Novembre 2015 Par A.-M. DIEU Stratégies

Le niveau local est le niveau de pouvoir qui organise le plus directement le vivre ensemble des différentes catégories de population et qui peut répondre le plus adéquatement aux besoins de celles-ci. Sur base de ses recherches, lectures et rencontres, l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse a dégagé huit facteurs favorables au développement d’une politique transversale de l’enfance et de la jeunesse au niveau local.

Clés pour une politique d’enfance et de jeunesse au niveau local

Les missions, potentialités et spécificités du niveau local

La commune a un rôle à jouer vis-à-vis des enfants et des jeunes dans de multiples domaines: l’accueil des jeunes enfants, l’enseignement, l’extrascolaire, les activités sportives et culturelles mais aussi l’aménagement du territoire (pensons aux plaines de jeux par exemple), la santé, la mobilité… La commune a, dans tous ces domaines, à la fois un grand pouvoir d’initiative et une obligation de mettre en œuvre les décisions prises dans ces matières aux autres niveaux de pouvoir (régional, communautaire…).

La commune peut expérimenter, innover, développer des actions adaptées aux réalités locales en concertation avec les jeunes qui y vivent et ont des capacités de propositions sur les décisions qui les concernent. En effet, les politiques locales de l’enfance et la jeunesse ne doivent pas être envisagées comme de simples applications de politiques conçues à des niveaux supérieurs.

Comme le rappelle Patricia Loncle (pour la France): «Les mesures locales concernant la jeunesse ont servi à de nombreuses reprises d’espaces d’expérimentation à certaines actions publiques qui sont ensuite élargies à l’ensemble du pays.»Note bas de page

Comme il est également expliqué dans un document d’Amnesty International Belgique Francophone: «Dans certains pays, des pouvoirs locaux ont d’ailleurs cherché à ‘faire mieux’ que l’État central, en adoptant des mesures plus avancées en matière de droits humains. En ce qui concerne la mise en œuvre des politiques mises au point par d’autres niveaux de pouvoir, les communes disposent souvent d’une marge d’autonomie.»Note bas de page

Pour développer ces politiques, la commune doit s’appuyer sur les ressources et compétences d’une série de partenaires, tant locaux que supra-locaux. Or, les possibilités et leviers d’action dont ils disposent ne sont pas toujours bien connus des acteurs locaux.

Par ailleurs, la notion de droits de l’enfant n’est pas toujours bien cernée et l’amplitude que les politiques d’enfance et de jeunesse peuvent prendre au niveau communal est parfois sous-estimée.

L’OEJAJ a donc pensé utile de se pencher sur la question et de mettre au point des outils d’information à destination des acteurs locaux. Ceci d’autant plus qu’une réflexion se développe dans différents pays et au plan international sur le rôle de l’échelon local dans la conception et l’application de politiques d’enfance et de jeunesse.

Deux questions clé, à mettre en perspective avec la Convention internationale des Droits de l’Enfant, ont guidé notre réflexion:

  • comment garantir la cohérence des politiques publiques nationales et locales relatives à l’enfance?Note bas de page
  • comment s’assurer que la mise en œuvre de ces politiques publiques prenne suffisamment en considération l’enfant dans la globalité de ses besoins et de ses droits et dans son ou ses ’territoire(s)de vie’?Note bas de page

Les facteurs favorables au développement d’une politique transversale de l’enfance et de la jeunesse au niveau local

Nous avons étudié différentes expériences belges et étrangères et avons analysé une série de textes consacrés à cette question. Sur base de cette analyse, nous avons dégagé huit facteurs qui apparaissent favorables au développement d’une politique transversale de l’enfance et de la jeunesse au niveau local:

Un cadre légal doit exister au niveau supra-communal afin de favoriser la mise en œuvre de politiques d’enfance et de jeunesse adaptées aux réalités locales et de rappeler les obligations et valeurs intégrées dans les textes légaux (comme la Convention internationale des droits de l’enfant ou la Constitution) dans le respect du principe d’autonomie communale.

Un état des lieux de la situation, basé sur des indicateurs de contexte est un outil nécessaire car il permet d’avoir une vue des forces et faiblesses de la commune et de développer des politiques sur base d’un diagnostic rigoureusement établi. Ces considérations rejoignent celles du ‘cadre renouvelé pour la coopération européenne dans le cadre de la jeunesse (2010-2018)’, adopté en 2009. Les Observatoires de la santé provinciaux sont à ce titre des partenaires particulièrement indiqués.

Les différents acteurs concernés (bourgmestre, échevins, fonctionnaires, travailleurs de terrain…) doivent partager un minimum de représentations et de valeurs communes sur la place à réserver aux enfants et aux jeunes dans la commune, sur leurs droits et sur la nécessaire transversalité de la politique à mener.

La mise en place d’un plan d’actions local permet de se donner des objectifs communs et de déterminer les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Il permet aussi une évaluation continue des actions mises en place.

La mobilisation des acteurs institutionnels et associatifs permet de prendre en compte les différents aspects de la politique à mettre en œuvre et de tenir compte des réalités de terrain. Elle assure également le recours à l’ensemble des ressources existantes.

Des personnes responsables de la mise en œuvre du plan transversal sont indispensables afin que les objectifs communs ne soient pas oubliés dans le travail opérationnel quotidien de chaque secteur. Ces personnes doivent jouir d’une certaine indépendance d’action et d’un statut professionnel leur assurant une reconnaissance de la part de leurs interlocuteurs.

Ces professionnels de la transversalité doivent pouvoir participer à des réseaux (intercommunaux) afin d’enrichir leurs pratiques et de les nourrir d’expériences venues d’autres territoires, de sortir de l’isolement, voire de pouvoir développer des projets en collaboration avec d’autres communes.

La participation des enfants et des jeunes à la définition et la mise en œuvre des politiques les concernant est un élément incontournable d’une politique de l’enfance et de la jeunesse soucieuse de mettre en œuvre les droits des enfants et des jeunes. L’organisation de cette participation, si on la veut réelle, ne s’improvise pas et doit reposer sur une méthodologie précise. Des outils et organismes existent pour aider les communes à mettre en œuvre cette participation.

Un working paperNote bas de page de l’OEJAJ est consacré à cette question.

Il est divisé en deux grandes parties.La première partie s’attache à décrire la situation en Fédération Wallonie-Bruxelles. On y découvrira les compétences du niveau communal en matière de politiques d’enfance et de jeunesse et leur articulation avec les autres niveaux de pouvoir (intra- et intercommunal, provincial, régional, communautaire). Des exemples concrets de politiques transversales et d’initiatives locales sont également exposés.

La deuxième partie de cette publication présente différentes expériences étrangères et initiatives d’organismes internationaux susceptibles de nourrir et d’inspirer une politique communale d’enfance et de jeunesse.

Enfin, les conclusions dégagent les facteurs favorables au développement d’une politique transversale de l’enfance et de la jeunesse au niveau local et reviennent sur la question de l’articulation des politiques.

Une brochure a également été réalisée à destination des acteurs locauxNote bas de page. Elle a été conçue comme un outil de référence pratique pour les mandataires et responsables communaux ainsi que pour toute personne désireuse de participer au développement d’une politique d’enfance et de jeunesse volontariste au niveau local.

LONCLE, P. (2007), Évolution des politiques locales de jeunesse, Presses de Sciences-Po/Agora débats/jeunesse, 2007/1 N°43, pp.12-28

AMNESTY INTERNATIONAL (2010), Les droits humains au cœur de la cité. Guide de bonnes pratiques d’ici et d’ailleurs pour les responsables des collectivités locales et les associations citoyennes, AIBF (www.lesdroitshumainsaucoeurdelacité.org).

DIEU, A.-M., ROSSION, D., OEJAJ, Les politiques communales en matière d’enfance et de jeunesse – Expériences et perspectives, En’jeux, n°2, septembre 2013, Bruxelles. Cette publication est disponible en ligne.

Cette brochure est disponible en ligne.