Le 4 décembre dernier, le Conseil supérieur de promotion de la santé a tenu une réunion un peu particulière puisqu’il s’agissait de son ultime séance plénière avant de passer le témoin aux organes d’avis que la Wallonie et la Région de Bruxelles-Capitale mettront en place courant 2016.
Une cinquantaine de personnes se sont retrouvées une dernière fois au ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour entendre cinq acteurs de la promotion de la santé et de la santé publique et échanger avec eux.
En démarrant la matinée, le Dr Serge Carabin, Directeur général de la Santé, releva le paradoxe que le Conseil achevait sa mission en atteignant ses dix-huit ans, au moment même où il arrivait à l’âge adulte puisqu’il démarra ses travaux en 1997, après le vote du décret du 14 juillet qui organisait la promotion de la santé.
Chantal Vandoorne, la présidente du Conseil, introduisit l’invité du jour François Baudier, un grand monsieur de la promotion de la santé en France, en évoquant le souvenir de son premier contact avec lui sous la forme d’une intervention filmée d’un ‘homme en blanc’ sur une vidéocassette dans les années 80… Que de chemin parcouru depuis les temps bénis de la charte d’Ottawa!
François Baudier, au cours de son parcours professionnel, a eu l’occasion d’agir sur le terrain, en Franche-Comté, au plus près des populations, et a exercé aussi d’importantes responsabilités au niveau national. Il est actuellement président de la Fédération nationale d’éducation pour la santé, qui a son siège auprès de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), à Saint-Denis, aux portes de Paris. Le rapprochement avec l’adresse du ministère à Molenbeek ne pouvait que s’imposer à nous…
Éducation Santé publiera prochainement une longue interview de François Baudier. Nous y renvoyons nos lecteurs, tout en relevant que son analyse des obstacles au déploiement de la promotion de la santé depuis de nombreuses années résonne fortement en Communauté française.
Alors que l’environnement politique est si différent entre une France toujours très centralisatrice et une Belgique de plus en plus ‘centrifuge’, les points noirs qu’il a mis en évidence pourraient être cités chez nous aussi: creusement des inégalités sociales de santé, décideurs ne comprenant pas ce qu’est la promotion de la santé, budgets faibles et instables, réseau généraliste fragile, lobbys marchands et autres malveillants… Avec des motifs d’espoir aussi, heureusement: qualité et succès de l’enseignement en santé publique, futur Institut pour la Démocratie en Santé dont il attend beaucoup, préoccupation assez nouvelle pour les études d’impact sur la santé, professionnels plus sensibles qu’auparavant aux dimensions collectives de la santé.
Une table ronde réunit ensuite quatre témoins francophones belges privilégiés: Christian Léonard (KCE), qui s’exprimant à titre personnel plaida vigoureusement pour le ‘care informationnel’, la littératie en santé pouvant aider la personne à être lucide, digne et responsable, sans tomber dans le piège de la responsabilité qui permet de sanctionner l’individu considéré à tort comme ‘libre de ses choix’, ce qui permet au marché de se dégager des siennes, de responsabilités…
Martine Bantuelle (Réseau francophone international pour la promotion de la santé, http://www.refips.org/ ) pointa à juste titre que l’incompréhension des décideurs cache parfois en réalité un refus des valeurs d’émancipation que véhicule la promotion de la santé.
Marc Vanmeerbeek, médecin généraliste en région liégeoise et enseignant à l’ULg, souligna le fait que la médicalisation forte de la prévention que nous pouvons observer aujourd’hui et que d’aucuns déplorent est un choix stratégique souhaitable à certaines conditions, surtout si les médecins s’avèrent capables de sortir du modèle bio-médical. Ceux qui y voient un discret plaidoyer pour le travail des maisons médicales n’ont sans doute pas tort…
Quant à Bernadette Taeymans (Plates-formes wallonne et bruxelloise de promotion de la santé), elle évoqua la formalisation possible et nécessaire de ces deux espaces de concertation, une question d’opportunité créée par le transfert de compétences mais aussi, mais surtout, une question de survie pour un secteur modeste devenu par la force des choses encore plus minuscule.
Les mots de la fin revinrent à la Présidente du Conseil, Chantal Vandoorne, ‘Tisser la promotion de la santé pour l’avenir’ (voir dans ce numéro) et à son Vice-président, Christian De Bock, ‘Adieu Conseil, on t’aimait bien tu sais’ (à découvrir sur notre site www.educationsante.be).
Cette matinée riche en témoignages de qualité eut aussi le mérite de compter parmi les participants des représentants de toutes les entités concernées par le sujet: Wallonie, Cocof mais aussi Fédération Wallonie-Bruxelles à travers l’Enseignement et l’ONE. Une première qui annonce espérons-le une future coopération…