Dans une société démocratique, qui reconnaît à ses citoyens le droit à disposer librement de leur corps et de leur vie, il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’avortement, il s’agit d’accepter que chacun puisse faire des choix libres et éclairés à tous les moments de sa vie. La démocratie c’est donc aussi accepter que les femmes et les couples choisissent d’avoir un enfant au moment où ils le souhaitent et décident parfois de ne pas devenir parents lorsqu’une grossesse non désirée survient.
Depuis le 3 avril 1990, une loi belge dépénalise partiellement l’avortement, la loi Lallemand-Michielsen. Cette loi permet l’accès à l’interruption volontaire de grossesse pour toutes les femmes, quel que soit leur âge, leur état civil ou leur origine, dans de bonnes conditions médicales et sanitaires, avec un soutien psychologique. Les avortements peuvent être pratiqués à l’hôpital ou en centres extra-hospitaliers, mieux connus à Bruxelles et en Wallonie sous le nom de centres de planning familial.
La loi fixe le délai maximum de l’intervention à 12 semaines de grossesse lorsque la femme se trouve en situation de détresse sociale, psychologique ou économique. Au-delà de ce délai, seules des raisons médicales liées à la santé de la mère ou de l’enfant peuvent être invoquées pour pratiquer une interruption thérapeutique de grossesse. Cette dernière se pratiquera toujours en milieu hospitalier.
La loi reconnaît aussi au médecin le droit de ne pas pratiquer l’IVG si ses convictions personnelles lui font obstacle; il est alors tenu d’en informer la patiente et de l’aiguiller vers un autre médecin. Depuis 2 ans, une convention établie entre l’INAMI et les centres extra-hospitaliers permet le remboursement de l’IVG. L’avortement est donc désormais pris en charge financièrement par la société, pour les personnes bénéficiant d’une couverture sociale.
La Belgique n’a rien à envier à l’Europe: la loi de 1990, même si elle maintient l’avortement dans le code pénal, est une bonne loi. Faut-il rappeler qu’en Irlande, au Portugal, en Pologne et à Malte, les femmes avortent encore dans la clandestinité?
La pratique de l’IVG aujourd’hui en Belgique
Les méthodes
Deux méthodes sont utilisées en Belgique pour interrompre artificiellement une grossesse. Le choix dépend entre autres de l’âge de la grossesse.
La méthode chirurgicale par aspiration est utilisée entre 6 et 12 semaines de grossesse. Elle est généralement pratiquée sous anesthésie locale, le recours à l’anesthésie générale étant cependant possible en milieu hospitalier. Selon le rapport de la Commission d’évaluation, cette méthode a été utilisée pour plus de 3/4 des IVG pratiquées en 2003.
La méthode médicamenteuse par absorption de mifépristone (Myfégine®), une substance antiprogestative, est pratiquée jusqu’à 7 semaines de grossesse. Ce médicament est commercialisé en Belgique depuis septembre 2001. L’IVG se déroule en deux étapes: l’absorption de la pilule abortive qui arrête l’évolution de la grossesse et l’expulsion de l’embryon, 36 à 48h plus tard.
Les lieux
La loi prévoit que l’avortement doit être pratiqué dans «un établissement de soins où existe un service d’information qui accueillera la femme enceinte et lui donnera des informations circonstanciées…».
Concrètement, l’avortement est pratiqué soit en milieu hospitalier, soit en centres extra-hospitaliers. Ces derniers se sont développés différemment selon les régions. La grande majorité des IVG y sont pratiquées.
Hôpitaux et cliniques
Certains hôpitaux sont à la base de la militance pour l’accès à l’avortement et ont le souci d’accueillir les demandes d’IVG dans de bonnes conditions.
Mais, le plus souvent, les hôpitaux et les cliniques apparaissent comme des structures peu adaptées à recevoir ces demandes. Ils n’offrent ni l’accueil ni l’accompagnement proposés dans les centres de planning familial. C’est souvent le médecin seul qui mène l’entretien préalable à l’intervention, sans l’appui d’un psychologue. L’acte est généralement peu valorisé. On assiste également dans certains hôpitaux à un nombre exagéré d’anesthésies générales et donc d’hospitalisations, ce qui ne correspond pas nécessairement à l’intérêt de la femme.
D’autres hôpitaux choisissent de renvoyer systématiquement les demandes d’IVG vers les centres de planning familial, mettant en avant l’accueil spécifique que ces derniers réservent aux demandes d’IVG. Cette attitude tend à se développer.
Les centres d’avortements en Flandre
Avant la loi de 1990, les centres de planning familial néerlandophones (CGSO), subissant une pression plus ferme de l’Eglise catholique, n’avaient pas intégré les interruptions de grossesse dans leurs activités. Elles étaient réalisées par d’autres centres, peu nombreux et répartis géographiquement afin de couvrir au mieux la demande de la population flamande: Gand, Anvers, Hasselt, Ostende et deux centres à Bruxelles.
Aujourd’hui, il existe donc 6 centres IVG pour 6 millions d’habitants et les centres de planning familial ont été supprimés. Avant le 1er janvier 2003 et la convention avec l’INAMI, les centres d’avortements ne bénéficiant d’aucun subside régional ou communautaire, fonctionnaient uniquement sur fonds propres. Le facteur de survie de la structure était alors prépondérant au détriment de l’accompagnement psycho-social des femmes.
Aujourd’hui, la situation s’est nettement améliorée et les centres d’avortements proposent des services d’excellente qualité. Cependant, notre expérience en centre de planning familial nous amène à nous questionner sur ces points: la rencontre avec la patiente n’existe qu’autour de la question de cette interruption de grossesse, il n’y a donc pas de suivi après l’IVG sur les questions de contraception; le droit à la discrétion pour les femmes qui s’y présentent et qui sont donc identifiées comme des femmes en demande d’avortement, et, enfin, le petit nombre de centres proportionnellement à la population.
Les 6 centres d’avortements ont déclaré, en 2003, 6344 IVG alors que les 29 centres de planning familial répartis à Bruxelles et en Wallonie en ont déclarés 7063.
Les centres de planning familial à Bruxelles et en Wallonie
Il existe 97 centres de planning familial, 29 d’entre eux pratiquent les IVG: 14 en Wallonie et 15 à Bruxelles. Tous sont membres du GACEHPA, Groupe d’action des centres extra-hospitaliers pratiquant l’avortement.
La pratique liée à l’IVG développée dans les centres de planning familial est unique en Europe: une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, psychologues, assistants sociaux, juristes et éventuellement de conseillers conjugaux et de sexologues, travaille de concert à la prévention en santé sexuelle et affective, propose des consultations spécialisées et accompagne les femmes dans leur choix en cas de grossesse non désirée. Ceci implique qu’une même équipe peut rencontrer une jeune femme en animation scolaire et l’accueillir dans le centre pour lui prescrire sa contraception.
Chaque échec de contraception amènera l’équipe à remettre sa pratique en question. Ce suivi nous apparaît comme primordial et indispensable pour mener à bien un travail de prévention et de consultation efficace.
Lors d’une demande d’IVG, un premier entretien entre la patiente et une accueillante permet de clarifier la demande, de discuter du choix dans le respect de la personne et sans influencer sa décision. La patiente rencontre ensuite le médecin pour un examen gynécologique et pour définir le choix de la méthode. Un délai de 6 jours de réflexion est obligatoire entre ces premières rencontres et l’intervention. L’IVG chirurgicale est pratiquée par le médecin et en présence de l’accueillante. L’IVG médicamenteuse implique deux visites de la patiente, toujours en présence du médecin et de l’accueillante. Une visite de contrôle est prévue deux semaines après l’intervention avec le médecin et éventuellement l’accueillante.
Les centres contre l’avortement
Il existe encore des centres qui s’auto-proclament de planning familial mais qui sont en réalité des centres opposés au droit de choisir, radicalement contre l’avortement. Ces centres n’hésitent pas à tromper les femmes qui se présentent chez eux avec une demande d’interruption de grossesse en prétendant les accompagner dans ce choix tout en leur tenant un discours culpabilisant, en les trompant si nécessaire sur l’âge de la grossesse, en fixant des rendez-vous hors délai. Il nous faut déplorer l’existence de tels centres à Bruxelles et en Wallonie.
D’après le dossier de presse de la Fédération laïque des centres de planning familial. Adresse: rue de la Tulipe 34, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 502 82 03. Fax: 02 503 30 93. Courriel: flcpf@planningfamilial.net. Internet: http://www.planningfamilial.net .
Deux idées fausses à propos de l’avortement
Légaliser l’avortement revient à en augmenter le nombre
Il est indispensable de se rappeler que les femmes ont toujours avorté, que l’avortement soit légalisé ou non. La différence fondamentale apportée par la légalisation est l’assurance d’une intervention réalisée dans des conditions médicales, sanitaires et psychologiques dignes.
La légalisation de l’avortement n’augmente pas le nombre d’avortements mais elle évite à 99% les complications médicales, elle permet l’accompagnement psychologique des femmes dans leur prise de décision, au moment de l’intervention et après. Pour la majorité des femmes, en Belgique, le recours à l’avortement est unique et accidentel, il n’est en aucun cas assimilé à une méthode contraceptive.
Les chiffres disponibles
Le rapport 2002-2003 de la Commission d’évaluation fait état de 10.380 IVG déclarées en 1993, et de 15.595 dix ans plus tard, en 2003.
On pourrait donc croire à une augmentation de 50 % des IVG en 10 ans. Il n’en n’est rien et la Commission elle-même est la première à le souligner. Ces chiffres sont établis sur base des déclarations des institutions pratiquant l’avortement. Ces déclarations tendent à s’améliorer au fil des années et nous arrivons peu à peu à une généralisation progressive de la communication des données par les institutions pratiquant l’avortement. Il est certain que la convention INAMI, effective depuis le 1er janvier 2003, favorise une déclaration quasi systématique des avortements pratiqués en centres extra-hospitaliers.
Par contre, si certains hôpitaux participent à ce processus de communication, d’autres semblent plus réticents à révéler leurs chiffres, les raisons variant probablement, selon les tendances philosophiques, entre l’envie d’échapper à la lourdeur administrative des déclarations et la volonté de ne pas associer son établissement à l’image de l’avortement.
Cependant, notre travail de terrain nous permet d’affirmer que les centres n’ont pas, eux, observé de variation significative dans le nombre de demandes.
Dans une société où l’on a accès à la contraception, l’avortement devrait disparaître
La contraception permet aux femmes de contrôler dans une certaine mesure leur fécondité. Il faut donc commencer par leur donner l’accès financier et «éducatif» à cette contraception.
Mais quoi qu’il en soit, l’usage de la contraception n’est pas infaillible: près de la moitié des avortements pratiqués en 2003 sont le résultat d’une mauvaise utilisation ou de l’inefficacité de la méthode contraceptive choisie. D’autre part, les questions de la sexualité, de l’amour et du désir ou non d’enfant relèvent aussi, surtout, de l’irrationnel. Et cette donnée-là ne sera jamais contrôlable…
L’interruption volontaire de grossesse
L’Union nationale des mutualités socialistes a publié une brochure rappelant les grandes lignes de la loi.
Quand un avortement peut-il être pratiqué? Dans quelles conditions sanitaires et médicales? A partir de quel âge? Quelles sont les garanties de confidentialité?
Elle aborde les aspects pratiques: à qui s’adresser? Quelles sont les différentes méthodes? Quels sont les risques? Quel suivi est pratiqué?
Un chapitre est également consacré aux obligations légales du médecin qui pratiquera l’IVG.
Enfin, la brochure insiste sur le fait que l’IVG doit rester l’ultime recours en cas d’échec de la contraception, qu’il faut investir dans la prévention et continuer à informer les femmes et les hommes sur les méthodes de contraception qui permettent d’éviter les grossesses non désirées.
La brochure est disponible gratuitement aux guichets de la Mutualité socialiste et dans les centres de planning familial des Femmes prévoyantes socialistes .
Vous pouvez également la demander au Département communication de l’UNMS , rue Saint – Jean 32 – 38 , 1000 Bruxelles . Tél .: 02 515 05 59 ( Johanna Biasetto ) ou par courriel à unms@mutsoc.be .
Les surfeurs pourront télécharger la brochure sur le site http://www.mutsoc.be