Mars 2002 Par P. MOUCHET Christian DE BOCK Patrick TREFOIS Réflexions

Vous avez certainement vu ou entendu au cours de ces dernières années des messages d’éducation pour la santé diffusés par nos télévisions et/ou radios francophones.
Du lever au coucher, en passant par le petit déjeuner, l’embarras de circulation, la détente de la soirée, ces spots visant un meilleur bien-être et une meilleure santé sont diffusés dans le cadre des espaces publicitaires.
La signature générique bien connue « Ma santé, c’est notre intérêt. Avec le soutien de la Communauté française» soutenue en version télévisée par quatre mousquetaires, a été remplacée récemment par une version plus sobre reprenant le sigle du coq gouvernemental accompagné d’une mention « Avec le soutien de la Communauté française ».

Comment des campagnes d’éducation pour la santé aboutissent-elles sur les chaînes audiovisuelles?

La base légale de diffusion de ces campagnes est constituée par l’Arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 18 janvier 1995 relatif à la diffusion de campagnes d’éducation pour la santé par les organismes de radiodiffusion (modifié par l’arrêté du 17 juillet 1997).
Cette opportunité est exceptionnelle: le Gouvernement de la Communauté française de Belgique est, à notre connaissance, le seul en Europe à avoir mis en place une telle possibilité d’octroi d’espaces gratuits aux campagnes de promotion de la santé.
Les moyens ainsi dégagés pour la santé publique sont considérables. On peut estimer la valeur annuelle des espaces octroyés aux campagnes de promotion de la santé entre 1 et 2 millions d’euros.
Notons toutefois que la gratuité ne s’étend pas à la réalisation du message à diffuser.
Une procédure précise a été mise au point, afin de garantir le sérieux et l’équité de l’octroi des espaces gratuits de diffusion.
La Commission d’avis «Campagnes radiodiffusées» du Conseil supérieur de promotion de la santé, installée en vertu du Décret du 14-07-97 art.4, remet généralement avis sur le projet avant réalisation, puis sur le matériel audiovisuel réalisé.
L’examen du projet est basé sur les trois critères suivants: la rigueur scientifique, l’éthique et la cohérence avec le Programme quinquennal de promotion de la santé de la Communauté française. En outre, deux autres critères sont pris en considération: l’intelligibilité du message et la pertinence du plan de diffusion.

Quels thèmes sont concernés par l’octroi d’espaces gratuits de diffusion?

L’arrêté cite à titre d’exemple une série de thèmes de campagnes d’éducation pour la santé.
Cette liste doit évidemment être éclairée par l’esprit du Décret du 14-07-97 et par les priorités énoncées dans le Programme quinquennal de promotion de la santé de la Communauté française.
Outre un accent sur des stratégies et des populations prioritaires (populations fragilisées, naissance et enfance, population scolaire), le programme quinquennal énonce quelques problèmes de santé prioritaires. Ce sont les maladies infectieuses (prévention du sida, vaccination et lutte contre la tuberculose), les maladies cardio-vasculaires, les cancers, les assuétudes, les problèmes de santé mentale, les accidents.

Quels sont les supports concernés?

Tous les organismes de radiodiffusion de la Communauté française sont concernés.
Cela représente donc aussi bien les chaînes de télévision de service public que les chaînes privées commerciales telles que RTL-TVI, Club RTL, ou Canal + (lors de ses émissions en clair).
En plus de ces télévisions, il ne faut pas oublier les douze télévisions locales, pour autant, bien entendu, qu’elles aient diffusé des spots publicitaires sur des boissons alcoolisées, des médicaments ou des soins médicaux (comme le prévoit l’Arrêté à l’article 1er, voir page 2).
Les radios sont également concernées: les cinq chaînes de la RTBF (La Première, Fréquence Wallonie, Musique 3, 21 et Bruxelles Capitale), ainsi que les réseaux privés tels que Bel RTL, Radio Contact, NRJ, Fun radio, Nostalgie, Contact 2, etc.

Quelles campagnes ont pu bénéficier de ces espaces depuis 1995?

De 1995 à 2001, près d’une cinquantaine de campagnes ont bénéficié des espaces de diffusion gratuits.
Les thèmes des campagnes sont variés.
Citons notamment
– la prévention: du sida, de l’ostéoporose, du tabagisme, de la mort subite du nourrisson, de l’endoctrinement dans les sectes, de la maltraitance de l’enfant ;
– la promotion: de la vaccination, du don d’organes, de la conduite responsable, de l’emploi des personnes handicapées, de la sécurité des enfants dans la ville, du carnet de l’enfant et de la mère;
– le dépistage du cancer du sein.

Comment peut-on évaluer les campagnes audiovisuelles?

La Commission d’avis «Campagnes radiodiffusées» est attentive, lors d’une demande de rediffusion d’une campagne, aux éléments d’évaluation remis par le promoteur.
Les promoteurs peuvent recourir à différentes évaluations.
Les chaînes peuvent fournir des indices techniques similaires à ceux utilisés pour mesurer l’impact d’une campagne publicitaire. La limite de ces indices est la suivante: on estime le nombre de personnes touchées par un message, mais on ne sait rien de la manière dont elles ont «assimilé» le message. Ont-elles acquis de nouvelles connaissances? Le message les a-t-il amenées à modifier leur attitude face au problème traité? Ont-elles adopté un nouveau comportement?
Le promoteur peut recourir à des enquêtes (de préférence permettant une comparaison entre la situation avant et après campagne). Ces enquêtes peuvent fournir des informations sur le niveau de connaissances, les attitudes et les comportements du public visé. La limite de ces enquêtes vis-à-vis de l’évaluation d’une campagne est notamment qu’on ne peut attribuer à la seule communication d’éventuels changements constatés. Le coût de telles enquêtes ne permet pas aux promoteurs d’y recourir systématiquement.

Ces campagnes sont-elles efficaces?

Nous reprenons ci-après une synthèse de quelques bilans de campagne permettant de confirmer l’impact des campagnes de promotion de la santé en radio et en télévision sur les changements d’attitude, voire de comportement du public visé.
Trois campagnes ont été sélectionnées entre 1996 et 2000:
– campagne de promotion du don d’organes lancée en 1999-2000 par l’Association nationale des greffés cardiaques et pulmonaires (ANGCP);
– campagnes annuelles de promotion de la vaccination contre la grippe et le pneumocoque de Question Santé (de 1996 à 2000);
– campagne de sensibilisation au bon usage des antibiotiques lancée en 2000 par le Ministère fédéral des Affaires sociales, de la Santé publique et de l’Environnement.
Pourquoi ces choix? Parce que ces campagnes ont pu bénéficier soit d’enquêtes réalisées par des instituts de sondage, soit de données précises fournies par l’Institut National de Statistiques, ce qui a permis de mesurer beaucoup plus précisément leur impact auprès du public visé.

Don d’organes

Un exemple très frappant fut la campagne de promotion du don d’organes. Au regard des chiffres fournis par l’INS, on constate un rapport très net entre les passages de la campagne sur antenne et l’accroissement du nombre d’inscriptions au Registre National des personnes spécifiant un choix personnel en faveur ou non du don de leurs organes.
On découvre ainsi que d’octobre 98 à octobre 99 (période durant laquelle s’est déroulée la campagne), le nombre d’inscriptions en Communauté française en faveur du don d’organes a augmenté de près de 300% par rapport à la même période, l’année d’avant. Cette augmentation n’a pas été observée en Flandre, qui n’a pas bénéficié de la campagne.
Pour une information plus complète, voir Education Santé n° 156, p. 15.

Vaccination des personnes âgées de plus de 65 ans

Les campagnes de promotion de la vaccination pour les personnes âgées de plus de 65 ans sont menées annuellement, chaque automne, depuis 1995. Les vaccins concernés sont ceux contre la grippe, le pneumocoque et le tétanos. La vaccination contre le pneumocoque a été introduite récemment dans les recommandations du programme de vaccination.
Dans le nord du pays, des programmes de promotion de la vaccination sont menés de manière identique à ceux organisés en Communauté française, à l’exclusion des campagnes audiovisuelles, jugées trop coûteuses.
La comparaison des évaluations entre le nord et le sud du pays révèle une sensible différence dans les connaissances et les comportements de vaccination, principalement vis-à-vis du pneumocoque.
Le comportement de vaccination contre le pneumocoque a évolué beaucoup plus favorablement en Communauté française : en cumulant les résultats des enquêtes menées suite aux campagnes de 1997, 1998, 1999 et 2000, on constate qu’environ 62% des personnes de plus de 65 ans déclarent avoir été vaccinées en Communauté française contre 26% seulement en Communauté flamande.
Pour une information plus complète, voir Education Santé n° 164, p. 16.

Sensibilisation à la résistance aux antibiotiques (2000 – 2001)

L’intérêt de cet exemple réside également dans le fait que l’on a pu mesurer le niveau de connaissances du public avant et après la campagne.
Cette campagne visait à faire prendre conscience d’un recours trop fréquent aux antibiotiques dans notre pays, induisant un accroissement des souches résistantes à l’action de certains antibiotiques.
On a pu vérifier que la campagne avait effectivement provoqué des changements d’opinion et d’attitude de la part du public visé, concernant la consommation d’antibiotiques.
Quelques chiffres:
– augmentation de près de 50% des personnes en accord avec l’affirmation que l’effet des antibiotiques diminue;
– augmentation de plus de 30% des personnes en accord avec l’affirmation qu’en Belgique, on a tendance à consommer trop d’antibiotiques;
– diminution de près de 60% des personnes enclines à demander spontanément des antibiotiques à leur médecin;
– diminution (temporaire) du volume des prescriptions d’antibiotiques.
Pour une information plus complète, voir Education Santé n° 166 , p. 15.Il est incontestable que la possibilité d’octroi d’espaces gratuits en radio et télévision est un outil très puissant au profit de la promotion de la santé. De plus en plus d’organismes connaissent aujourd’hui cette opportunité et trouvent les moyens de produire des spots de qualité professionnelle. Comme le coût de production est nettement inférieur au coût de diffusion quand elle est payante, ils auraient tort de s’en priver!
Patrick Trefois et Philippe Mouchet , Service communautaire Question Santé asbl, avec la collaboration de Christian De Bock
Pour en savoir plus, vous pouvez prendre contact avec Philippe Mouchet, Question Santé, rue du Viaduc 72, 1050 Bruxelles, ou consulter le site http://www.questionsante.org .