Un octogénaire consomme près de trois fois plus d’antidépresseurs qu’un trentenaire. C’est ce qu’il ressort d’une étude réalisée par la Mutualité chrétienne (MC). Chez les femmes de plus de 80 ans, le recours aux antidépresseurs concerne même près d’une personne sur cinq.
La santé physique n’est plus forcément ce qu’elle a été et la mémoire joue parfois des tours, mais les personnes âgées sont plus heureuses que les jeunes. C’est du moins ce que pensent de nombreuses personnes. Certaines études ont déjà pointé une stabilisation, voire même une amélioration du bien-être à un âge plus avancé.
Mais à l’heure actuelle, ces affirmations sont de plus en plus souvent remises en question. Il y a quelques années, une étude britannique a démontré que les symptômes dépressifs ne cessent d’augmenter à mesure que l’âge avance. Le service d’étude de la MC s’est penché sur la situation en Belgique pour en arriver aux mêmes conclusions.
17% de tous les octogénaires que compte notre pays (chiffres MC 2014 extrapolés à l’ensemble de la population belge) consomment des antidépresseurs, contre 6% de trentenaires. Ces tendances sont identiques chez les femmes et les hommes. Toutefois, la consommation d’antidépresseurs est deux fois plus importante chez les femmes que chez les hommes : 21% des femmes âgées de 80 à 90 ans ont recours aux antidépresseurs, contre 11% d’hommes dans la même tranche d’âges.
Ces chiffres concernent les antidépresseurs prescrits exclusivement dans le cadre d’une dépression. Les antidépresseurs utilisés comme antidouleurs ou somnifères ne sont pas pris en compte.
«Les chiffres sont particulièrement inquiétants», commente Jean Hermesse, Secrétaire général de la MC. «Nous savions, d’après la littérature médicale, que la vieillesse prédispose à la dépression. Mais nous ne nous attendions pas à ce que des facteurs liés au vieillissement, comme le déclin physique, la maladie, la solitude et l’approche de la mort, auraient une aussi grande incidence sur la qualité de vie et le bien-être des personnes âgées.»
Et le vieillissement de la population ne va faire qu’aggraver le problème dans les prochaines années. «De plus en plus de gens ont peur de vieillir. Notre société opte trop souvent pour la solution de facilité. Les seniors qui ne se sentent pas bien dans leur peau se voient bien trop rapidement prescrire des antidépresseurs», ajoute-t-il.
En tant que mutualité santé, la MC plaide pour un autre modèle. «Nous ne pouvons pas uniquement considérer la santé comme une donnée physique. Chez la personne âgée, elle est également liée au sentiment de solitude. Notre société crée trop peu de cohésion sociale incluant nos aînés. Elle tend à les isoler et aggrave le repli sur soi. Or, la solitude ne se soigne pas à coups de pilules. La meilleure chose à faire, plutôt que de leur prescrire des antidépresseurs, est de leur consacrer du temps, être présent, leur donner de l’attention et de la chaleur humaine. Des mouvements tels qu’Enéo ou l’initiative d’Infor Santé, le service de promotion de la santé de la MC – jepenseaussiamoi.be – l’ont bien compris et s’y investissent pleinement.»