A l’invitation de l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, se tenait ce 12 mai dernier la matinée de présentation du Guide d’élaboration d’un diagnostic social santé local. Ce guide, fruit d’un travail d’intenses collaborations et mené sous la bannière de la co-construction, voyait environ 170 personnes se rassembler à l’occasion de cette présentation : acteur-rice-s de terrain, expert-e-s et chercheur-e-s issu-e-s des secteurs du social, de la santé, de l’analyse du territoire…
Une matinée de présentation du guide et quelques points de suspension
La matinée de présentation fut découpée en trois temps. Une première série de prises de parole fut consacrée à la présentation de chaque segment du guide : qu’y trouver ? A quel(s) usage(s) ? Nous y revenons plus spécifiquement dans la section suivante. Ces prises de parole, opérées en binôme d’auteurs et co-auteurs du guide, visaient à refléter la combinaison d’expertises qui a été mobilisée dans ce processus de production. La table ronde, rassemblant Nazira El Maoufik (PCS Akarova), Olivia Vanmechelen (Kenniscentrum WWZ), Karin Van Zele (Logo Brussel) et Inge Verhaegen (Odisee Hogeschool), fut quant à elle l’occasion de croiser des témoignages de personnes ayant soit une expérience directe dans la réalisation de diagnostic(s), soit dans celle d’accompagnement d’acteur-rice-s à la réalisation de tels diagnostics. Un temps riche de réflexions, questions et échanges fut aussi opéré avec la salle, laissant entrevoir les potentiels mais aussi les limites inhérentes à ce type d’outil, comme tout outil quel qu’il soit…
Objet et contenus du guide
C’est à la question du « Comment faire ?« , en forme de poupées russes, que s’attèle à répondre le « Guide d’élaboration d’un diagnostic social-santé local ». Publié au mois de mai 2022 par la Commission communautaire commune [1], le guide est la co-production d’un consortium d’acteurs issus de divers centres de recherche, associations et institutions issus du secteur social-santé bruxellois.
Ces acteurs sont : le Centre de recherche de Bruxelles sur les inégalités sociales (Crébis – Le Forum-Bruxelles contre les inégalités et le Conseil bruxellois de coordination sociopolitique (CBCS)) ; le Centre de recherche interdisciplinaire en Approches sociales de la santé (CRISS) de l’École de santé publique de l’ULB ; l’Institut de gestion de l’environnement et de l’Aménagement du territoire (IGEAT) et le Réseau des études bruxelloises (EBxl) de l’ULB ; le Centre de diffusion de la culture sanitaire (CDCS asbl) et le Centre interdisciplinaire de recherche Travail, État et Société (Cirtes) de l’UCLouvain.
A l’origine de ce projet, un cahier des charges lancé par l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale en collaboration avec Pespective.Brussels et le Centre de Documentation et Coordination Sociale (CDCS-CMDC). Ce projet s’est esquissé au départ du constat d’un besoin de divers professionnels des secteurs du social et de la santé d’être mieux outillés pour observer, comprendre et analyser leur territoire, mais aussi leur cadre d’intervention et les attentes de leur(s) public(s). En ce sens, le besoin de diagnostic fait écho à la nécessité de s’adapter pour répondre aux défis nombreux et complexes qui se posent dans ces secteurs d’activités. A ce constat de terrain est venu se greffer la dynamique du réseau interdisciplinaire Care in the City [2], porté par Perspective.Brussels. Care in the City constitue depuis 2017 un espace de réflexion commune entre plusieurs acteurs régionaux bruxellois autour d’une meilleure intégration du bien-être et de la santé dans la planification urbaine.
On l’a évoqué en tête de cet article, le guide est le fruit d’une démarche de co-construction. Afin de proposer un outil à destination des professionnels de terrain qui tienne compte de leurs besoins, attentes et conditions de travail, le consortium s’est adjoint un groupe de personnes-ressources (GPR). Ce groupe était composé de 21 professionnels de terrain issus d’associations/institutions diverses et aux missions complémentaires parmi les secteurs social-santé bruxellois [3]. Leurs apports ont été essentiels pour mettre en exergue les questionnements concrets qui animent le terrain et ainsi guider progressivement le consortium de recherche dans la co-construction du guide. A ce GPR se sont adjoints quatre partenaires-testeurs [4] qui ont accepté de tester des sections de l’outil, en conditions réelles, sous l’angle de son niveau de cohérence et de praticabilité sur le terrain.
A l’arrivée, le guide se compose de deux volets qui communiquent naturellement l’un avec l’autre. On retrouve d’une part le guide principal qui fournit des balises conceptuelles et méthodologiques en vue de s’orienter tout au long d’un parcours de diagnostic social santé et, d’autre part, le guide de ressources locales qui propose une série d’éléments d’approfondissements, de récits d’expériences locales et de pistes en matière d’accompagnement. Voyons plus en détails ces deux documents complémentaires.
Le Guide d’élaboration d’un diagnostic social-santé local se déploie au travers de six cahiers également complémentaires. Le fil rouge de ces cahiers est celui de la temporalité des questions et des enjeux posés avant, pendant et après la réalisation d’un diagnostic. Leur lecture s’opérera, selon les besoins et connaissances de chacun-e, en tout ou en partie, dans l’ordre ou le désordre. Des liens entre cahiers sont également faits, ce qui permet à chacun-e de naviguer entre ceux-ci, en fonction de ses zones d’intérêt spécifiques.
- Le cahier introductif permet au(x) porteur(s) de diagnostic d’opérer un bilan de leur situation avant de débuter la démarche de diagnostic et d’identifier les ressources nécessaires et disponibles à cette fin avant de se lancer. Ce cahier constitue donc un point de repère en démarrage de dynamique, tout particulièrement utile pour des personnes n’ayant aucune expérience préalable en réalisation de diagnostic. Dans cette optique de bilan initial, un « questionnaire d’entrée » figure en fin de cahier en vue de guider le(s) porteur(s) de diagnostic dans leur démarche.
- Le cahier Statistiques et comptages axe l’essentiel de son propos sur la mobilisation de données préexistantes. Ainsi, il présente et balise l’utilisation de ressources librement accessibles en matière de données statistiques et de recensement de l’offre socio-sanitaire en Région bruxelloise, notamment à l’échelle communale et du quartier. Il passe également en revue une sélection de données statistiques dont les caractéristiques principales sont synthétisées. Afin de compléter ce tableau, le cahier se clôture sur une série de suggestions s’adressant au(x) porteur(s) de diagnostic qui souhaiteraient collecter quelques données quantitatives.
- Le cahier Méthodes qualitatives pose, quant à lui, les balises pratiques, méthodologiques et éthiques pour véritablement déployer une démarche qualitative dans le cadre du processus de production d’une démarche diagnostique. La collecte, l’analyse et l’exploitation d’un matériau qualitatif est ainsi décrite en étapes, et en reconnaissance des contraintes que peut poser un travail de diagnostic mené en dehors du contexte scientifique. La lecture de ce cahier pourra tout particulièrement s’articuler avec celle du cahier ‘Statistiques et comptages’ en vue de combiner les approches qualitatives et quantitatives dans la démarche de diagnostic.
- Le cahier Mise en forme et diffusion aborde et invite à anticiper l’étape de diffusion du diagnostic, en regard notamment des partenaires à mobiliser ou de la temporalité induite par les choix qui seront posés en la matière. Différents supports ainsi que canaux de diffusion sont envisageables dans le cadre d’une diffusion de diagnostic ; ces options et leurs points positifs et/ou négatifs sont présentés.
- Le cahier Recommandations et/ou Pistes d’action amorce la phase succédant au diagnostic, en abordant deux modes distincts mais souvent complémentaires d’utilisation du diagnostic. Le cahier développe en ce sens des points de repère et des conseils pour faire émerger des pistes d’action ainsi que pour rédiger et diffuser des recommandations.
- Le cahier Co-construction se positionne, lui, en tant qu’approche spécifique et transversale à la démarche de diagnostic. Afin de mieux appréhender ce que constitue et apporte la démarche de co-construction, ce cahier présente des balises théoriques et pratiques. Celles-ci passe en revue plusieurs questions-clé dans cette démarche : quelle posture adopter ? Quels niveaux d’implication envisager pour les parties prenantes, habitants, usagers des services ? Quels défis sont posés ? Comment y faire face ?
Le Guide des ressources bruxelloises pour construire un diagnostic social-santé a, pour sa part, été conçu comme une « boîte à outils », complémentaire aux six cahiers précédemment décrits. Des liens viennent en ce sens égrener la lecture des six cahiers et inviter chacun-e à approfondir l’un ou l’autre aspect via ce guide de ressources. Le guide n’ambitionne pas le relevé exhaustif de ressources mais plutôt un set de ressources librement accessibles et pertinentes pour des acteurs engagés dans la construction d’un diagnostic santé-social en contexte bruxellois. Diverses initiatives inspirantes menées dans des communes bruxelloises sont décrites, et quelques organismes dédiés à l’accompagnement de démarches diagnostiques et notamment actifs en région de Bruxelles-Capitale sont présentés. A ces deux catégories de ressources viennent s’ajouter références d’outils de diagnostics publiés en France et en Belgique.
Quelles suites?
Les échanges avec la salle lors de la présentation du guide ont remis en lumière la tension fondamentale à laquelle sont confrontés les acteurs des secteurs social-santé : une paucité de moyens et des ambitions conséquentes. A ce titre, le guide invite à la modestie dès l’entame du processus de démarche diagnostique. En effet, la démarche de diagnostic ne peut s’opérer sans un minimum de ressources présentes au départ. Des données sont toutefois déjà régulièrement en partie collectées, ici ou là, et souvent potentiellement très utiles pour venir enrichir le diagnostic. Mais elles sont pour partie peu disponibles en première intention ; il peut s’avérer utile de les rechercher et de s’y intéresser. Parmi ces données riches et déjà collectées, mais peu visibles, figure – comme cela a été soulevé lors de la matinée du 12 mai – la multitude de diagnostics déjà réalisés par les professionnel-le-s des secteurs social-santé bruxellois… A qui et à quand d’en assurer l’accès dans une logique de capitalisation des savoirs en matière de diagnostics social-santé bruxellois ?
Le Guide d’élaboration d’un diagnostic social-santé local et son Guide des ressources bruxelloises sont librement téléchargeables sur le site de l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, en français et en néerlandais : https://www.ccc-ggc.brussels/fr/observatbru/publications/guide-delaboration-dun-diagnostic-social-sante-local
Ils peuvent également être obtenus en format papier via l’envoi d’un mail à l’adresse suivante : observat@ccc.brussels
[1] Téléchargeable gratuitement sur la page : https://www.ccc-ggc.brussels/fr/observatbru/publications/guide-delaboration-dun-diagnostic-social-sante-local
[2] Le réseau est composé : CDCS-CMDC ; OBSS ; Kenniscentrum WWZ ; Huis voor Gezondheid ; Brusano ; CBCS et coordonnée par Perspective.Brussels – https://perspective.brussels/fr/enjeux-urbains/social-sante
[3] Ces professionnels sont issus des services suivants: les CPAS de Saint-Gilles et de Forest; le SSM Le Méridien; Brusano; Maison BilobaHuis; le KennisCentrumWWZ vzw; asbl Aidants proches; le projet LAMA; l’ONE; le SMES; le Foyer du Sud; la mutualité chrétienne; Infirmiers de rue; la Febul; le CAFA asbl; Medikuregem; asbl Connivence; Foyer vzw – Interculturele Bemiddeling.
[4] Le SESO; le contrat local social-santé (CLSS) du CPAS de Forest; le SSM Le Méridien et le contrat local social-santé (CLSS) du CPAS de Schaerbeek.