Décembre 2004 Par Véronique JANZYK Initiatives

A l’instar d’autres pays européens, la Ligne Tabac Stop (070 227 227) d’information sur le tabac et d’aide à l’arrêt fonctionne en Belgique depuis le 1er juin 2004 (1). Premiers éléments d’évaluation.
La Fédération belge contre le cancer se lance dans l’aventure de l’information et de l’aide à l’arrêt par téléphone. L’information (en ce compris l’envoi de brochures) est proposée entre 8 heures et 19 heures. L’aide à l’arrêt est, elle, réservée à la tranche horaire 15 h-19h. L’initiative n’est-elle pas tardive par rapport à d’autres pays européens?
« Il fallait que nous soyions prêts , formés , tempère le Dr Juan Coulon (responsable francophone du projet à la Fédération belge contre le cancer). Ce qui s’est fait auprès des lignes étrangères . Ce travail qui est par essence proche des personnes devait se nourrir de nos expériences d’aide à l’arrêt tabagique . Elles ont dû se développer . Je pense à la consultation d’aide à l’arrêt à Bordet , à celle mise en place sur le campus de l’ULB ou à la formation en tabacologie que nous organisons avec les universités et la Fares . C’est grâce à toute cette dynamique que Tabac Stop a pu voir le jour . Ce n’est pas parce que les choses se passent par téléphone que le service doit être moins rigoureux . Les coups de fil durent en moyenne un quart d’heure . Nous posons des questions précises pour cerner le profil des fumeurs qui appellent et les aider au mieux . Les professionnels qui sont au bout du fil sont soit médecins soit psychologues , et tous formés en tabacologie et à la technique des entretiens motivants . Ils ont tous une pratique avec des fumeurs , que cela soit directement ou moins directement comme lors de stages

Profil

Entre le 1er juin et la mi-octobre, environ 1500 personnes ont appelé le 070 227 227 pour les appelants francophones (les appelants néerlandophones sont un peu moins nombreux). Une majorité de femmes ont utilisé ce service. Une majorité d’appelants sont fumeurs. L’arrêt tabagique est la raison principale des appels, mais il y a aussi des questions sur la législation, sur le tabagisme passif et sur la santé.
Les appelants qui contactent les professionnels (psychologue ou médecin formés en tabacologie) sont plus âgés que le public qui fréquente les centres d’aide à l’arrêt au tabac. Les plus de 50 ans sont nombreux. Les jeunes sont quasiment absents. La consommation élevée de tabac est une constante (soit plus de 30, 40 cigarettes par jour). « Pas mal de patients chipotent avec les substituts nicotiniques , constate le Dr Coulon. Ils ne savent plus comment doser . Ils se colleraient bien deux , trois patches sur la peau . Je pense qu’ils hésitent à expliquer leurs difficultés à leur médecin . Comme si cela devait aller de soi . Comme si on avait peur de dire ses difficultés , son manque . Une croyance souvent rencontrée , c’est celle que tout passe par les substituts nicotiniques . Des personnes tournent en rond d’un substitut à l’autre ! Elles ont l’impression qu’elles ont tout essayé et que cela ne sert à rien ! Beaucoup de fumeurs qui veulent arrêter ont un problème d’estime d’eux mêmes . Ils sont fragilisés dans ce domaine . Ils ont peur d’échouer encore une fois . Mais attention , nos appelants ne sont pas représentatifs de tous ceux qui veulent arrêter de fumer . Nous avons des fumeurs et des fumeuses avec des tabagismes lourds , des comorbidités somatiques et psychologiques

Aussi au service des généralistes

La ligne Tabac Stop lance un appel aux médecins généralistes. Elle est là aussi pour eux, pour offrir de l’information sur les consultations de tabacologie, les centres d’aide à l’arrêt tabagique, mais surtout sur les recommandations internationales en matière de traitement des dépendances physiques, psychologiques et comportementales.
Les soutiens dans le long terme sont importants à promouvoir, car fondamentaux. «Nous sommes là pour répondre aux médecins généralistes, aux travailleurs de la santé, à tout professionnel confronté à la question du tabac. Nous avons des pistes à leur proposer face à une série de questions. Que dire à un patient qui a peur de prendre du poids? Quelle option prendre avec les substituts nicotiniques lorsqu’on se trouve face à une femme enceinte ou à une personne qui vient de faire un infarctus? Que faire avec un patient qui a un cancer de la gorge et qui continue de fumer? Quelle stratégie utiliser avec un patient que l’on ne trouve pas suffisamment motivé? Que dire quand la rechute est là? Et quand le patient est déprimé, comment relancer le traitement?»
La ligne Tabac Stop renvoie souvent vers le médecin généraliste des patients désorientés par l’aventure de l’arrêt. « Ce serait formidable , poursuit le Dr Coulon, que les médecins de famille puissent nous recontacter ensuite , que nous puissions partager nos expériences . Ils sont mieux placés que nous , ils connaissent très bien leur patientèle . Mais je ne suis pas sûr que les patients leur disent nous avoir appelés …»

Des mots pour motiver

Les professionnels répondant à ceux et celles qui veulent arrêter de fumer sont formés à la technique des entretiens motivants. Quelques principes sous-tendent cette approche. Comme l’empathie, faite de compréhension, de respect, de tolérance. « C’est par exemple dire au patient qu’on entend qu’il doute , mais l’encourager néanmoins . Lui dire qu’on va y arriver
Autre principe: augmenter l’estime de soi. Ce sera affirmer par exemple « Il n’y a pas d’échec en tabacologie . Il y a des rechutes , mais elles sont constructives .» La position de l’expert sera évitée par-dessus tout. Le patient sait. C’est lui qui a les ressources.
Autre manière de soutenir autrui, l’aider à se projeter dans le futur comme ex-fumeur: « Dans six mois , quand vous aurez arrêté …»
Véronique Janzyk
Toute information complémentaire auprès de la Fédération belge contre le cancer au 02 736 99 99.
(1) Voir ‘Enfin une Ligne Tabac-Stop en Belgique’ , Education Santé n° 194, octobre 2004.