Par Carole FEULIEN Initiatives

Éducation Santé: Pourquoi avoir répondu à l’appel de la Fondation Roi Baudouin?
Sophie Crapez : Au départ, l’asbl a réalisé une étude permettant d’établir les besoins en matière de santé. C’est ainsi que le problème de la santé cardiovasculaire a pu être mis en évidence.
Depuis plusieurs années, l’asbl développe un projet ‘alimentation saine’ et propose des activités sportives. Ce financement de la Fondation Roi Baudouin a favorisé la mise en forme, la coordination et une meilleure cohérence de l’ensemble du projet en tenant compte de différentes thématiques liées à la santé du cœur: alimentation, activité physique et tabagisme.
ES: Quelle est votre public cible?
SC : Il s’agit d’un public difficile à atteindre et à toucher par les messages classiques de prévention et de promotion de la santé. Pour ce public, les outils doivent être adaptés: plus concrets, plus accessibles, plus ludiques et privilégiant les messages oraux plutôt qu’écrits.
75% de ce public est masculin, la plupart sont sujets à de fortes assuétudes (95% de fumeurs), 75% vivent en errance sans un toit au-dessus de la tête (source de stress et d’angoisse permanents), près de 80% n’ont aucune occupation journalière et mènent une vie sédentaire, hormis les déplacements entre les différents services sociaux. Aussi, la plupart d’entre eux vivent une énorme solitude en rue et dans les logements pour ceux qui en ont, et la majorité a de mauvaises habitudes alimentaires et un déficit en informations adaptées.
ES: Qu’avez-vous mis en place pour eux?
SC : Nous avons d’abord analysé la situation du public cible en matière de conditions de vie, de connaissances, de besoins et de comportements en matière de santé. Ensuite, nous l’avons sensibilisé aux risques cardiovasculaires en 3 étapes: des séances d’information pour l’équipe et principalement pour les accueillants, qui sont des relais essentiels vis-à-vis des accueillis, une information sur les affiches et les outils utiles pour la communication auprès du public et des rencontres avec le public cible.
Plus concrètement, les différentes activités développées dans le cadre du projet abordent des sujets classiques, mais de façon adaptée à notre public.
Des ateliers cuisine «La santé dans l’assiette» ont lieu 1 fois par semaine et regroupent maximum 12 personnes. L’ensemble du groupe propose un menu (entrée, plat, dessert) et celui-ci est analysé par une diététicienne de l’Observatoire de la Santé du Hainaut pour l’aspect nutritionnel et par les travailleurs sociaux de l’asbl pour l’aspect financier. Le menu est réalisé par tous les participants. Pour une meilleure ouverture vers l’extérieur, pendant chaque séance de cuisine, des personnes sont invitées à venir partager le repas (travailleurs d’autres services, agents de police du quartier, voisins de quartier…).
Un débriefing est réalisé à la fin de chaque activité; ce moment permet aux travailleurs sociaux d’aborder certaines questions relatives à la santé cardiovasculaire. Une évaluation de l’activité est effectuée tous les 2 mois.
Actuellement, il y a eu 270 participations aux ateliers cuisine.
Nous proposons aussi un espace cuisine «Alimentation saine, même dans la rue».
L’espace cuisine est ouvert à tout le public cible de l’asbl. Il ne s’agit pas d’un projet participatif, l’objectif étant d’offrir des aliments plus sains aux personnes fréquentant l’accueil de jour (fruit, soupe, jus…). Il faut savoir qu’environ 600 personnes fréquentent le centre de jour chaque année.
Les activités sportives ne sont pas oubliées avec «Sport pour tous, tous pour le sport».
Avec la collaboration de centres sportifs du coin, différentes activités sont proposées: foot en salle, promenades à vélo, volley, natation, bowling…
Ces activités regroupent des travailleurs sociaux et des bénéficiaires, ce qui permet d’instaurer un climat de confiance entre eux. La participation est relativement bonne, principalement pour le mini-foot.
Après chaque activité, un débriefing est organisé. Les avantages directs de l’activité sont également abordés (pas de tabac ni d’alcool pendant l’activité, douche après les efforts physiques…). Les travailleurs sociaux profitent également de ce moment pour rappeler les bénéfices pour la santé de la pratique régulière de l’activité sportive, en utilisant des messages simples et très explicites.
Et nous avons aussi un projet tabac . Notre public a une consommation beaucoup plus élevée que la population générale, 95% des accueillis consomment du tabac! «Une semaine sans tabac» est organisée une fois tous les 2 mois environ. Au cours de cette semaine, il est interdit de fumer du tabac à l’intérieur du centre d’accueil de jour. Des séances d’information sont réalisées en interne, et des conférences sont prévues. Une tabacologue partenaire nous appuie techniquement pour cette semaine.
ES: Ces nombreuses actions vous ont-elles permis de nouer des partenariats dans la région?
SC : Dans le cadre de ce projet, l’asbl Comme chez nous collabore avec l’Observatoire de la Santé du Hainaut, le CLPS, quelques centres sportifs et la Banque Alimentaire.
ES: Vous nous avez déjà donné quelques résultats. Mais comment évaluez-vous votre action?
SC : L’évaluation quantitative et qualitative est envisagée mais les outils d’évaluation sont encore à l’étude, à l’exception des débriefings en fin d’activités. Cette phase du processus doit être réfléchie par l’équipe et des outils d’évaluation doivent être mis en œuvre assez rapidement.
ES: Si l’évaluation est encourageante, comment comptez-vous pérenniser le projet?
SC : L’ensemble du projet est développé dans une approche intégrée et transversale à tous les services et projets mis en place par l’asbl, ce qui en favorise la pérennisation. Certaines activités existaient d’ailleurs déjà avant le financement de la Fondation Roi Baudouin.
Propos recueillis par Carole Feulien
Pour plus d’informations: Sophie Crapez, Coordinatrice – Comme chez nous asbl, rue Léopold 36c, 6000 Charleroi, 071 30 23 69, sophiecrapez@hotmail.com.