Septembre 2006 Initiatives

La récente médiatisation autour de l’étude du magazine français «60 millions de consommateurs» a focalisé l’attention sur «les dangers de la fumée du cannabis». Un joint serait l’équivalent de 7 cigarettes.
Pour les spécialistes la question est extrêmement complexe. Les études sont nombreuses et ne vont pas toutes dans le même sens. Une récente (2005) étude américaine du Dr Melamede, titulaire de la chaire de biologie à l’Université de Colorado à Boulder, prétend : «La fumée tabagique contient de la nicotine là où la fumée cannabique contient du THC: les effets cancérigènes de la fumée sont augmentés par la nicotine alors qu’ils sont réduits par le THC». Par ailleurs, une autre étude américaine suggère une absence de lien entre cannabis et cancer (1).
Concernant l’étude française, différents éléments pourraient être interrogés. Des tests effectués sur des «machines à fumer» ne permettent pas d’inférer une conclusion pour l’être humain. De même, aucune précision n’est donnée à propos de la qualité du cannabis qui a été testé. Il est seulement mentionné «du cannabis de rue» fourni par l’Etat. Une ambition scientifique peut-elle se satisfaire de ce manque de précision?
Néanmoins, personne ne prétendra que fumer du cannabis est un acte anodin. Que l’étude française soit valide ou non, qu’une autre prétende qu’un joint vaut une ou dix cigarettes, fumer est et restera un risque pour la santé. C’est clair.
Et puis? Peut-on baser l’ensemble d’une politique aussi importante pour les centaines de milliers de consommateurs de ce produit sur ce seul constat? Les députés vont-ils faire et défaire leurs réglementations au gré des publications scientifiques, aussitôt contredites?
En effet, le risque lié à l’utilisation de tout objet existe et il est complexe à établir. Il dépend de critères variés. Un facteur fondamental est l’aptitude à utiliser l’objet. La culture sociale de cet objet.
Si l’alcool était jugé uniquement sur base de sa «dangerosité prouvée en laboratoire» il serait sans doute interdit bien davantage encore que le cannabis. Mais ce produit est intégré dans notre culture, c’est-à-dire que la plupart des gens ne le consomment pas n’importe comment ni n’importe quand. Il est l’objet d’un véritable apprentissage, même si celui-ci est informel et même si cette «éducation» devrait être améliorée. Par contre, l’alcool a causé bien des ravages dans les sociétés indiennes où il était inconnu.
De même, l’introduction de l’alcool distillé dans notre société qui ne connaissait que l’alcool fermenté a également causé bien des dégâts. Il apparaît donc clairement que la réglementation, la législation et in fine la politique ne dépendent pas entièrement de la nature intrinsèque de l’objet à réglementer mais aussi de la capacité de la population à gérer le produit. Donc à développer un savoir-faire.
Aujourd’hui, le rôle du décideur politique, sa responsabilité est de tout mettre en œuvre pour que les risques soient minimisés. L’ensemble des risques. La consommation du cannabis existe toujours malgré une sévère interdiction vieille de plus de 80 ans. La consommation augmente même. Différents acteurs de terrains (2) sont persuadés que l’interdiction du produit augmente les dangers : pas de contrôle de qualité, pas de précision sur le taux de concentration en principe actif, consommation clandestine, contacts avec les maffias, prix très élevé, risque judiciaire, risque d’exclusion sociale, tensions familiales…
Opposer à tout cela l’équation simpliste «un joint = 7 cigarettes» pour maintenir une chape de plomb sur tout changement de politique revient à se mettre la tête dans le sac. La responsabilité de l’Etat doit être de tenter de reprendre le contrôle de cet usage et de son commerce en le réglementant (quel accès, quelle qualité…) et en l’encadrant par des mesures de prévention et d’éducation. Cette politique courageuse et responsable favorisera non seulement la santé par la fin de la clandestinité et du secret liés à ces pratiques, mais aussi le rapport des jeunes (et moins jeunes) à la loi, et donc à la citoyenneté, par des dispositions juridiques plus claires et moins hypocrites. Une véritable politique de santé ne devrait pas faire l’économie de ces changements.
Communiqué par Infor-Drogues (1) Pour plus d’info nous invitons à visiter la page http://www.feditobxl.be/actualites.php?id_actu=44
(2) Voir les réflexions de la fédération bruxelloise des institutions pour toxicomanes, disponible en téléchargement à l’adresse http://www.feditobxl.be/publications_secteur.php