Janvier 2018 Par Colette BARBIER Réflexions

Campagne de sensibilisation

C’est mieux, mais peut et doit mieux faire. Tel est le bilan de la consommation trop importante d’antibiotiques en Belgique et dans d’autres pays européens. La journée européenne d’information sur les antibiotiques, qui a lieu le 18 novembre, garde donc malheureusement tout son sens. Chez nous, le SPF Santé publique et la Commission belge pour la coordination de la politique antibiotique (BAPCOC) saisissent cette 10ème édition pour taper une fois encore sur le clou au moyen d’une campagne de sensibilisation à destination des patients et des professionnels de santé.« Les antibiotiques ne sont pas des bonbons, clame Maggie De Block, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, face à l’utilisation trop fréquente et incorrecte que la population belge en fait.Trop d’antibiotiques, cela signifie à l’heure actuelle, qu’en dehors des institutions hospitalières, les médecins généralistes prescrivent encore plus de 1000 traitements antibiotiques par an pour 1000 habitants. Les adolescents, notamment, prennent plus d’antibiotiques que le reste de la population. Pourtant, on sait que la consommation d’antibiotiques est loin d’être anodine. Non seulement, ils provoquent leur lot d’effets secondaires. Plus grave, les bactéries développent des résistances aux antibiotiques. Résistances qui, en se multipliant comme c’est le cas maintenant, finiront par entrainer une kyrielle de problèmes de santé publique : « Les infections que nous pouvons actuellement traiter sans problèmes ne pourront plus l’être à l’avenir », prévient Maggie De Block. Les actes chirurgicaux, les traitements contre le cancer et les transplantations pourront devenir très dangereux à cause du risque inhérent d’infection. Nous pourrions également ne plus disposer d’antibiotiques actifs.La bonne nouvelle, c’est qu’il est scientifiquement prouvé que la diminution des traitements par antibiotiques entraîne la diminution de la résistance. Il est donc primordial de continuer à informer les professionnels de santé et les patients sur la bonne utilisation des antibiotiques.

Une campagne, plusieurs canaux d’information

La campagne belge, lancée dans le sillage de la journée européenne d’information sur les antibiotiques, s’articule autour du thème « Les antibiotiques : prenez-les comme il faut et uniquement quand il le faut ». Ce message, diffusé d’abord par la radio et la presse écrite, le sera ensuite par les pharmaciens et médecins au moyen d’affiches et de dépliants d’informations pour leurs patients. Pendant le pic d’épidémie grippale, une action sera menée dans les pharmacies afin de récolter les antibiotiques non utilisés.

Formation e-learning pour aider les généralistes

Le SPF Santé publique et la BAPCOC lancent aussi, pour la première fois cet hiver, une formation e-learning pour aider les médecins généralistes à réduire l’utilisation des antibiotiques. En dix minutes, ceux-ci pourront apprendre des techniques de communication et prendre connaissance d’une nouvelle brochure, basée sur les dernières connaissances scientifiques, expliquant l’évolution naturelle de la toux, à diffuser auprès de leurs patients. Car trop nombreux sont les patients qui continuent de croire qu’une toux persistant plus d’une semaine doit être soignée par des antibiotiques.L’objectif de la formation en ligne est d’aider les praticiens à discuter du bon usage des antibiotiques avec leurs patients.

Résultats attendus pour 2020 et 2025

L’objectif final du SPF Santé publique et de la BAPCOC est d’atteindre les 600 prescriptions pour 1000 habitants en 2020, puis 400 en 2025, pour que les antibiotiques continuent à nous protéger dans le futur.Pour en savoir plus :http://www.usagecorrectantibiotiques.be/fr

Pourquoi est-il si difficile de prescrire moins d’antibiotiques ?

Nous avons demandé au Professeur Herman GOOSSENS, président de la Commission belge pour la coordination de la politique antibiotique (BAPCOC), pourquoi il est à ce point difficile de diminuer les prescriptions d’antibiotiques, alors que l’on insiste depuis maintenant deux décennies sur la nécessité d’en consommer moins…Professeur Herman Goossens : nous n’avons pas vraiment la réponse. Dans notre pays, les premières campagnes de sensibilisation ont entraîné une diminution d’environ 35% de la consommation d’antibiotiques entre 2000 et 2007. La consommation est ensuite restée stable.La France a connu la même situation. Sa très belle campagne « Les antibiotiques, c’est pas automatique », lancée en 2002, fut suivie d’une diminution de l’utilisation d’antibiotiques jusqu’en 2008-2009. La baisse s’est ensuite stoppée.Si nous avons prévu d’analyser, en collaboration avec l’INAMI, les obstacles à une consommation moindre d’antibiotiques, nous pouvons cependant déjà dire que la consommation d’antibiotiques ne diminue pas chez certains groupes de patients, comme les adolescents. Par ailleurs, des médecins généralistes prescrivent vraiment trop d’antibiotiques.La Belgique est également la championne des pays européens en matière d’utilisation d’antibiotiques à large spectre. Ces antibiotiques (comme la moxifloxacine et l’amoxicilline-clavulanate) ont été introduits plus tardivement sur le marché belge. Ils coûtent plus chers que les anciens antibiotiques, généralement à spectre plus étroit. À chaque fois qu’un de ces nouveaux antibiotiques a été lancé, les firmes pharmaceutiques ont exercé une énorme pression sur les médecins pour qu’ils les prescrivent, alors que les anciens antibiotiques étaient toujours efficaces.E.S. : l’industrie pharmaceutique est donc un obstacle à une consommation moindre d’antibiotiques ?Pr H. G. : l’industrie pharmaceutique a exercé, jusqu’il y a une dizaine d’années, une très forte pression sur les médecins généralistes pour pousser à la consommation d’antibiotiques, puisque les bénéfices étaient générés par le volume des prescriptions. Cette pression des firmes pharmaceutique n’est actuellement plus aussi forte car les antibiotiques sont devenus très bon marché, à l’exception des antibiotiques à large spectre. Il se peut cependant que des médecins aient conservé cette attitude de prescrire beaucoup d’antibiotiques.E.S. : les patients exercent-ils une pression sur les médecins généralistes pour se voir prescrire des antibiotiques ?Pr H. G. : oui, probablement. Cette pression est, ici aussi, beaucoup moindre qu’auparavant.Lorsque nous avons commencé nos campagnes de sensibilisation il y a presque 17 ans, une enquête réalisée auprès de patients en Flandre et en Wallonie avait révélé qu’ils étaient nombreux à demander des antibiotiques, même pour un rhume. De leur côté, les médecins généralistes expliquaient qu’ils voulaient bien ne plus prescrire d’antibiotiques… mais leurs patients allaient alors en réclamer à un autre médecin. Les campagnes de sensibilisation ont permis de diminuer cette pression des patients sur les médecins, à tel point que des généralistes déplorent à présent le fait que des patients refusent de recourir aux antibiotiques même quand c’est absolument nécessaire. Les patients disent eux-mêmes à leur médecin que les antibiotiques sont mauvais pour la santé. Ils veulent, par ailleurs, lutter contre les résistances aux antibiotiques et, par conséquent, y recourir le moins possible.Je pense que l’utilisation abusive et incorrecte des antibiotiques relève d’une responsabilité partagée. Cependant, les médecins sont toujours seuls responsables des prescriptions. Nous cherchons encore à découvrir pourquoi certains médecins généralistes sont aussi résistants à nos campagnes et interventions… Nous savons toutefois qu’il faut parfois les aider dans leur communication avec les patients.C’est pourquoi nous sommes en train d’envoyer un e-learning module à tous les généralistes de Belgique (17.000) pour les encourager à changer leur attitude et les aider à communiquer avec leurs patients au moyen d’une brochure. Ce module, d’une durée de dix minutes, a déjà été testé dans quatre pays européens (Espagne, Pays-Bas, Angleterre et Pologne) et a fait l’objet d’une étude très intéressante et convaincante. Nous avons donc décidé de le faire traduire en français et en néerlandais pour le rendre accessible aux médecins généralistes belges au cours de cet hiver.

Tante Biotique est une édition spéciale de Bob et Bobette, créée à l’initiative de la BAPCOP et destinée à sensibiliser les parents et les enfants à la consommation excessive d’antibiotiques. Chouette et éducatif en même temps, l’album peut-être lu en ligne ou obtenu gratuitement par la poste (jusqu’à épuisement du stock).

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