Mai 2008 Par Colette BARBIER Initiatives

Pour pallier la crise du logement, faire face à l’insalubrité de nombreux logements, mais aussi pour améliorer l’environnement du quartier des Marolles, plusieurs associations y ont développé un projet de promotion de la santé et de l’environnement. Le projet comprend notamment un kit d’animation visant à aider les habitants à améliorer leurs conditions de vie au sein de leur logement.
Début 2000, la Région de Bruxelles-Capitale et l’Echevinat des Affaires Sociales de la Ville de Bruxelles décidaient de libérer des budgets pour financer un contrat de quartier, courant sur une période de quatre ans, dans le quartier Tanneurs situé au cœur des Marolles.
Dans ce cadre, les associations du quartier furent invitées à remettre des projets pouvant entrer dans le volet social du contrat, le but étant d’améliorer le bien-être des habitants du quartier, aussi bien dans leur logement, qu’au sein de leur environnement, tout en veillant à les impliquer dans un projet commun.

Un quartier très mélangé

Lieu de passage et surtout d’accueil, les Marolles comptent aujourd’hui 11.000 habitants. Sa population se répartit de façon presque égale entre Belges (53 %) et immigrés (47 %). Parmi la population étrangère issue de la Communauté européenne, les plus représentés sont les Espagnols, les Français, et ensuite les Portugais. En ce qui concerne les étrangers hors Union européenne, la majeure partie est d’origine maghrébine et africaine. Le quartier Tanneurs se situe au bas des Marolles et compte 6.902 habitants. Sa population est composée de 59 % de Belges et de 41 % d’étrangers. Ce quartier comprend de nombreux jeunes (44 % de la population est âgée de 0 à 30 ans) et de personnes en âge de travailler (28 % sont âgés de 31 à 50 ans).
Source: «Promotion de la santé et de l’environnement, enquête auprès de la population, état des lieux en matière de santé et d’environnement dans le quartier Tanneurs» par le Groupe Santé et Environnement, 2002 .

Déjà avant le lancement de ce contrat de quartier, trois associations – le Centre d’Action Sociale Globale Entr’Aide des Marolles, la Maison Médicale des Marolles et l’asbl Habitat et Rénovation – se préoccupaient des conditions de vie et de logement des habitants. « Les médecins des maisons médicales qui se rendaient au domicile des patients se disaient interpellés par les conditions de logement dans lesquelles vivaient les gens ( humidité , moisissures , surpopulation , cafards …) et par les maladies générées par de telles conditions ( asthme , bronchites , problèmes respiratoires , allergies cutanées …), se souvient Bénédicte Hanot , promotrice en santé à la Maison Médicale des Marolles. Nous avions l’intention de créer des groupes de travail afin de mettre en commun les problématiques rencontrées au niveau du logement . A cet effet , nous avons mené une petite enquête auprès de quelques habitants pour connaître leur conception du logement : comment se représentaient ils un logement , un quartier , une rue agréables , quelles étaient leurs relations avec les voisins
L’annonce du contrat de quartier est tombée à point, puisqu’elle a permis aux trois associations de peaufiner et de lancer, en février 2000, le projet Promotion de la santé et de l’environnement.
Très vite, deux autres associations du quartier – le Centre de Santé du Miroir et l’Antenne Blaes du CPAS de Bruxelles – se sont associées au projet naissant. « Ensemble , nous avons alors décidé de développer un projet assez vaste autour de l’environnement , mais en y intégrant aussi le logement et la rue , raconte Bénédicte Hanot. Le projet vise avant tout à réaliser un travail de prévention et d’information centré autour du logement , de l’habitat et de la santé . Notre projet entend aussi créer l’occasion de travailler avec la population à l’amélioration de la santé en lien avec l’environnement pour une meilleure santé globale . Le projet lancé , nous avons à nouveau réalisé une enquête , plus scientifique cette fois , afin de cerner les attentes , besoins , problèmes , ressources de la population , et de développer ensuite des stratégies adéquates .» L’enquête, menée auprès d’un échantillon de 121 personnes vivant dans le quartier des Tanneurs et clôturée en octobre 2001, a permis de mettre en évidence des problèmes à l’intérieur des logements (humidité, bruit, monoxyde de carbone, cafards, souris, exiguïté, manque de confort sanitaire, fumée de tabac…), mais aussi à l’extérieur (bruit, gaz d’échappement, dépôts clandestins, déjections canines…).

Un kit d’animation «gestion de son logement»

Pour tenter de trouver des solutions aux problèmes constatés dans les logements du quartier, le Groupe Santé et Environnement a créé un kit d’animation appelé «Gestion de son logement». Ce kit est utilisé depuis 2005 et s’adresse à des adultes qui connaissent ou risquent de connaître des conditions d’insalubrité dans leur logement et qui rencontrent des difficultés dans la maîtrise de leur budget. L’animation vise à amener les habitants à établir un lien entre leur logement et leur santé, à donner des conseils pratiques aux habitants afin de diminuer les problèmes d’insalubrité (humidité, moisissures, cafards…) et de permettre des économies d’énergie (diminution des factures de gaz et d’électricité). Le kit encourage aussi les habitants à témoigner de leurs démarches, habitudes et besoins dans divers domaines ayant trait au logement.
« Partant des résultats de notre enquête , l’idée était d’avoir un outil qui nous permette , lors de nos visites au domicile des familles , de déblayer le terrain avec elles , d’identifier les problèmes relatifs au logement , de chercher des solutions que les usagers pourraient mettre en place dans leur maison , souligne Sylvie Leenen , infirmière en santé communautaire auprès du Centre de Santé du Miroir. Le kit d’animation tente aussi d’apporter une réponse , d’une part , à la demande des travailleurs sociaux face à leur impuissance devant la crise du logement et d’autre part , aux questions liées au logement qu’ils se posent lorsqu’ils se rendent au domicile des familles
Concrètement, les animations se font par des intervenants sociaux au domicile des habitants du quartier. Le kit d’animation contient une valisette et quatre brochures illustrées. La valisette se compose de divers outils destinés à identifier les problèmes à l’intérieur du logement: un thermohygromètre (appareil qui mesure la température d’une pièce et son taux d’humidité), un compteur de consommation d’électricité, un détecteur permettant de déceler l’humidité des murs. En guise de solutions aux problèmes de cafards et de consommation d’énergie, la valisette contient également des plaquettes anti-cafards et des ampoules économiques.
Les brochures, illustrées par Frédéric Thiry et réalisées en collaboration avec les asbl Question Santé et le Centre Urbain, sont distribuées au cours de l’animation. Etant destinées à un public qui maîtrise peu ou pas la lecture et la langue française, les quatre brochures sont le fruit d’un travail particulier. Elles illustrent concrètement l’information donnée aux personnes et reprennent les conseils judicieux à transmettre. Quatre thèmes précis y sont traités: « Moisissures et humidité dans le logement », « Lutter contre les cafards », « Quelques trucs pour diminuer votre facture de gaz » et « Quelques trucs pour diminuer votre facture d’électricité ».

Déculpabiliser les habitants

Un an et demi après son lancement, une cinquantaine de maisons ont fait l’objet d’une animation à domicile par les intervenants du quartier. « Les problèmes d’humidité et de cafards sont les grandes thématiques qui reviennent le plus souvent , constate Sylvie Leenen. Aborder le thème de l’économie d’énergie est plus complexe , car cela demande une analyse des habitudes de vie des habitants , de leurs dépenses énergétiques et des possibilités de diminuer ces dépenses , ce qui prend beaucoup de temps . Nous constatons que notre démarche tend à déculpabiliser les gens par rapport à l’état de leur logement . Si face à certaines situations , nous sommes impuissants , nous pouvons , d’une manière générale , donner des conseils pratiques . Pour certaines familles , des choses peuvent être changées , par exemple en aérant correctement les pièces ou en faisant appel au propriétaire pour résoudre un problème d’infiltration . Mais pour d’autres , il y a clairement un problème structurel au niveau du bâtiment et dans ce cas , les personnes ne peuvent évidemment rien y changer . Déménager constitue alors la meilleure solution : certaines familles parviennent à trouver un autre logement , mais d’autres doivent vivre avec les problèmes constatés en attendant un éventuel déménagement
De son côté, Bénédicte Hanot déplore le fait que les intervenants sont souvent envoyés trop tard auprès des habitants: « Lorsque nous arrivons chez eux , le problème est déjà trop important et les solutions que nous avons à proposer ne suffisent plus . Pour plus d’efficacité , nous devrions être appelés dès qu’un petit problème est constaté , de sorte que nous puissions intervenir et donner des conseils aux gens avant que les problèmes ne prennent des proportions considérables
Lorsque les compétences des travailleurs sociaux sont dépassées, ceux-ci doivent alors se tourner vers des experts. A ce propos, un des intérêts de l’utilisation pratique du kit d’animation est d’avoir mis en évidence le manque de ressources techniques dans le quartier des Marolles. « Nous pouvons collaborer entre associations , par exemple , en ce qui concerne les formations , mais nous n’avons pas d’expert à qui faire appel pour approfondir l’analyse des problèmes liés aux logements , constate Delphine Louterman , assistante sociale au Centre d’Action Sociale Globale Entr’Aide des Marolles et coordinatrice du Projet Promotion de la Santé et Environnement. Pour faire face à cette carence , nous avons , d’une part , établi des contacts avec d’autres associations ayant un technicien sur place et , d’autre part , nous avons étoffé le livret d’adresses et de ressources pouvant prendre le relais lorsque nous ne pouvons rien faire

Une idée qui se propage

L’initiative n’a pas manqué d’intéresser d’autres associations de quartier confrontées elles aussi à l’insalubrité des logements. Comme le souligne Delphine Louterman, « nous avons constaté une satisfaction par rapport à l’aspect concret et utilisable de l’outil à domicile . De nombreuses associations de Bruxelles et même de Wallonie se sont montrées intéressées par le kit d’animation : elles ont acheté des brochures ( 1 ) et loué la valisette . Face au souhait des travailleurs sociaux de connaître l’outil , nous avons organisé des séances collectives pour présenter le kit d’animation , nous avons aussi donné une formation sur les quatre thèmes abordés par les brochures . Les associations se sont réunies pour échanger leurs pratiques par rapport à l’usage de l’outil , à la question de la visite à domicile , de la problématique santé et logement
Colette Barbier
Adresse utile: Centre d’Action Sociale Globale Entr’Aide des Marolles asbl, Delphine Louterman, Rue des Tanneurs 169, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 510 01 80. Courriel: d.louterman@entraide-marolles.be
Education Santé a déjà traité cette problématique, voir entre autres:
-Maillard C., Santé et habitat. Des constats aux actions , n° 218
-Verstraeten K., Gossiaux Y., Doumont D., Habiter en santé , n° 218
-Cherbonnier A., ‘Ma Casa bon vivre’. Une expo et un DVD pour habiter en santé , n° 221
-Maillard C., Bruxelles, ville-région en santé. Quand l’aménagement de la ville est centré sur ses habitants , n° 223
Vous pouvez consulter ces articles sur notre site http://www.educationsante.be

(1) Les brochures n’ont pas été conçues pour être distribuées au tout venant, mais pour être utilisées dans le cadre d’animations à domicile. Des exemplaires peuvent être achetés auprès de l’asbl Entr’Aide des Marolles au prix de 0,50 euro pièce. Cet argent permettra de rééditer les documents.