L’Union européenne comptera le mois prochain 25 Etats membres. La plupart des nouveaux pays sont des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) qui transitent d’une économie centralisée à une économie de marché. Ce processus de transition politique, économique et de société a également mené, dans la plupart des pays de cette région, à une réforme ou plusieurs réformes successives des systèmes de santé. Cependant, la redéfinition des politiques de protection sociale et de santé, dominée par une idéologie libérale et individualiste, ne vise généralement qu’à assurer une couverture minimale, une aide qui ne suffit pas à atteindre un niveau de vie décent.
Dans les faits, les systèmes de protection sociale et de santé sont dualistes, la majorité de la population ayant accès à des services plutôt médiocres et limités tandis qu’une fraction privilégiée de la société, ayant les moyens de se payer une assurance complémentaire, bénéficie d’une couverture sociale et de soins de qualité.
Les soins de santé en Europe centrale après la chute du communisme
Après la chute du communisme en 1989, le système social de nombreux pays d’Europe centrale a rapidement changé. Durant l’époque communiste, un réseau de services médicaux et sociaux a été mis gratuitement à la disposition de l’ensemble de la population. Les usagers étaient proches des structures de soins locales et y avaient, en théorie, accès sans distinction ni restriction. Cependant, la réalité était souvent très différente de cette image idéale. De nombreux services n’existaient pas dans la pratique, étaient souvent d’une mauvaise qualité ou ne pouvaient être obtenus que moyennant des paiements “officieux” (dessous-de-table) aux prestataires de soins ou de services.
Depuis, les gouvernements se sont succédé et se sont engagés dans l’économie de marché qui a creusé le fossé des inégalités sociales au sein du pays et entre les pays. Sous la contrainte des organisations internationales (Fonds monétaire international, Banque mondiale), de nombreux pays en transition ont en effet ouvert leur marché aux privatisations et considérablement réduit leurs dépenses publiques au cours de la dernière décennie. Le secteur de la santé n’échappe pas à ce climat de régression. L’ ‘économisme’ marginalise davantage les catégories sociales et les pays les plus défavorisés. L’écart s’est creusé entre ceux qui se sont trouvés dans une situation défavorable dans le nouveau contexte et les élites économiques totalement à l’aise dans l’économie de marché.
Presque dans tous les Etats d’Europe centrale et orientale, le recul des systèmes de protection sociale a ouvert la porte au développement des assurances privées. Les réformes structurelles ne compensent pas le manque de ressources, ce qui encourage entre autres le phénomène des dessous-de-table, déjà endémique par le passé.
Faute d’investissement, l’état de vétusté des hôpitaux ne s’est pas amélioré. Les professions médicales dans le domaine public restent mal rémunérées, provoquant la fuite vers le privé. A titre d’exemple, 95% des dentistes en Pologne sont privés. Si le médecin n’a pas de contrat avec le fonds d’assurance maladie, le patient doit payer la somme intégrale de la consultation. Ce qu’il est parfois obligé de faire pour éviter de longues files d’attente dues au nombre limité de services contractés par la caisse d’assurance publique.
Le prix des médicaments est en augmentation constante depuis le début des années 1990. D’une part, parce que les prix en général ont commencé à s’aligner sur les prix des pays occidentaux, d’autre part parce que la part des médicaments produits localement diminue de manière spectaculaire, les médicaments étrangers occupant des parts croissantes de marché. L’économie de marché a eu pour effet l’introduction de l’importation de produits qui coûtent plusieurs fois le prix de médicaments de même qualité, fabriqués autrefois localement. Le développement économique des pays de l’Est ne peut que souffrir de l’affaiblissement de leur industrie médicale et pharmaceutique.
Des pistes pour sortir de la crise
Des politiques résolument orientées vers la prévention et la promotion de la santé concourraient sans aucun doute à la réduction des dépenses. Du côté des professionnels de la santé, il faudrait diversifier et élargir les missions et les activités des médecins généralistes vers la protection et la promotion de la santé des individus et, d’autre part, favoriser le travail d’équipe. L’introduction de conseils de bonne pratique pour les médecins, combinée à l’accent mis sur la prescription des médicaments génériques, doit également être encouragée.
Le mouvement mutualiste , sur base de l’expérience accumulée dans notre pays en matière de gestion de l’assurance maladie, de l’économie sociale, d’organisation des soins et de services complémentaires, peut constituer une alternative intéressante pour renforcer l’accessibilité aux soins et contribuer à la prise de responsabilités par la population locale.
Depuis 1995, la Mutualité chrétienne soutient des projets mutualistes en Europe centrale, principalement en Pologne, Roumanie et dans les pays baltes. Ces projets visent la mise en place d’organisations mutualistes, qui peuvent assurer un accès plus facile à des soins de santé de meilleure qualité.
Grâce à un projet d’information cofinancé par l’Union européenne, la Mutualité chrétienne a mené une campagne d’information dans sa presse, présentant un ou plusieurs pays d’Europe centrale, ainsi que leur système de sécurité sociale et le secteur de la santé, en faisant également référence aux projets mutualistes. Des soirées thématiques et expositions ont été organisés dans six villes belges (Brugge, Gent, Antwerpen, Namur, Liège et Oostende) par les comités de partenariat mis en place dans les Mutualités chrétiennes qui soutiennent des projets.
Des projets et des résultats
En soutenant des mutualités à l’étranger, l’objectif de la Mutualité chrétienne est de contribuer à l’accessibilité à des soins de santé de qualité. L’accessibilité financière passe par des tarifs maîtrisés pour les médicaments et les consultations. Des cabinets médicaux en région rurale ou des cabinets « itinérants » contribuent à rendre les soins disponibles en les rapprochant des gens. Enfin, de nouveaux services qui n’existaient pas jusqu’alors ont été mis en place, surtout la location de matériel de revalidation ou la mise sur pied d’un service de soins à domicile.
La qualité des soins a pu être améliorée grâce à des investissements dans une infrastructure propre ou des formations dispensées aux prestataires et aux mutualistes.
Alors qu’un «nouveau» modèle de société est apparu après la chute du communisme, basé sur l’individu et dans lequel le «social» est désormais chargé d’une signification négative, c’est un modèle social alternatif et démocratique que promeut la mutualité. Un mouvement fondé sur la collaboration entre organisations sociales, administrations locales et prestataires, sur la responsabilisation et la participation des membres.
Le développement d’un mouvement de bénévoles qui stimule la solidarité et apporte son soutien aux jeunes, aux personnes handicapées et âgées, et ce grâce à des réseaux de partenariat tissés avec les Mutualités chrétiennes de Belgique, revêt une importance capitale pour faire connaître le concept du mutualisme dans ces pays.
Valérie Van Belle , Coopération internationale Mutualité chrétienne
Article publié dans En Marche et remanié par l’auteur