement grâce à un DVD, outil pédagogique réalisé par des enseignants de l’académie à partir de témoignages de jeunes victimes.
-Amener les victimes de harcèlement à réagir et demander de l’aide aux personnes ressources.
-Amener les élèves à se positionner face à cette situation.
Objectifs de la quatrième année
– Dans le cadre des séances d’animation sur l’éducation à la sexualité, sensibiliser les jeunes aux problèmes des violences sexuelles.
– Leur permettre d’identifier les personnes ressources susceptibles de les aider.
La mobilisation des acteurs
De tradition depuis 20 ans sur ce territoire, une forte culture partenariale a donné au projet une envergure inestimable en contribuant largement à son déploiement sur le territoire.
Par ailleurs, la volonté politique pour le développement local du territoire ainsi que la mise en place du dispositif de «Réussite éducative», associés au plan de prévention des violences de l’Education Nationale et au dispositif «Ambition Réussite», ont permis de légitimer et pérenniser l’action.
Parce qu’elle existait déjà et depuis longtemps, la multiplicité des partenaires (4) et leur diversité se sont manifestées dès le début du projet et ont joué en sa faveur, lui donnant une couleur particulière dans les jeux d’acteurs qui se mettent en scène dans un travail partenarial.
Le partenariat et les jeux d’acteurs
De cette expérience collective, plusieurs idées fortes se dégagent à propos du partenariat, confirmant le propos de Corinne Mérini sur la relation partenariale dont elle écrit fort justement que celle-ci se construit à la fois sur une idée d’association et d’opposition. «Autrement dit, s’il y a bien fait d’association dans le partenariat, ce n’est pas seulement sur la base de communautés, c’est aussi sur la base de différences existantes, ce qui nous permet de dire que la relation partenariale est paradoxale, interactive et évolutive parce que justement, elle s’organise autour du double aspect agir avec/contre l’autre (5).
Au delà de cet apparent paradoxe, le partenariat reste le fait de mettre en commun des moyens visant à réaliser un objectif commun, et ce, quel que soit le niveau d’implication de chacun, sa posture professionnelle ou ses compétences personnelles.
Enfin, que «le partenariat ne se décrète pas, il se construit peu à peu» reste une des idées fortes de cette aventure.
Les formations, un tremplin vers l’action
Grâce aux formations communes sur le thème de la prévention des violences, une dynamique de culture partagée entre le collège et le quartier s’est mise en place progressivement, dans un souci de cohérence des actions et d’harmonisation de l’outil Grain de sable , adapté aux différents âges et catégories de publics.
La créativité sur le plan méthodologique
Un comité de pilotage actif dans le suivi du projet, une coordination multipolaire efficace, des temps de formation continue, un conseil méthodologique pertinent de l’association Cadis Crips Auvergne, autant d’éléments logistiques qui ont favorisé un véritable creuset d’idées innovantes.
Le comité de pilotage, composé dés le début du projet par des partenaires scolaires et hors école évoqués plus haut, s’est révélé très actif tout au long du projet, maintenant un niveau de réflexion permanente doublé d’un regard critique et constructif à toutes ses étapes, se réunissant régulièrement pendant 4 ans afin d’adapter et moduler son évolution en fonction des différentes évaluations et de proposer des réajustements ou des innovations pour enrichir le programme d’actions.
Une coordination multipolaire efficace, incarnée par le coordinateur ZEP et l’infirmière du collège, a favorisé l’homogénéisation du travail collectif grâce à l’efficacité de leur rôle d’interface entre les différents acteurs, exigeant souplesse et diplomatie dans le suivi du projet.
Un des rôles spécifiques du coordinateur ZEP a été de veiller à ce que ce partenariat soit conforme, à travers tous les axes du projet, aux exigences pédagogiques de l’école et du collège.
Des temps de formation continue se sont avérés indispensables pour approfondir la réflexion sur la compréhension des mécanismes de la violence ou le fonctionnement d’un réseau. Parallèlement, ces temps de travail en commun furent nécessaires pour tisser des liens réguliers avec les acteurs mais surtout renforcer la cohésion de ce groupe dont les membres, dispersés au quotidien dans leurs actions et structures spécifiques, ressentaient le besoin de se retrouver pour échanger sur leurs pratiques et envisager ensemble les perspectives de l’action.
Enfin, la participation de l’association Cadis-Crips Auvergne tout au long du pilotage de l’action s’est concrétisée par la mise à disposition d’une conseillère en méthodologie, ayant un regard extérieur distancié très pertinent tant dans l’analyse et l’évaluation des besoins en formation que dans des propositions concrètes pour l’avancée du projet.
La contribution d’artistes compétents dans les domaines du conte et du théâtre
Depuis l’année 2003, divers partenaires artistiques ont contribué à ce que l’action Grain de sable puisse s’exprimer différemment, notamment par la technique du conte.
Quelle fonction pour le conte?
Il ressort de l’analyse des intervenants extérieurs et de la réflexion des partenaires plusieurs constats intéressants à prendre en compte.
Espace de réflexion et de paroles pour le jeune, l’effet de médiation opéré par le conte permet de verbaliser des situations difficiles qu’il peut vivre (oppression sexuelle, racket…) grâce à la prise de parole et à l’écriture.
Ces situations difficiles entraînent chez lui une impression de flou: il ne sait plus expliciter le monde extérieur, ni prendre du recul, il subit sans se défendre, sa personnalité est éclatée. Il est trois personnes à la fois: celle de l’école, celle de la famille, celle de la bande… avec des règles propres à chaque milieu et souvent paradoxales.
En effet, parce que la hiérarchisation des valeurs sous-tendues par ces règles ne se décline pas de la même manière, elle engendre des conflits de valeurs intolérables pour l’individu: les règles «viriles» de la bande se confrontent et s’affrontent à celles du règlement intérieur de l’école ou celles (parfois défaillantes) de la famille.
Souvent à la fois auteurs et victimes, ces jeunes subissent et reproduisent la violence qui est alors leur seul moyen de s’exprimer, en l’absence de verbalisation. Il est donc souhaitable de favoriser la mise en place d’instances de médiation car «le vide» contribue à l’expression de la violence.
Le conte, parce qu’il est intemporel, a un effet de résonance sur des situations vécues et de catharsis par la prise de conscience puis l’accès au langage pour résoudre les conflits. C’est une sphère transitionnelle qui permet au jeune de se construire malgré ses «stigmates» et dans laquelle le travail de l’adulte, éducateur, conteur ou psychologue devient celui d’un «passeur».
Le «conte en fête»
A l’initiative de la Maison de quartier de Croix de Neyrat, la participation à la manifestation du «Conte en fête», fruit du travail expérimenté avec les jeunes scolaires, reflète bien l’intérêt de la dynamique du conte dans l’approche de la prévention des violences. Cette manifestation s’est ancrée sur ce territoire avec le souci de valoriser le quartier par un évènement culturel de qualité.
Il faut rappeler ici combien l’image de leur quartier est importante pour les familles et les élèves. Ces élèves ont été particulièrement bénéficiaires du dispositif, tandis que les parents ont parfois été absents ou se sentaient peu concernés, du moins au début.
C’est grâce à un travail de fourmi des éducateurs, des conteurs, des associations, des professionnels de la CAF que, progressivement, l’implication des familles locales et l’ouverture à des publics extérieurs au quartier ont été possibles.
Cette démarche depuis longtemps acquise qui est de concerner les gens, de les faire sortir et réfléchir en groupes, de dialoguer, d’assister à ce qui est proposé à leurs enfants, a facilité la mobilisation de ces publics sur des thèmes comme celui de la prévention des violences. C’est ce qui fut réalisé avec les groupes de femmes et de parents, avec les éducateurs, les parents d’élèves.
L’exemple du CLISMA (Comité de Liaison Interservice Migrants) qui a conduit une expérience originale avec des adultes «primo-arrivants» illustre bien ce «savoir-faire»: à partir d’un conte, ces femmes et ces hommes purent témoigner artistiquement de leur détresse humaine vécue dans la guerre et la migration.
C’est pour cela que notre travail s’est aussi bien greffé, il a touché cette sphère d’expression vindicative, unique et fragile, autochtone.
Dans le concert des nations existant dans ce quartier (24 nationalités au collège), toute la difficulté dans ces problématiques est celle de l’appropriation des moyens institutionnels par les différentes communautés pour construire ensemble un «modus vivendi». Se positionner face à l’Etat de droit, à la loi des quartiers pour ensuite éventuellement aborder la curiosité culturelle mutuelle.
Cela implique un travail institutionnel incessant et discret: alors la voix des politiques culturelles, celles de la ville, de l’Etat ou des institutions est acceptable et on assiste à une véritable acculturation! Sinon ce n’est qu’un programme de plus et si les parents ne se l’approprient pas, alors les élèves… C’est parce que nous avions ce socle de travail constitué depuis 20 ans que la greffe a pu se faire et que cela a pu fonctionner efficacement.
La multiplicité des acteurs du quartier
La voix de la Ville: les maisons de quartier et les élus présents dans les CA des écoles et associations.
La voix de l’Etat: l’école au sens large et ses politiques actuelles d’ambition réussite et de politique éducative.
La Préfecture grâce aux financements des actions mais avec des contraintes particulières.
Les organismes HLM et leurs bailleurs travaillant dans un sens de pluralité sociale et de la «Pax Civitae».
Les centres sociaux des Caisses d’Allocations Familiales par leur activité en lien avec la famille qui ont permis un travail de réseau en finesse.
Les associations de soutien scolaire, particulièrement denses et dynamiques qui veulent encore croire à l’ascenseur social!
Un tissu exceptionnel d’associations dans le quartier Croix de Neyrat, indiquant par là-même une situation historique: en effet, ce qui existe ici n’est pas vrai dans les autres quartiers, ce tissu dense d’associations est bien sûr spécifique à sa composition humaine bariolée mais pas seulement! Longtemps il y a fait bon vivre: il y avait une mobilité plus réduite, un cru euphorique des bonnes années qui a engendré une dynamique contagieuse de création et d’enracinement mis à mal actuellement par le retrait de l’Etat.
A l’intérieur du collège, dans le cadre du dispositif de réussite éducative, une «cellule d’écoute» pour les élèves sanctionnés d’exclusion à la suite d’actes répréhensibles a été mise en place par des personnels formés au programme.
Cette cellule permet au jeune d’être reçu à son retour au collège par deux adultes volontaires pour analyser avec lui cette exclusion, comment il l’a vécue et surtout l’aider à discerner que seul son acte est répréhensible et sanctionné et non sa personne en totalité.
Au niveau du quartier, en 2005/2006, ce rayonnement s’est traduit par des effets «rebond» intéressants: le plus imprévu et le plus original a été l’implication d’une école primaire du quartier, d’autant plus attentive à ce programme de prévention des violences qui se déroulait sur son territoire qu’elle était vivement concernée par l’aggravation de faits de violences à l’intérieur et aux abords de l’école.
Convaincus de l’intérêt d’un tel programme, le coordinateur ZEP et l’inspectrice départementale de l’académie ont proposé à l’équipe éducative de cette école de participer dans un premier temps à la formation Grain de sable dispensée par le Cadis-Crips Auvergne et d’élaborer, dans un second temps, un projet d’école adapté à l’âge et à la maturité des enfants de primaire.
Là encore, la créativité n’a pas fait défaut puisque ce nouveau projet a donné naissance à la création d’un outil pédagogique (un DVD) de prévention des violences destiné aux enseignants. Elaboré en partenariat avec l’Inspection Académique, la Compagnie des Voleurs de Poule (compagnie de théâtre locale) et le Cadis-Crips Auvergne, ce DVD a été réalisé à partir de scénarios originaux écrits et joués par des élèves de CM1/CM2.
Un tel travail n’aurait pu se faire sans la patience et la persévérance de leur institutrice qui a encadré efficacement ses élèves pour mener à bien le projet. Quant à l’association artistique qui a filmé et produit cet outil, elle a su s’adapter au contexte scolaire, proposer des choix innovants d’interprétation pour ces jeunes acteurs, facilitant ainsi une création originale dont nous espérons qu’un financement prochain prendra en charge sa diffusion régionale, voire nationale (6). Un guide pédagogique est en cours de validation et devrait servir de support pour l’utilisation du DVD au cours de formations destinées aux professeurs des écoles, soucieux de prévention.
Les perspectives
L’impact d’un tel programme paraît difficile à mesurer dans sa globalité surtout lorsqu’il est question de prévention dont les effets, en l’absence de «développement durable», s’estompent au cours du temps si rien n’est fait pour qu’il perdure. D’autre part, le thème de la violence est nécessairement lié à des difficultés sociales et environnementales, prégnantes et récurrentes, qui nécessiteraient de plus larges investissements.
Pour autant, si la stabilisation voire la diminution des actes de violence au sein de l’établissement peuvent être considérés comme des résultats intéressants à prendre en compte pour l’évaluation de ce programme, ils ne reflètent que partiellement et imparfaitement la qualité et la pertinence de ses enjeux.
En effet, de l’avis de l’ensemble des acteurs partenaires, les éléments suivants exprimés par l’équipe du collège, témoignent de la dynamique mise en place à maintenir dans l’avenir:
-un vrai travail de réseau est né autour de thématiques élargies;
-une culture commune partagée pour un «mieux vivre ensemble»;
-un climat plus serein est possible;
-la parole pour lutter contre la violence est un enjeu à privilégier!
La prévention inscrite dans la durée est, semble-t-il, un atout majeur dans la réduction des problèmes de violence.
Enfin, du côté des jeunes qui ont bénéficié de cette expérience au sein du collège, une évaluation par questionnaire a été menée auprès d’élèves de 3e ayant suivi ce programme durant leurs 4 années de collèges. Il en ressort plusieurs constats, parfois controversés, qui méritent d’être soulignés et intégrés à une réflexion plus large sur la prévention.
Concernant les moyens pédagogiques, il faut privilégier les supports vidéos pour renforcer les messages de prévention tout en permettant à ces jeunes publics d’être acteurs au cours des séances. En effet, l’image reste largement plébiscitée pour susciter des échanges entre eux et avec les adultes.
Sur le thème de la violence, si le type de violence repérée le plus souvent, comme les insultes ou les moqueries, semble prédominante pour eux et préoccupante pour les adultes, le racket reste un phénomène tabou difficile à lever et donc à aborder au cours des débats.
L’accompagnement des élèves grâce à ce programme, soit par leurs pairs soit par les adultes ressources, a été bénéfique pour un bon tiers d’entre eux.
En conclusion, le fait de synergie reste le point fort et durable de cette aventure. Il démontre une fois de plus que la cohérence d’un dispositif n’est efficiente que par les actions de proximité et la conviction de tous d’adhérer aux mêmes valeurs, en oubliant à un moment leurs propres missions pour adhérer à l’intérêt commun et au sens donné au projet.
Néanmoins, le talent de transmission des valeurs, s’il nous a incombé et uni ou fait réfléchir, ne peut omettre d’accepter avec humilité qu’un jeune sera ou non sensibilisé: car sa propre liberté est là, son désir du moment, comme un obstacle à sa capture, il nous échappe et nous rend perplexes quelquefois quant à l’impact de ‘masse’ d’un projet!
«Aurions-nous adouci les rives?» commente le coordinateur du projet… « Si c’était cela ce serait déjà énorme ! En aucun cas nous ne pourrons empêcher le fleuve de couler mais si d’impétueux il était devenu simplement impérieux ou assagi , alors nous aurions gagné !»
Elisabeth Stollsteiner , chargée de projet formation en éducation pour la santé à APS (Auvergne Promotion Santé)
Adresse de l’auteur: Auvergne Promotion Santé, 66 rue des Courtiaux, 63000 Clermont Ferrand. Tél.: 33 (0) 4 73 91 96 67. Courriel: e.stollsteiner@orange.fr (1) Accompagnement, Lieu d’Accueil
(2) CADIS: Centre d’Accueil, de Documentation, d’Information et de formation du Sida – CRIPS: Centre Régional d’Information Prévention Sida, association régionale et locale de prévention du sida en Auvergne.
(3) ZUS: Zone Urbaine Sensible, ZEP/REP: Zone d’Education Prioritaire/Réseau d’Education Prioritaire.
(4) CLISMA (Comité de liaison interservice migrants), CAF (Caisse d’allocations familiales), CLCV (association de quartier pour la Consommation, le logement et le Cadre de Vie), Maison de quartier, école Philippe Arbos, FCPE (Fédération des parents d’élèves), PARQU’Adsea (Prévention Action Rue et Quartier/Association départementale pour la Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence 63 (département du Puy-de-Dôme).
(5) Corinne Mérini, Le partenariat en formation, de la modélisation à l’application, L’Harmattan, 1999.
(6) A l’heure où paraît cet article, il n’y a pas encore de financement pour la diffusion de ces outils et la formation autour de ceux-ci. Avis aux généreux mécènes… (ndlr)