La pratique des bilans de santé réalisés dans le cadre de la médecine scolaire en Communauté française de Belgique pose depuis longtemps le problème de la pertinence des indicateurs utilisés pour rendre compte de l’état de santé global des enfants et des adolescents . C’est principalement en termes de morbidité que la santé est observée. Qu’en est-il du bien-être des élèves? Derrière un bilan somatique rassurant pour le médecin scolaire risque bien souvent de se cacher une réalité plus complexe. En témoignent de nombreux chiffres, comme ceux d’une enquête sur la santé mentale des jeunes qui rapportait 24 % de symptômes dépressifs chez les adolescents scolarisés (1), ou ceux relatifs à la consommation toujours croissante de substances «addictives» (2) …
Par ailleurs, il n’existe pas de réels programmes d’ éducation pour la santé dans nos écoles: les interventions sont ponctuelles et généralement centrées sur les besoins perçus par les professionnels.
Le décret relatif à la Promotion de la Santé à l’Ecole (PSE) entré en vigueur en Communauté française en septembre dernier devrait permettre de percevoir des changements dans les pratiques et dans l’amélioration de la santé des jeunes, puisqu’il élargit les missions des équipes de médecine scolaire, dans une perspective de santé globale .
Pour rappel, les principaux changements par rapport aux missions précédentes sont les suivants:
– introduction de programmes de promotion de la santé et de promotion d’un environnement favorable dans les écoles;
– recueil standardisé de données sanitaires permettant de définir des priorités d’interventions;
– amélioration du suivi médical des élèves.
Cependant, la mise en œuvre du décret pose un problème majeur: il est prévu que les programmes de promotion de la santé soient construits, pour chaque centre, à travers un «projet santé» basé sur les données sanitaires existantes et les besoins perçus par l’équipe de PSE et les enseignants.
Or les données recueillies en routine (déficiences visuelles ou auditives, statut vaccinal, caries dentaires, scolioses, etc.) ne rendent pas compte du point de vue des enfants et des adolescents sur leur santé, et on sait comme les besoins perçus par les professionnels (de l’éducation ou de la santé) peuvent être loin des préoccupations des élèves et parfois de leurs familles.
Si aucune analyse des besoins auprès des enfants et des adolescents n’est prévue, l’ «éducation pour la santé» risque une fois de plus de se focaliser sur des problèmes qui sont plus les nôtres que les leurs… Si l’on veut promouvoir la santé à l’école, au-delà des constats concernant les problèmes de santé et les comportements à risque des adolescents, il faudrait investiguer davantage le bien-être des enfants et des adolescents, et développer des indicateurs de santé «subjective», de manière à pouvoir concevoir des programmes et des pratiques reflétant et répondant mieux à leurs besoins.
Dr Florence Renard , Médecin scolaire et Assistante à l’Unité d’Education pour la santé, RESO, Ecole de Santé Publique, UCL. (1) De Clercq et al., Enquête santé mentale des jeunes de l’enseignement secondaire en région de Bruxelles-Capitale, PROMES – ULB, 1996, 25p.
(2) Piette et al., Vers la santé des jeunes en l’an 2000 ? Une étude des comportements et modes de vie des adolescents de la Communauté française de Belgique de 1986 à 1994, PROMES – ULB, 1997, 68p.