Août 2003 Par M. LION-DELAHAUT Réflexions

Promulgué fin 2001, le décret relatif à la promotion de la santé à l’école, dit «décret P.S.E.», remplace la célèbre loi sur l’Inspection Médicale Scolaire du 21 mars 1964. Celle-ci avait apporté un progrès médical et social indéniable et avait structuré l’implication de l’Etat dans la prise en compte de la santé des élèves.
Cependant, l’évolution de la société et celle du concept de santé ont conduit les pouvoirs politiques à revoir cette loi pour aboutir au présent décret: il se réfère à la définition d’une santé globale prônée par l’Organisation mondiale de la santé et élargit donc les domaines d’intervention des travailleurs en santé scolaire et les objectifs de leurs actions. De plus, il officialise la place réservée aux actions visant la prévention et l’amélioration des conditions de vie scolaire des élèves.
L’article 2 du décret cite en effet quatre secteurs d’activité:
– la mise en place de programmes de promotion de la santé et de promotion d’un environnement scolaire favorable à la santé;
– le suivi médical des élèves (bilans de santé, vaccinations);
– la prophylaxie et le dépistage des maladies transmissibles;
– le recueil standardisé des données sanitaires.

A nouvelles missions, nouvelles compétences

Les trois premiers secteurs d’activités impliquent de nombreux contacts individuels ou de groupe.
Dans la foulée, le décret relatif à la promotion de la santé dans l’Enseignement supérieur hors universités, dit «décret P.S.E. sup.», modifie les pratiques propres à ce niveau d’études. Il ouvre notamment des perspectives nouvelles par l’instauration des «points de contact santé». Ces lieux d’écoute et de rencontre des étudiants renforcent l’aspect relationnel du travail en santé. On peut par ailleurs émettre dès à présent l’hypothèse selon laquelle les thématiques abordées par les étudiants lors de ces entretiens dépasseront largement le domaine de la santé physique…
L’évolution des concepts et, en corollaire, des modalités de travail et des pratiques, implique impérativement, pour les travailleurs du terrain, non seulement de se former dans le domaine scientifique (mise à jour des connaissances scientifiques et médicales, ergonomie scolaire, contre-indications médicales à certaines professions et risques de maladies professionnelles, etc.) mais également d’acquérir une solide formation à l’entretien, en ce compris l’écoute active, et à l’animation de groupes.
Nous ne nous étendrons pas sur les compétences scientifiques: se tenir au courant des études récentes, des nouveaux traitements, des découvertes, etc. est un minimum indispensable.
Toute situation d’entretien demande des aptitudes au contact et une bonne capacité de pratique de l’entretien. En particulier, entendre la demande explicite mais surtout repérer les demandes sous-jacentes et donc non clairement exprimées sont des capacités qui requièrent sensibilité, perspicacité, finesse et subtilité dans la perception d’autrui.
Un entretien individuel n’est pas une conversation de salon, ni un monologue limité à une série de constats médicaux assénés en rafale et une liste de conseils donnés comme des commandements. Traduire les données médicales en termes compréhensibles par les élèves et les parents, leur donner des informations claires et précises, s’assurer qu’ils ont bien compris, écouter et entendre ce qu’ils expriment, souvent par-delà les mots, prendre en compte leurs émotions, leurs sentiments, leurs difficultés, leurs espoirs, dénicher leurs ressources et les valoriser, s’en servir comme tremplin pour (re)dynamiser la personne, etc. sont autant de composantes indispensables à mettre en pratique au cours d’un entretien pour pouvoir atteindre l’objectif que l’on s’est fixé dans un climat de confiance et de respect mutuel.
Il est également indispensable de bien se connaître et de savoir gérer ses propres difficultés afin que celles-ci n’interfèrent pas avec le vécu des consultants. On touche ici à ce que l’on appelle l’évolution personnelle.
De même, une animation de groupe n’est pas une recette toute faite que l’on applique dans une classe. Entendre et répondre aux attentes du groupe, adapter l’animation aux besoins des élèves et à leur âge, tenir compte du climat de la classe, être attentif aux phénomènes de groupe, au rôle particulier de certains élèves dans la classe, faire preuve de souplesse et d’à propos tout en restant ferme, gérer le groupe classe, etc. ne sont pas des dons innés qui s’activent d’un coup de baguette magique…
De plus, toute animation nécessite une réflexion préalable quant
– au choix du thème,
– de la technique à utiliser,
– aux objectifs poursuivis et aux risques d’effets pervers,
– aux attentes et aux besoins des élèves, leur maturité et leur degré de réceptivité par rapport à l’animation prévue,
– au choix de l’animateur (nous ne sommes pas tous à l’aise pour tous les sujets et avec toutes les techniques),
– aux éventuels partenaires de l’animateur, notamment en fonction de ses implications sociales, éducatives, psycho-affectives, etc. En particulier, le partenariat avec l’équipe P.M.S. sera souvent utile et bénéfique pour l’élève. Il a fait d’ailleurs l’objet d’un autre article (1) consacré aux relations entre les Services P.S.E. et les Centres P.M.S.,
– au suivi à apporter à l’animation.
En particulier, le choix du type d’animation à mettre en place revêt toute son importance et conditionne non seulement le déroulement de l’activité mais aussi les capacités personnelles de l’animateur en charge de l’activité. On distingue en effet, et sans entrer dans les détails, deux grands groupes d’animations: celles qui apportent des informations aux participants et suscitent une discussion générale et celles qui ont un degré d’implication plus grand et s’appuient sur le vécu personnel des participants pour faire évoluer le groupe. Le lecteur comprendra aisément que ces deux méthodologies requièrent des formations différentes de la part des personnels qui les pratiquent.
Enfin, à d’autres moments, le travailleur en santé participera à des réunions de divers ordres (séances d’information, de concertation, de négociation…), avec des partenaires divers (collègues directs, équipes P.M.S., enseignants, autorités scolaires, partenaires extérieurs…) et avec des contenus divers (discuter de l’état de santé d’un élève, organiser une activité en partenariat, négocier un projet, obtenir une plage horaire pour réaliser une activité dans une école…).
Son attitude devra être adaptée à chacune de ces situations et la variété de celles-ci implique également la variété des compétences personnelles à mettre en jeu, compétences qui s’acquièrent pour autant qu’on le veuille et qu’on s’en donne les moyens.
Loin de moi l’idée de faire paniquer les infirmières et les médecins en mettant en évidence les prérequis d’un travail de qualité et en prônant des formations touchant à l’évolution personnelle… Je souhaite simplement les encourager à se perfectionner.
J’ai souvent constaté qu’une part de l’anxiété du personnel face aux tâches multiples qui lui incombent est due à un manque de formation approfondie. Dans le même ordre d’idée, j’ai aussi remarqué que les infirmières qui réalisaient peu d’entretiens individuels et/ou peu d’animations de groupe, sont souvent des personnes qui n’ont pas reçu de formation à ces pratiques et qui craignent la relation avec les consultants. Le choix d’une formation adéquate leur a permis d’exprimer leur vécu et d’acquérir une plus grande maîtrise de ces techniques.
C’est une lapalissade de dire qu’apprendre et se former augmentent la confiance en soi et facilitent la réussite professionnelle, mais il me plaît de le rappeler. Apprendre à connaître l’autre, apprendre à découvrir sa lecture de la réalité, apprendre à mieux le comprendre dans ses réactions et ses émotions, apportent le plaisir de la rencontre, renforcent la relation et aident à atteindre les objectifs fixés.
Loin de moi également l’idée que toute formation est magique: elle ne résout pas toutes les difficultés et l’implication personnelle peut parfois être douloureuse. Elle est cependant toujours source d’enrichissement et d’évolution positive.
La formation des infirmières et des médecins mise en place par la Ministre Nicole Maréchal vise la découverte et l’utilisation d’outils de promotion de la santé. Elle se situe donc à un niveau informatif et fonctionnel visant le « savoir faire ».
Il serait utile de la compléter par diverses formations en rapport avec la pratique de l’entretien individuel et de l’animation de groupe, dans un cadre général et dans une perspective d’évolution personnelle. Ces formations transversales axées sur le « savoir être » pourraient alors se transférer dans n’importe quel entretien et n’importe quelle animation de groupe, quels qu’en soient le thème, les participants concernés et la technique précise développée.
Savoir faire et savoir être garantissent un personnel compétent pour le plus grand bénéfice des élèves et de leur famille.
Le Service d’Inspection P.M.S. est particulièrement attentif à la formation des personnels P.M.S. Dans le réseau de la Communauté française, il recommande vivement aux infirmières de suivre des formations comme celles décrites dans cet article. Vu l’évolution du concept de santé et l’extension des missions telles que définies dans les nouveaux décrets, il lui a paru intéressant de suggérer les mêmes formations aux personnels des Services P.S.E., bien que ces derniers ne relèvent pas des compétences de l’inspection P.M.S. Ces personnels et les autorités dont ils relèvent voudront bien ne voir aucune intrusion de l’inspection P.M.S. dans leurs prérogatives mais simplement un partage de réflexions dont le seul souci est le bien des élèves et de leur famille.
Marguerite Lion-Delahaut , inspectrice coordonnatrice f.f. pour les Centres P.M.S.
Adresse de l’auteur: rue de l’Espinée 1, 6222 Brye
(1) LION-DELAHAUT M., Concertation et collaboration avec les équipes PMS, in Education Santé n° 180, juin 2003, pp. 11-12.