Mai 2002 Réflexions

L’industrie pharmaceutique brouille délibérément la distinction entre les quelques médicaments qui représentent vraiment un progrès thérapeutique et les nombreuses nouveautés techniques ou commerciales qui n’apportent rien de plus pour les patients.
La Société internationale des revues indépendantes sur le médicament (International Society of Drug Bulletins, ISDB) rassemble dans le monde entier plus de 80 revues de thérapeutique destinées aux médecins, aux pharmaciens et/ou aux patients, toutes indépendantes de l’industrie pharmaceutique.
Les revues de l’ISDB jouent un rôle important, en aidant les professionnels de santé à comparer les médicaments nouvellement commercialisés avec ceux déjà présents sur le marché.
Les revues de l’ISDB directement impliquées dans l’évaluation des nouveaux médicaments se sont réunies dans les locaux de l’une d’entre elles, la revue Prescrire , avec des experts internationaux et ont élaboré une déclaration commune sur les éléments précis qui permettent de considérer un nouveau médicament comme un véritable progrès thérapeutique.
La Déclaration de l’ISDB sur le Progrès thérapeutique énonce qu’une nouvelle substance, ou une nouvelle indication pour une substance ancienne, ne représente un réel progrès thérapeutique que si les malades en tirent un bénéfice supplémentaire par rapport aux traitements qui existent déjà.
Trois éléments peuvent être à l’origine d’un progrès thérapeutique: une meilleure efficacité, de moindres effets indésirables, ou une amélioration notable des modalités de traitement.
Le marché est actuellement saturé par des ‘nouveautés’, des ‘innovations’ qui n’apportent aucune amélioration supplémentaire aux malades, tandis qu’on manque de nouveaux médicaments pour répondre à des besoins de santé non résolus. Ces deux phénomènes sont dus aux mêmes causes.
Les décideurs de santé publique et les agences d’enregistrement des médicaments sont trop complaisants avec l’industrie pharmaceutique. Ils ne lui imposent pas de comparer les nouveaux médicaments aux traitements déjà existants et autorisent de ‘nouveaux’ médicaments qui n’apportent rien de mieux par rapport aux anciens.
Le financement public de la recherche biomédicale est insuffisant pour permettre le développement des médicaments pour des maladies sans traitement efficace. L’ISDB critique le manque de transparence des décisions des agences du médicament. Les professionnels de santé sont privés d’informations comparatives sur l’efficacité et la sécurité d’emploi des médicaments, ce qui les empêche de prescrire ou dispenser en connaissance de cause.
L’édition originale en anglais de la Déclaration et sa traduction en français sont disponibles auprès du président de l’ISDB, le Dr Christophe Kopp (christophe.kopp@wanadoo.fr)
(d’après un communiqué de l’ISDB)

Les mots ne sont pas innocents

Les publications médicales utilisent de plus en plus le terme de consommateur à la place de ceux de ‘malade’ ou de ‘patient’. En réalité, un consommateur est ‘une personne qui achète des biens ou des services pour la satisfaction de ses besoins personnels’ (Dict. Collins). Le terme consommateur est donc bien plus qu’un euphémisme ou une atténuation du mot ‘malade’. En effet, son utilisation tend à nier le rôle des médecins, des pharmaciens et de la relation entre les patients et les professionnels de santé. Le terme consommateur suppose que le malade est informé de manière indépendante et fiable, et qu’il peut faire un choix parmi les médicaments en vente pour traiter n’importe lequel de ses problèmes de santé: c’est rarement le cas.
La connotation commerciale du mot consommateur est évidente. Il insiste implicitement, et parfois à tort, sur le rôle des traitements médicamenteux, et tend à faire oublier les options de traitement non médicamenteuses (chirurgie, surveillance attentive, psychothérapie, etc.). Ceux qui y ont intérêt préfèrent le terme consommateur parce qu’il est en phase avec les concepts de publicité directe au grand public, de commerce électronique de médicaments et de stratégie industrielle de contournement des professionnels de santé, ces derniers étant perçus comme des freins à l’expansion du marché du médicament.
Informer les malades et le public, et en faire des partenaires engagés dans les soins de santé est un objectif louable. Mais le terme consommateur devrait être évité dans la description de la relation entre les patients et les médicaments. Selon les cas, il devrait être remplacé par ‘le public’, ‘les malades’ ou ‘les patients’ (notamment pour ceux qui prennent un traitement prophylactique, par exemple pendant la grossesse ou pour prévenir le paludisme, et qui ne sont pas ‘malades’).
(extrait de la Déclaration , annexe I)