Le 24 février, la Plateforme d’action santé et solidarité proposait à un public nombreux une mise au point de l’état d’avancement des transferts de compétence en matière de santé.
La matinée s’est déroulée en trois parties.
Dans un premier temps, Jean-Marc Laasman, responsable du Service Etudes de Solidaris brossa un portrait fort pédagogique de la réforme. Il nous expliqua l’importance des budgets concernés, 20 milliards d’euros au total, parmi lesquels 16% du budget des soins de santé. Du lourd, donc. Aux acteurs de la promotion de la santé présents dans la salle, qui doivent se débrouiller avec quelques malheureux millions, ces chiffres donnaient le tournis !
Il rappela aussi la façon dont les francophones ont à leur tour ajouté une couche à ce processus centrifuge, notamment en transférant une partie de la prévention communautaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles à la Wallonie et (pour le moment) à la Cocof bruxelloise.
Les velléités en matière de convergence quant à un modèle de gouvernance commun aux deux régions à travers une structure ‘trait d’union’ furent aussi évoquées, ainsi que la volonté de part et d’autre de mettre en place un organisme d’intérêt public (OIP) inspiré de l’INAMI pour gérer ces nouvelles matières.
Il mit aussi le doigt sur deux différences fondamentales entre la Flandre d’une part, Bruxelles et la Wallonie d’autre part : plus faible niveau d’implication des partenaires sociaux et ouverture du ‘marché’ au secteur privé sont à l’ordre du jour dans le nord du pays, ce n’est pas du tout le cas au centre et au sud. Encore heureux.
De son côté, Jean Hermesse, secrétaire général des Mutualités chrétiennes, rappela les priorités des organismes assureurs pour limiter les dégâts d’une évolution qui ne l’enthousiasme pas plus que ça («On se trouve maintenant en face d’un problème de luxe alors que le système antérieur fonctionnait bien») : assurer la continuité des services, éviter la complexité (sic !), lever les inconnues budgétaires et valoriser les collaborations réelles plutôt que les concertations de façade.
Ensuite place aux politiques. Le premier, Jo Vandeurzen, Ministre du bien-être, de la santé publique et de la famille de la Communauté flamande, brillait par son absence et ne s’était pas fait représenter. Cela en dit long sur la perception des enjeux dans notre pays : la dernière réforme que l’on essaie péniblement de digérer à renfort de constructions de moins en moins lisibles et efficaces n’a sans doute de sens pour pas mal de politiciens du nord que si elle anticipe sur la scission complète de la sécurité sociale, ultime ciment (avec les Diables rouges !) de notre petit pays de cocagne.
Alda Greoli, cheffe de cabinet de Maxime Prévot, Ministre de la santé de Wallonie, nous offrit un double plaidoyer en faveur d’un modèle de cogestion des matières transférées et aussi pour un renforcement voire un retour à un système d’assurance solidaire et non d’assistance aux plus fragiles.
En ce qui concerne Bruxelles, il appartenait à Nathalie Noël, directrice de cabinet-adjointe de Didier Gosuin, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale membre du Collège réuni de la Commission communautaire commune chargé de la politique de santé et membre du collège de la Commission communautaire française (tout un programme), de nous expliquer que dans la capitale, on s’évertue à «reconstruire informellement ce qu’on vient de démolir (au niveau fédéral)».
Elle nous annonça à son tour la création d’un OIP, répondant au joli nom d’Iriscare, dont une commission traitera de ‘prévention et première ligne’. Elle veillera à la mise en œuvre de la politique bicommunautaire et à la définition des financements et des conditions d’octroi. Pour les acteurs de la promotion de la santé, c’est de là que le son le plus doux chatouilla leurs oreilles : «Il s’agit, pour Bruxelles, d’inverser la logique du ‘tout aux soins’ vers plus de prévention.» Affaire à suivre…
Après la pause, ce fut au tour d’Yves Hellendorff, représentant la CNE (syndicat chrétien) de partager ses réserves et ses craintes quant à la mise en œuvre de la réforme, même si le plaidoyer wallon pour le maintien d’une ‘assurance solidaire’ soit plutôt de nature à le rassurer. Néanmoins, le secteur privé fait selon lui pression sur le système et les citoyens les plus aisés semblent déjà céder régulièrement aux sirènes d’une ‘assurance santé’ à deux vitesses.
Représentant du secteur santé-social bruxellois, Alain Willaert (Conseil bruxellois de coordination sociopolitique, initiateur d’une plateforme de suivi du transfert des compétences, la PLASTIC) s’est principalement inquiété de l’ambition initiale proclamée par les politiques (francophones) de profiter des transferts pour mettre en place une programmation régionale des services d’aide et de soins ambulatoires à la population ainsi que sur la mise en place d’outils de concertation entre ces différents pouvoirs compétents.
Dans le même ordre d’idée, un Plan santé bruxellois est annoncé dans la déclaration de politique Cocom mais la promotion de la santé devient une compétence de la Cocof. Par quel moyen ce secteur va-t-il y être intégré ?
En un mot, pour Alain Willaert, «il serait temps de dessiner une cohérence à ces transferts afin d’en faire une opportunité de repenser les actions de première ligne, au service de la population, plutôt que de rajouter une couche de complexité».
Et non plus trois programmations différentes, de la Cocof, de la Cocom et de la Vlaamse Gemeenschapscommissie.