Juin 2009 Par Christian DE BOCK Initiatives

«L’alcool au volant, jamais! Avant, je ne dis pas…» (Coluche)
Après la campagne ‘Alcool et autres drogues, le vrai et le faux’ (1) l’an dernier, l’asbl iDA (information sur les Drogues et l’Alcool) a remis le couvert cette année, toujours avec l’appui de la ministre fédérale des Affaires sociales et de la Santé publique Laurette Onkelinx, et les moyens – importants – du fonds assuétudes (2).
«Quand l’alcool coule à flots, on est vraiment rigolo», avance iDA, l’ASBL réunissant les trois organisations de coordination sectorielles qui s’occupent des problèmes d’alcool et d’autres drogues en Belgique: FÉDITO wallonne, FÉDITO bruxelloise ainsi que l’asbl flamande VAD (Vereniging voor Alcohol- en andere Drugproblemen).
Et l’asbl iDA de s’empresser d’ajouter: «Ne vous racontez pas d’histoires. Boire trop ne finit jamais bien», avant de renseigner les sites/centres d’appels http://www.infordrogues.be (02 227 52 52) ou http://www.druglijn.be (078 15 10 20).
iDA a fait de son interpellation le leitmotiv de sa nouvelle campagne nationale de sensibilisation des jeunes aux problèmes d’alcool. Elle tend un miroir aux jeunes et s’insère au cœur même de la vie de son groupe cible au travers de spots télé illustrant des fêtes qui dérapent, de bandeaux (vidéo) et de diffusion de messages, par des techniques de marketing viral, sur Facebook, MSN, YouTube, divers blogs, etc.
La campagne vise également les lieux de rassemblement des jeunes (universités, hautes écoles, écoles secondaires, maisons de jeunes, lieux de sorties, etc.) par le biais d’affiches et de cartons de bière reprenant notamment le message «Passer une tournée, ce serait mauvais pour l’économie mondiale».
« Nous estimons qu’il est primordial que les jeunes comprennent ce qui est acceptable en termes de consommation d’alcool et ce qui ne l’est pas . Nous donnons aux jeunes des informations appropriées et des éléments de réflexion pour discuter du sujet . C’est ainsi que nous pouvons progressivement les amener à adopter une attitude critique à l’égard de l’alcool », souligne Marijs Geirnaert , directrice de la VAD.
Ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dépend souvent de l’âge des personnes concernées. Par exemple, en-dessous de 16 ans, la consigne est l’abstinence totale. « À ce sujet les règles sont actuellement peu claires : les moins de 16 ans ne peuvent pas commander une bière au café , mais ils peuvent sans aucun problème aller en acheter une au magasin du coin . Cette situation crée la confusion et les messages envoyés vers les plus jeunes manquent actuellement de clarté . C’est pourquoi l’interdiction de vente aux moins de 16 ans sera bientôt élargie à ces situations .», souligne Laurette Onkelinx .
Les limites d’une consommation d’alcool acceptable dépendent également des situations. « Le caractère problématique d’une consommation d’alcool déterminée n’est pas seulement lié au développement d’une dépendance , il peut viser des situations ou des moments inappropriés : en conduisant un véhicule , au travail , pendant une grossesse , etc .», explique le docteur Serge Zombek , président d’iDA asbl (3).
iDA ne se raconte pas d’histoires non plus: une campagne ne suffit pas à faire changer les comportements. « Mais les campagnes ouvrent des portes en communiquant , d’une manière opportune , sur des thèmes actuels , comme la convention collective du travail 100 du 1er avril 2009 qui stipule que les entreprises du secteur privé doivent mener une politique en matière d’alcool et de drogues à l’horizon du 1er avril 2010 . La nouvelle campagne ne peut que renforcer les initiatives de prévention lancées dans ce cadre », conclut Marijs Geirnaert.

Notre commentaire

Pour toucher les grands adolescents et les jeunes adultes, le ton est cette fois nettement plus agressif que l’an dernier, les deux spots TV jouent clairement la provocation. Si l’objectif de dénormaliser la consommation excessive de boissons alcooliques est tout à fait louable, le moins qu’on puisse dire est que l’agence de communication LDV United n’y a pas été avec le dos de la cuiller.
Dans un premier spot, on voit un homme vomir quelques instants avant d’être embrassé à pleine bouche par une belle blonde, et, dans le second, un jeune cadre (toujours un homme donc), peloter une cliente, uriner dans une plante, bousculer son patron à l’occasion d’un pot bien arrosé.
Ca passe ou ça casse!
Certains estimeront que les jeunes seront réceptifs à une communication exagérée, voire sordide, dans la ligne des vidéos ‘alcool’ postées sur le net et qu’ils plébiscitent. D’autres, plus sensibles à une communication jouant sur la capacité de la ‘cible’ à réfléchir sur sa consommation, trouveront cela particulièrement désolant. Un participant à la conférence de presse de lancement de la campagne, consterné, me confiait: ‘Du vomi, puis du pipi, c’est vraiment de la m…’
Détail croustillant, au moment même où cette campagne ‘anti-alcool’ démarrait, une autre, radio celle-là, et sur un sujet qui n’a rien à voir (l’Internet gratuit le weekend), s’attachait au contraire à normaliser la consommation d’alcool. Le ‘pitch’ étant que le surf de fin de semaine est gratuit dans toutes les villes belges, un jeune homme demande à un autre mec (toujours les hommes, ils savent sans doute pourquoi…), si cela vaut aussi pour Chimay, Grimbergen, Westmalle et Tongerlo (je cite les ‘villes’ de mémoire).
Les paranoïaques penseront qu’Arnoldus a co-financé la chose pour compenser son engagement ‘citoyen’ dans les campagnes ‘Bob’ de l’IBSR!
Christian De Bock

(1) Voir l’article http://www.educationsante.be/es/article.php?id=992 sur notre site.
(2) Pour son travail discret et intelligent sur l’alcoolisme et les jeunes, l’asbl Univers santé travaille toute l’année avec un budget dix fois inférieur à celui de cette seule campagne de 15 jours. Cherchez l’erreur!
(3) Nous reviendrons sur l’intervention nuancée de ce dernier dans un prochain numéro.