Texte d’après une conférence introductive donnée à Toulouse le 16 juin 2016,dans le cadre d’une Journée d’échanges régionale (JER) organisée à l’occasion du 30e anniversaire de la Charte d’Ottawa. Cette journée était organisée par l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé d’Occitanie (www.ireps-occitanie.fr) et la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (www.fnes.fr).
On a observé en Belgique francophone un mouvement de professionnalisation et d’organisation de l’éducation pour la santé: une série d’acteurs professionnels se sont impliqués et se sont progressivement structurés dans des associations.
Au début des années 1980, les enjeux pour ces acteurs sont la qualité, l’amélioration des pratiques et des services, ainsi que l’ancrage local. On parle d’éducation pour la santé mais les prémisses de la Charte d’Ottawa sont déjà présentes, puisque l’on parle aussi de promouvoir la santé, d’éthique, de santé globale, d’émancipation sociale, d’amélioration des cadres de vie et de la qualité de vie.
En 1997, le décret sur la promotion de la santé est voté par le parlement francophone belge. Il prévoit de définir des priorités de promotion de la santé sur cinq ans et encadre l’agrément de structures ayant pour but de développer des synergies locales. Ces structures, les centres locaux de promotion de la santé, ont des missions similaires à celles des comités départementaux d’éducation pour la santé en France (CODES).
Le décret prévoit un financement pluriannuel pour ces activités et marque la volonté d’intégrer dans un même cadre la médecine préventive, la promotion de la santé et l’éducation pour la santé.
Bilan en demi-teintes
Le bilan que l’on peut dresser du décret de 1997 permet de retenir tout d’abord la diversité d’acteurs qui ont appliqué des objectifs et des méthodes d’intervention communs, des cadres de référence communs, basés sur des textes internationaux et des connaissances scientifiques, dans des interventions qui dépassent le champ de la santé. L’esprit est celui de l’empowerment, de l’action sur les milieux de vie, de l’action intersectorielle, de la réduction des inégalités sociales de santé et du plaidoyer pour des politiques publiques saines. En créant cette culture commune d’intervention, les acteurs de promotion de la santé se sont professionnalisés en se formant dans les universités, mais aussi en confrontant leurs pratiques dans des démarches collectives afin d’en définir les critères de qualité. Cette conception de la qualité était largement partagée par l’administration de tutelle, qui les appliquait à la conception des programmes et politiques de prévention.
Un autre élément positif est la présence de déclinaisons locales des programmes, d’un appui méthodologique et stratégique, et une véritable articulation entre les stratégies de médecine préventive et de promotion de la santé.
En revanche, certains points négatifs ne peuvent être ignorés. Bien qu’une toile de fond ait été tissée, il n’y a pas encore de réelle planification stratégique des actions mises en place. Par ailleurs, alors qu’a émergé une identité sectorielle forte pour les acteurs de la promotion de la santé, le manque de visibilité persiste, notamment auprès des acteurs politiques.
On se heurte également à la difficulté de diffuser le concept de promotion de la santé de manière durable en dehors du secteur, car les partenariats manquent parfois de stabilité.
Enfin, le sous-financement persistant, le manque d’investissement des politiques publiques dans la prévention, la promotion de la santé et l’éducation pour la santé, en comparaison avec le secteur curatif, sont des freins majeurs pour le développement des actions en promotion de la santé en Belgique francophone.
Espoirs et défis
Les espoirs
- Les valeurs de la Charte d’Ottawa offrent des occasions d’alliances avec d’autres secteurs ayant des valeurs identiques. D’autres branches valorisent en effet l’action complexe, l’intelligence collective, traitent de la question des inégalités sociales et de la cohésion sociale. Le secteur du développement durable en est un exemple.
- Des alliances sont aussi possibles avec la première ligne de soins, en particulier le secteur de la prévention des maladies chroniques, des grands plans de prévention et de suivi de ces maladies. La promotion de la santé pénètre de plus en plus dans le secteur du soin et dans la médecine générale.
- L’accès facilité aux connaissances et aux informations, et les outils pour l’action politique intersectorielle, tels que l’évaluation de l’impact sur la santé (EIS), représentent des perspectives prometteuses pour la promotion de la santé.
Les défis
Appliquer la «Santé dans toutes les politiques »
• Favoriser les programmes transversaux, tout en conservant la professionnalisation et l’organisation du secteur spécifique de la promotion de la santé;
• Augmenter les compétences pour l’action intersectorielle aux différents paliers, notamment adapter le vocabulaire, les méthodologies aux mondes des autres secteurs tout en conservant le focus ‘santé’.
Développer de nouveaux modes de construction et de diffusion des connaissances propres à la promotion de la santé
• Croiser les expertises des publics concernés, des professionnels et des scientifiques;
• Articuler les connaissances issues de la recherche et des expériences internationales avec les savoirs issus de la pratique des professionnels et des populations locales.
Contribuer à la lutte contre les inégalités sociales
• Renforcer le continuum ‘promotion de la santé-prévention-soins’, c’est-à-dire l’accompagnement dans et en-dehors du système de santé, tout au long du parcours de vie des individus;
• Conserver l’enfance comme cible prioritaire;
• Accroître l’universalisme proportionné dans les programmes et politiques;
• Prendre en compte la dimension territoriale des inégalités;
• Agir globalement sur les facteurs individuels, collectifs et contextuels.