Les personnes en séjour irrégulier, encore couramment appelées ‘sans-papiers’, sont des personnes qui ne disposent pas d’un titre de séjour les autorisant à résider sur le territoire de notre pays. La Belgique, en accord avec les traités internationaux qu’elle a ratifiés, leur accorde l’accès aux soins de santé, via une ‘Aide Médicale Urgente’ (AMU). Toutefois, les procédures à suivre pour obtenir cette AMU sont complexes et variables; elles occasionnent pour les CPAS un coûteux travail administratif, parfois inutilement répétitif.Le KCE propose une réforme qui vise à simplifier et harmoniser les procédures administratives d’une part, à rationaliser l’organisation et le suivi des pratiques de soins et à monitorer les coûts d’autre part.
Sans papiers, mais pas sans droits
Les personnes en séjour irrégulier, encore couramment appelées ‘sans-papiers’, sont des personnes qui ne disposent pas d’un titre de séjour les autorisant à résider en Belgique. Il est important de les distinguer des demandeurs d’asile et des réfugiés, qui disposent d’un titre de séjour (temporaire ou définitif).Les personnes en séjour irrégulier ont le droit de bénéficier de soins de santé, car il s’agit d’un droit fondamental de tout être humain. La Belgique a d’ailleurs ratifié, depuis une trentaine d’années, plusieurs traités internationaux en ce sens. L’accès de ces personnes aux soins de santé est donc organisé depuis bien plus longtemps que l’actuelle crise migratoire.
Complexité administrative
Toutefois, les procédures pour y avoir accès sont complexes. C’est ce qui ressort d’une réflexion approfondie menée par l’INAMI en 2014, à l’occasion de ses 50 ans, en collaboration avec Médecins du Monde et plus de 300 acteurs de la santé et du social.C’est dans le cadre de cette réflexion que le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) a été chargé d’analyser en profondeur les mécanismes d’accès actuels et de proposer des pistes viables pour le futur.
Aide médicale urgente
Les personnes en séjour irrégulier en Belgique ne sont pas affiliables à une mutualité. Elles peuvent cependant s’adresser au Centre public d’action sociale (CPAS) de leur commune pour obtenir l’accès aux soins. Le CPAS mène alors une enquête sur leur état de besoin (enquête sociale) et décide d’accorder ou non l’autorisation d’aide médicale urgente (AMU). Contrairement à ce que son nom laisse entendre, l’AMU peut inclure des soins de santé préventifs et curatifs, y compris pour des maladies chroniques.
Combien de personnes sont concernées?
On estime que les personnes en séjour irrégulier seraient entre 85.000 et 160.000, soit 0,8% à 1,4% de la population générale. Seulement 10 à 20% d’entre elles ont eu recours à l’AMU en 2013, soit 17.600 personnes. Ce nombre global est resté stable depuis 2011, après une forte diminution les années précédentes: leur nombre était encore de 22.478 en 2006. Toutefois, étant donné la crise migratoire actuelle, on observera vraisemblablement une augmentation de leur nombre dans les chiffres de 2014 et 2015.Les coûts de l’AMU sont pris en charge par l’État. En 2013, cette aide médicale a coûté 44,6 millions d’euros. Cela représente moins de 0,2% du coût des soins de santé.
Une analyse de terrain
Le KCE a consulté un large panel d’acteurs du terrain ainsi que des personnes en séjour irrégulier pour dégager les points forts et les points faibles de ce système. Conclusion: les procédures en vigueur pour accéder à l’AMU ont le mérite d’exister, mais elles sont appliquées de façon très variable d’un CPAS à l’autre, avec entre 2% et 26% de refus, ce qui se traduit par un accès inégal aux soins. Par ailleurs, les soins couverts dans le cadre de l’AMU varient aussi d’un CPAS à l’autre.Tant les personnes en séjour irrégulier que les prestataires de soins manquent d’informations sur ce que recouvre exactement l’AMU et sur les procédures administratives qui doivent être suivies pour l’obtenir. Des deux côtés, on affirme avoir dû «apprendre sur le tas», ce qui s’est accompagné de son lot de stress, de malentendus, et surtout de retards dans les soins. Enfin, les données relatives à l’AMU ne sont pas centralisées, ce qui rend le monitoring des pratiques de soins et des coûts malaisé pour les autorités publiques.
Harmonisation et simplification
Le KCE propose une réforme qui devrait permettre de trouver un nouveau point d’équilibre entre le respect du droit à accéder aux soins de santé et une utilisation rationnelle des ressources publiques. La réforme proposée suit deux lignes directrices: simplifier et harmoniser les procédures administratives d’une part, rationaliser l’organisation et le suivi des pratiques de soins et monitorer les coûts d’autre part.Concrètement, cette réforme consiste:
- à faciliter et à clarifier les démarches des demandeurs;
- à recentrer le rôle des CPAS sur les aspects sociaux (leur domaine d’expertise);
- à déplacer la responsabilité des décisions médicales vers les médecins (qui doivent ouvrir un dossier médical informatisé pour ces patients);
- à harmoniser la couverture des soins accordés en la calquant sur celle déjà accordée par la loi aux demandeurs d’asile;
- à renforcer l’informatisation des flux d’informations entre les prestataires de soins, les CPAS et les services de l’Intégration sociale;
- à améliorer la communication entre tous les intervenants;
- et enfin à assurer un monitoring centralisé des pratiques de soins et des coûts.
La mise en œuvre de cette réforme nécessitera une concertation entre toutes les institutions impliquées: les services de l’Intégration sociale et de la Santé publique, l’INAMI, la Caisse Auxiliaire d’Assurance Maladie-Invalidité (CAAMI) et l’Union des Villes et des Communes.