Juin 2014 Par Conseil supérieur de Promotion de la Santé Stratégies

Dans le cadre de la 6e réforme de l’État et du transfert de compétences lié à cette réforme, le Conseil supérieur de promotion de la santé (CSPS) a souhaité établir un état des lieux du secteur afin de documenter la mise en place de cette évolution institutionnelle majeure et de formuler des points de vigilance à l’intention des décideurs politiques.
Le texte qui suit présente les principaux résultats de cette enquête réalisée au début de l’année 2014 auprès des organismes ayant reçu au cours des deux dernières années un financement de la Communauté française en promotion de la santé.

En date du 31 janvier 2014, le CSPS a remis à sa ministre de tutelle un avis officiel fondé sur l’analyse de ces résultats (1).

Il ne s’agit pas seulement d’un cadastre des emplois directs et indirects en promotion santé francophone, même si cet aspect de la question est évidemment très important. D’autres informations ont été également récoltées, telles que le niveau et le territoire d’intervention, les effets de levier des financements, etc. Le Conseil souhaite que cet état des lieux puisse contribuer à documenter l’impact et les conséquences concrètes de la réforme sur les emplois et les activités de promotion de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles et dans les régions wallonne et bruxelloise.

Recueil des informations

Public cible

Les destinataires de l’enquête ont été déterminés sur base de la liste des organismes ayant bénéficié d’une subvention pour des programmes d’action ou de recherche et/ou dans le cadre d’un agrément en 2013. Le secteur de la promotion de la santé à l’école (PSE) n’a pas été consulté, dans la mesure où il n’est pas concerné par le transfert. Les projets communaux faisant l’objet d’un appel à projets spécifique n’ont pas non plus été sollicités.

Méthode

Un questionnaire a été adressé par courriel à une septantaine d’organismes le 03/01/2014. Le délai de réponse, cinq jours ouvrables, était très court, étant donné la volonté de pouvoir mesurer rapidement l’impact pressenti sur les emplois et l’avenir de la promotion de la santé, et de conscientiser les politiques sur le sujet.

Les répondants étaient invités à compléter le questionnaire en ligne, ce qui a permis une exploitation rapide des données tout d’abord par la Direction générale de la Santé puis par le Service communautaire de promotion de la santé APES-ULg.

Taux de réponse et représentativité

Sur la septantaine d’envois, 58 réponses exploitables ont été enregistrées à la date du 10 janvier, soit un taux de réponse supérieur à 80% en une semaine. En comparant les réponses à la liste des organismes actuellement subsidiés, on peut considérer que 13 services seulement ayant reçu des financements n’ont pas répondu à l’enquête, en ce compris certains services ayant en charge des registres et l’organisation des dépistages.

Nous avons exclu aussi les bénéficiaires de marchés publics, l’Institut scientifique de santé publique, les communes subsidiées dans le cadre de l’Appel à projet qui leur est spécifique ainsi que les actes de dépistage des maladies métaboliques et de la surdité néonatale.

Ces 13 services représentent un total financé estimé à 1 421 620 €. En conséquence on peut considérer que la présente enquête couvre 83% des opérateurs bénéficiant d’environ 88% du budget de financement des programmes d’actions et de recherche et des agréments.

Traitement des réponses

Le fichier a été converti en Excel et ‘nettoyé’ avant extraction des informations. Par nettoyage, nous entendons l’uniformisation formelle de la saisie de certaines données (décimales, mélange de caractères et chiffres…), le regroupement de réponses ouvertes proches sémantiquement, la résolution ou la suppression de réponses contradictoires.

Résultats

Organismes

Une précision importante : lorsque les activités subventionnées sont le fait d’une entité s’insérant dans une institution plus vaste (université, mutuelle…), les réponses attendues portaient sur l’unité/section concernée par le financement dans le cadre du décret du 14 juillet 1997. Ainsi 25 organismes sur 58 comprennent des unités consacrées à la promotion de la santé aux côtés d’autres unités consacrées à la prévention, à l’éducation permanente, aux soins, à l’accueil, à l’information ou à d’autres secteurs d’activités (par exemple dans le cas des communes). On remarque que les asbl sont la forme juridique très dominante (48 sur 58).

Emplois

Les répondants étaient invités à donner trois informations (calculées en équivalents temps plein) :
– nombre d’emplois consacrés à la promotion de la santé dans leur service;
– nombre d’emplois financés par la ‘promotion de la santé’ de la Fédération Wallonie Bruxelles (FWB/PS);
– nombre d’emplois liés au financement par la Communauté française bénéficiant d’une aide à l’emploi (en tout ou en partie).

Plus de 178 emplois sont directement financés par la FWB/PS sur un total de 277 emplois identifiés ‘promotion santé’ dans les organismes. Ce dernier chiffre ne tient pas compte des emplois dédiés à la promotion de la santé qui ne sont pas financés par la Communauté française, par exemple, dans les provinces, les communes, les mutuelles, les fondations, etc.

Il y a un effet de levier non négligeable : 53% des organismes bénéficient d’aides avec 67 emplois totalement ou partiellement concernés. Ces aides à l’emploi ont des origines diverses :
– environ 70% des organismes qui mentionnent des ressources venant des régions déclarent des aides à l’emploi pour les missions de promotion de la santé financées par la Fédération Wallonie-Bruxelles;
– 10% des organismes disposent d’aides à l’emploi dans le cadre du Maribel social ou des articles 60 des CPAS.

On relève aussi d’autres effets de levier : la reconnaissance par les pouvoirs publics ouvre des portes, offre des opportunités en termes de partenariats, accords, facilitation des collaborations, ou encore la possibilité d’obtenir des subsides complémentaires.

Il était aussi demandé aux services de refléter la politique de l’emploi au cours des deux dernières années et les perspectives pour 2014. Des réponses-types étaient proposées, d’autres ont été formulées par les répondants. La synthèse donne les résultats suivants, sur 58 équipes : 26 services avec personnel en préavis ; 11 en situation de précarité; 7 en réorganisation, attente, en questionnement; 14 stables.

L’impact des incertitudes pesant actuellement sur le secteur est donc confirmé, même si la prévention-promotion de la santé a toujours été un secteur aux emplois précaires.

Sources de financement

L’ensemble des 58 services déclarent au total avoir reçu pour 11.490.119 € de financements annuels (moyenne des trois dernières années).

Un tiers des services (19 sur 58) perçoit moins de 100.000 euros par an, 57% (33 sur 58) de 100.000 à 300.000 euros (2) et 6 services plus de 300.000 euros.

44 services mentionnent une ou plusieurs autres sources de financement que le budget promotion santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles : Wallonie (27), Région de Bruxelles Capitale (15), fonds propres (13), fédéral (10), communes (7), provinces (7), fondations (5), etc. Signalons en particulier que 20 services ne sont financés par aucune des deux régions.

De nombreuses ressources non financières sont aussi souvent évoquées, les plus fréquentes étant la mise à disposition de locaux (citée 25 fois) ou encore l’appui pour la gestion comptable et/ou le secrétariat social (10 fois).

Populations concernées

Les répondants ont aussi été invités à estimer la répartition de leurs activités financées par la FWB/PS quant aux tranches d’âge des publics concernés in fine par celles-ci. Les réponses reposent sur une estimation dans la mesure où de nombreux organismes interviennent surtout en deuxième ligne. 10% des organismes ne se sont pas positionnés.Trente-trois services (63%) déclarent de nombreuses activités vers les enfants et les jeunes.

Seuls 15 services déclarent des activités vers les plus de 65 ans. C’est un résultat attendu.Il y a plus d’équipes majoritairement actives en deuxième ligne (32 sur 55) qu’en première ligne (9 sur 55), 14 autres équipes font état d’un équilibre entre les deux types d’activités.Une cinquantaine de services ont utilisé la possibilité qui leur était laissée de mentionner des publics spécifiques. Ces réponses ont été réparties dans six catégories (voir ci-dessous). Il faut être conscient que les répondants ont souvent mentionné plus d’un public spécifique, par exemple une population et des relais concernés par cette population. Outre les réponses reflétées ci-dessous, on retrouve quelques citations plus rares : décideurs, élus, acteurs administratifs, grand public, société civile…

15 organismes citent des publics avec problématiques spécifiques : usagers de drogues légales ou illégales, parents ou enfant d’usagers de drogues, acteurs des milieux assuétudes, personnes diabétiques, personnes en situation de handicap physique ou mental et leur entourage, détenus, personnes vivant avec VIH, y compris migrants et sans-papiers, hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, prostitués, population atteinte de tuberculose et son entourage.

13 organismes citent des patients et publics plus généraux : hommes et femmes de 50 à 74 ans, patients de 45 à 75 ans, tous les patients en médecine générale, jeunes (éventuellement jusque 30 ans), femmes, usagers des maisons médicales ou des services de santé, public festif (y compris transfrontalier).

11 organismes citent des populations à risque d’exclusion : public vulnérable, femmes et filles migrantes ayant subi ou à risque de subir des mutilations génitales ou d’autres formes de violence de genre, femmes migrantes, femmes des milieux populaires, public peu alphabétisé, population migrante ou issue de l’immigration, primo-arrivants demandeurs d’asile, population des Marolles, détenus, sans-abri.

12 organismes citent des populations précarisées : habitants des quartiers des maisons médicales, patients issus de milieux précaires, populations précarisées.

21 organismes citent des relais du secteur de la santé : adultes relais, acteurs santé, futurs professionnels, professionnels des centres de planning familial, des CPMS et SPSE, du milieu scolaire, de l’ONE, des maisons médicales, de santé mentale, médecins généralistes, spécialistes et paramédicaux, partenaires et travailleurs du secteur de promotion de la santé, chercheurs.

18 organismes citent des relais du secteur social et de l’éducation : réseaux féministes, professionnels de première ligne, professionnels de l’éducation et de l’enseignement, acteurs et professionnels locaux, relais auprès des jeunes, travailleurs d’autres secteurs, professionnels oeuvrant dans le champ du handicap ou dans le champ des assuétudes.

Territoires concernés

Les répondants étaient aussi invités à positionner leurs activités sur le territoire des régions.

Un peu moins de la moitié travaillent sur les deux régions de façon équilibrée.

Il a paru éclairant au vu des réorganisations en cours de croiser quelques variables relatives au financement et au territoire d’activité tel que défini par les opérateurs. On remarque ainsi que les 17 organismes qui ne déclarent pas d’autres sources de financement se situent surtout parmi ceux qui interviennent de manière équilibrée dans les 2 régions.

Si l’on rapporte les financements annuels mentionnés au territoire d’activité évoqué, en répartissant pour moitié sur chaque région les subventions des services qui travaillent sur les deux territoires, on obtient une estimation du pourcentage de financement actuellement consacré aux activités vers chacune des régions.

En guise de conclusion (3)

Attendu par le secteur et le Conseil supérieur de promotion de la santé depuis plusieurs années, cet état des lieux a l’immense mérite d’exister. Nous nous plaisons à relever que l’enquête et le traitement de ses résultats ont pu être réalisés dans un délai très court, moins d’un mois. L’important pourcentage de réponses nous incline à penser que cette photographie est un bon reflet de la réalité au début 2014.

La réussite de ce premier exercice nous invite à réfléchir à la mise au point d’un outil léger de monitoring du secteur, qui pourrait nous éclairer sur les évolutions futures de la promotion santé quand elle sera éclatée entre Fédération Wallonie-Bruxelles, Wallonie et Région de Bruxelles-Capitale.

(1) Voir l’article de Chantal Leva, ‘État des lieux des emplois et activités financés par la Fédération Wallonie-Bruxelles en promotion de la santé’, Éducation Santé n°300, mai 2014.
(2) C’est le cas de la Mutualité chrétienne pour la revue Éducation Santé, dotée de 150.000 euros par an (non-indexés) depuis 2008.
(3) Le paragraphe suivant est de Chantal Vandoorne et Christian De Bock , respectivement animatrice et membre du groupe de travail du Conseil à la manœuvre pour ce travail.