Par Christian DE BOCK Dossier

Fin 1978, on me proposait un emploi dans un tout nouveau service créé par la Mutualité chrétienne, le Centre d’information pour l’éducation à la santé. C’était l’époque où il y avait encore un service militaire en Belgique, où le pays digérait difficilement le premier choc pétrolier, en pleine vague punk et disco, où Ermanno Olmi remportait la Palme d’Or à Cannes avec ‘L’arbre aux sabots’ et Woody Allen l’Oscar pour ‘Annie Hall’, l’année de la première image par résonance magnétique nucléaire et du premier bébé-éprouvette, bien avant l’arrivée des ordinateurs personnels. Bref, c’était il y a une éternité.
Le premier travail qu’on m’a confié consistait à mettre en forme des textes et à compiler des références de matériel didactique pour en faire une publication périodique destinée à soutenir les mutualités chrétiennes locales dans leurs initiatives en matière d’éducation pour la santé. Et cela se faisait en français et en néerlandais: cela aussi nous semble terriblement lointain.
A l’époque, il était peu banal pour un organisme assureur de se lancer dans des activités bien en amont par rapport à son rôle de co-gestionnaire de l’assurance maladie invalidité. Un support écrit avait toute sa pertinence pour appuyer cette démarche novatrice. Il fallait aussi trouver un titre pour cette publication. Pourquoi pas Education Santé puisque c’est de cela que nous parlions? Simple et efficace.
Et puis le temps a passé… La Mutualité chrétienne est restée fidèle à son engagement socio-éducatif en faveur de la santé, la réforme de l’Etat a largement confié les matières préventives aux communautés, la Communauté française Wallonie-Bruxelles s’est organisée, structurée, elle s’est dotée au fil du temps d’une législation avec trois temps forts, en 1988, en 1997 et en 2003.
Cette maturation a été accompagnée par la revue, qui s’est inscrite naturellement dans le mouvement. Ainsi Education Santé a bénéficié d’une reconnaissance permanente de la Communauté française à la fin des années 80, après une dizaine d’années de fonctionnement en sourdine.
Cette évolution a été marquée par un partenariat avec la Mutualité socialiste, les deux institutions partageant comme le rappelle Alda Greoli un même souci d’éducation permanente et d’émancipation des consommateurs de soins de santé.
Grâce au soutien financier déterminant de la Communauté, Education Santé a pu prendre rapidement un rythme de croisière mensuel, bien utile pour rendre compte du foisonnement d’idées et de projets dans notre modeste espace Wallonie-Bruxelles. La revue a aussi pu offrir gratuitement (et c’est toujours le cas aujourd’hui) ses informations à un nombreux public de relais. Ce ne sont pas tous des éducateurs pour la santé à temps plein, mais ils essaient d’introduire cette dynamique dans leurs interventions et ils y réussissent souvent. Ces travailleurs de l’ombre au service d’un dessein généreux méritent aussi un coup de chapeau!

De belles amitiés

Produire chaque mois un outil de communication du secteur de la promotion de la santé francophone est une chance et un privilège, j’en suis bien conscient. Cela nous place au centre des réflexions et des innovations, cela nous permet d’obtenir parfois des informations exclusives, de rencontrer beaucoup de gens passionnants, d’en aider certains à faire connaître leurs démarches. Cela permet aussi de construire une relation forte avec des collaborateurs réguliers.
Sans vous assommer avec une liste interminable, je pense bien sûr d’abord aux collègues des mutualités chrétienne et socialiste, en particulier à Maryse Van Audenhaege , l’indispensable cheville-ouvrière qui accompagne la revue depuis 1986, et à Thierry Poucet , ce digne représentant de la très rare race des ‘journalistes de santé publique’ (il a sûrement dû déposer cette appelation d’origine contrôlée!) qui officiait comme Monsieur Loyal lors de notre matinée d’études et qui nous fait part dans ce numéro spécial de sa perception de la revue.
Je pense aussi à Jacques Henkinbrant , qui fut mon rédacteur en chef pendant une dizaine d’années et, féru de nouvelles technologies et de systèmes informatiques ouverts, est aujourd’hui le maître d’œuvre du site internet de la revue. Je n’oublie pas non plus Patrick Trefois , qui m’a encouragé à organiser la rencontre du 10 juin dernier et dont l’asbl Question Santé nous avait déjà permis d’agrémenter voici 10 ans la célébration du n° 100 par une remarquable exposition d’affiches ‘santé’ couvrant une centaine d’années, de la fin du XIXe siècle à nos jours.
En priant celles et ceux qui m’ont permis de tenir le rythme pendant tout ce temps de m’excuser de ne pas pouvoir les citer toutes et tous, je m’en voudrais d’oublier le Dr Willy Brunson , directeur général de la santé, qui nous a quitté brutalement cette année. Sa présence à la tête du département de la Santé au Ministère de la Communauté française a coïncidé avec une période assez favorable pour le secteur, avec dans un premier temps la reconnaissance du travail de fond d’une trentaine d’organismes, puis le vote d’un décret inscrivant nos actions dans un projet de société résolument solidaire et progressiste.

Et demain?

Il ne m’appartient pas de vous dire de quoi demain sera fait en matière de prévention collective et de promotion de la santé dans notre communauté.
Education Santé ne manquera pas d’être attentif aux évolutions futures du secteur. Ira-t-on vers une approche plus large, multifactorielle de la santé, assistera-t-on au contraire à un retour en force du modèle bio-médical? La question est passionnante.
Autre interrogation brûlante, l’avenir d’une publication sectorielle dans sa forme imprimée traditionnelle. Ce mode de communication a-t-il encore sa raison d’être à l’heure du tout virtuel et de l’immédiateté d’accès à l’information? J’ai la faiblesse de croire que oui, sinon je ne vous inviterais pas à découvrir ce numéro hors-série!
Bonne lecture.
Christian De Bock , rédacteur en chef
A l’intention des lecteurs qui étaient présents le 10 juin 2005: nous ne pouvons malheureusement pas vous proposer le texte de l’intervention d’Antoine Lazarus. Par contre, Christian Léonard a réécrit son texte, et nous gratifie d’une belle ‘version longue’ de sa conférence!