Novembre 2010 Par X. MALISOUX Initiatives

Le Centre de prévention du suicide et d’accompagnement en Région wallonne

Chaque jour en Belgique, 6 personnes meurent par suicide… Et 10 fois plus tentent de se suicider ! Depuis maintenant trois ans, l’équipe de l’asbl «Un pass dans l’impasse» œuvre avec conviction à développer un service d’aide psychologique pour répondre à un double objectif, à la fois préventif et curatif, en matière de suicide.

Le suicide, un tueur silencieux

Les politiques actuelles s’inscrivent assurément dans une perspective sécuritaire. Pourtant, à mesure que les pays se modernisent et se dotent de dispositifs de prévention technologiques et médicaux performants, le suicide tend à progresser.
Dans la plupart des pays occidentaux, le suicide est la première cause de mortalité chez les personnes de 25 à 35 ans et la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 25 ans après les accidents de la route. Il y a six à dix fois plus de suicides réussis que de meurtres et d’assassinats. Didier Robin avait synthétisé ces statistiques en une formule assez provocatrice mais riche de sens: nous vivons à une époque où l’on court beaucoup plus le risque de se tuer soi-même que d’être tué par un autre !
La Belgique ne fait malheureusement pas exception. Nous sommes confrontés à un véritable phénomène de crise mais ce n’est pas la seule raison de ces constats inquiétants. Le suicide est, plus que bien des maladies, un tueur silencieux et insidieux.
Pour l’entourage du suicidant, cet acte est souvent frappé d’incompréhension, voire même de honte. La question de la levée du silence entourant le suicide reste délicate car il s’inscrirait encore aujourd’hui sous le sceau du tabou. L’existence de lieux de parole spécialisés est dès lors primordiale pour permettre la mise en mots et ainsi éviter les écueils du silence.
Le suicide est souvent considéré comme la griffe de la désespérance individuelle et sociale. Il évoque pour beaucoup le refus d’une existence douloureuse et devenue insupportable. Passage à l’acte brutal ou parfois différé une vie durant, il peut être compris comme une ultime tentative pour dire l’indicible.
Ce phénomène est complexe, tant du point de vue psychologique que médical ou social, car il renvoie à de multiples facteurs. En effet, il trouve son origine tant dans l’histoire personnelle que dans le vécu actuel de l’individu, et comporte très souvent une composante relationnelle. Cet acte mortifère illustre ainsi le paradoxe de Kafka: «Loin, loin de toi se déroule l’histoire mondiale, l’histoire mondiale de ton âme…».

Le centre «Un pass dans l’impasse »

Depuis maintenant trois ans, le Centre de prévention du suicide et d’accompagnement «Un pass dans l’impasse » s’attache à développer un service de qualité en matière d’aide aux personnes prises dans le tourment suicidaire et de soutien à leur entourage.
Le centre poursuit principalement quatre axes de prévention:
-les activités à destination du grand public , telles que l’organisation de colloques, de soirées-débats, diverses publications, et des formations accessibles tant aux acteurs du secteur médico-psycho-social qu’aux professionnels de l’éducation. L’objectif est d’apporter une information claire sur le processus suicidaire, les signes précurseurs d’un passage à l’acte, et comment y faire face ;
l’intervention lorsque la crise suicidaire est avérée . À ce niveau, l’objectif est de contenir la crise et de diminuer l’urgence en sécurisant la personne. Les conventions de collaboration que nous avons établies avec diverses structures de soin en santé mentale et les services d’urgence de plusieurs hôpitaux en région wallonne nous permettent d’intervenir dans les 72 heures qui suivent un comportement suicidaire. Nous pouvons dès lors apporter un soutien direct à la personne suicidante et à son entourage ;
l’accompagnement psychothérapeutique à court terme que nous mettons en place avec la personne suicidaire. Notre objectif premier est d’évaluer le potentiel suicidaire en termes de risque, d’urgence et de dangerosité. Le cas échéant, lorsque ce potentiel est évalué comme étant moyen ou élevé, un contrat de non-suicide sera signé entre l’intervenant et la personne. L’essentiel dans tous les cas est de préserver la continuité du lien par des relances régulières. Nous essayons au maximum d’inclure l’entourage dans ce processus d’accompagnement ;
l’intervention dans le milieu (professionnel ou scolaire) où le suicide est survenu. L’objectif est d’éviter la « contagion » et les phénomènes associés par l’animation d’un espace de parole adapté sur base de la technique du debriefing. Il s’agit de permettre l’expression des émotions face à la soudaineté et à la violence de l’effraction de la mort dans le quotidien du groupe.
En outre, le centre propose une démarche d’accompagnement aux personnes confrontées au décès d’un proche par suicide ou dans des circonstances traumatiques. L’accompagnement psychologique vise alors à dépasser la détresse affective liée à la perte. Ces activités se déroulent en entretien individuel ou sous la forme d’un groupe de parole pour personnes endeuillées.
Le centre s’est rapidement inscrit dans une démarche de proximité et pour favoriser l’accessibilité aux services proposés. Après à peine deux années de fonctionnement, déjà trois antennes ont vu le jour:
-à Liège, en collaboration avec la Mutualité Solidaris et les Femmes Prévoyantes Socialistes du réseau Solidaris, dans les locaux de l’Espace M, au coeur du quartier Sainte-Marguerite, rue des Fontaines Roland 29 (consultation sur rendez-vous, les lundis de 13h à 17h et les jeudis
de 9h à 13h).
-à Charleroi, en collaboration avec la Fédération des Mutualités Socialistes du Bassin de Charleroi et de Latitude Jeunes, rue d’Orléans 34 (consultation sur rendez-vous, les mardis de 9h à 13h, les mercredis de 13h à 17h et les jeudis de 13h à 17h).
-à Marche-en-Famenne, en collaboration avec la Mutualité Socialiste du Luxembourg, rue du Vivier 5 (consultation sur rendez-vous, les lundis de 9h à 13h et les vendredis
de 13h à 17h).
D’autres antennes suivront.
La mission principale de ces antennes est de permettre une prise en charge rapide, efficiente et gratuite des personnes suicidaires et l’accompagnement de leur entourage. De plus, elles permettent de garantir un « filet de sécurité » associatif en favorisant les synergies et en développant des partenariats féconds avec les réseaux locaux. De cette manière, le centre entend adopter une attitude préventive réelle.
Afin de répondre à la demande croissante et pour assurer le fonctionnement de ces structures, l’équipe s’est agrandie pour compter aujourd’hui cinq psychologues, un assistant social, une accueillante téléphonique et un assistant administratif. En outre, le centre s’est établi dans de nouveaux locaux plus spacieux et mieux adaptés à Saint-Servais (Namur). Des consultations gratuites et une permanence téléphonique y ont lieu du lundi au vendredi de 9h à 17h.
Dans un contexte de confidentialité et de respect, les intervenants veillent à faciliter l’expression de la souffrance, à clarifier la situation, à mobiliser les ressources de chacun et à prendre du recul en vue d’ouvrir d’autres voies. En effet, permettre la compréhension de la spirale suicidaire, c’est restituer à l’individu la possibilité d’agir à chaque étape du processus dans le but de freiner l’emballement et d’envisager une autre issue.
L’enjeu de l’accompagnement psychologique est d’aider la personne à remobiliser en elle, et autour d’elle, ses ressources créatives et à ressaisir les outils qui lui permettent de façonner son existence. Cette créativité est essentielle à tout un chacun car elle permet de dépasser la tension vitale entre la rigidité et la souplesse, la droite et la courbe…
Xavier Malisoux , psychologue, coordination scientifique et publications
Pour toute information: « Un pass dans l’impasse », Centre de prévention du suicide et d’accompagnement en Région wallonne, chaussée de Waterloo 166, 5002 Namur, Tél.: 081 777 150, fax: 081 777 159, courriel: info@lesuicide.be, site: http://www.lesuicide.be